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06/05/2025 | FRANCE | N°24-85.773

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai 2025, 24-85.773


N° C 24-85.773 F-B

N° 00551


ECF
6 MAI 2025


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 MAI 2025



M. [H] [X] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 2 octobre 2024, qui, dans la procédu

re d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement de la République de Corée, a émis un avis favorable.

Un mémoire et des observations compléme...

N° C 24-85.773 F-B

N° 00551


ECF
6 MAI 2025


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 MAI 2025



M. [H] [X] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 2 octobre 2024, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement de la République de Corée, a émis un avis favorable.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [H] [X] [D], et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 29 mai 2024, le procureur général a notifié à M. [H] [X] [D], de nationalité coréenne, une demande d'extradition délivrée par le gouvernement de la République de Corée, sur le fondement d'un mandat d'arrêt du 2 avril 2020, aux fins de poursuites pour des faits qualifiés de violation des lois sur les marchés de capitaux et les services d'investissement financier et sur l'aggravation des peines en matière de crimes économiques, punis d'une peine de réclusion à perpétuité.

3. M. [D] n'a pas consenti à son extradition.

4. Par arrêt du 12 juin 2024, la chambre de l'instruction a ordonné un supplément d'information auquel les autorités sud-coréennes ont répondu le 17 juillet suivant.

Examen des moyens

Sur le second moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a émis un avis favorable à la demande d'extradition, alors :

« 1°/ que l'extradition doit être refusée lorsque la remise expose la personne réclamée au risque réel d'être condamnée à une peine prohibée par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que toute peine nettement disproportionnée est contraire à l'article 3 de la Convention (CEDH, Vinter et autres c. Royaume-Uni, GC, 9 juillet 2013, § 102) ; que des infractions de nature économique et financière ne constituent pas des «  infractions particulièrement graves  » au sens de la jurisprudence de la Cour européenne, autorisant librement les Etats à infliger la peine de perpétuité à des adultes ; qu'après avoir énoncé que les faits exposés et qualifiés par l'Etat requérant peuvent, en droit français, recevoir la qualification d'abus de confiance, escroquerie, abus de biens sociaux, infractions économiques et boursières, délit d'initié, l'arrêt retient que la peine de perpétuité encourue en Corée n'est manifestement pas disproportionnée s'agissant d'infractions en matière économique et financière, au regard du montant du profit obtenu ou de la perte évitée qui conditionne le prononcé d'une telle peine, ainsi que cela résulte des textes de loi de l'Etat requérant qui prévoient une réclusion à perpétuité si ce montant est égal ou supérieur à 5 milliards de wons ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et consécutivement privé sa décision, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale, en violation de l'article 696-15 du code de procédure pénale ;

2°/ que l'interdiction des mauvais traitements posée par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme étant absolue, le caractère nettement disproportionné de la peine encourue dans l'Etat requérant au regard de la gravité des faits doit s'apprécier au regard de la législation de l'Etat requis ; que les faits pour lesquels l'extradition est demandée, qualifiables en droit français d'abus de confiance, escroquerie, abus de biens sociaux, infractions économiques et boursières, délit d'initié, « prévus et réprimés par les articles 314-1, 314-1-1 du code pénal, 313-1 et suivants du code pénal, L 241-3 du code de commerce, L 242-6 du code de commerce, L 212-1, L 211-1, reg UE 596/2014, réglementation générale AMF, L 411-1, L 421-10 et suivants, L 465-1, L 465-3-1, L 465-3-2 du code monétaire et financier », sont sanctionnés d'une peine d'emprisonnement à temps n'excédant pas 10 ans, quel que soit le profit retiré de l'infraction ou la perte évitée ; qu'en se fondant, pour juger que la peine de perpétuité encourue dans l'Etat requérant n'est manifestement pas disproportionnée, sur la circonstance inopérante tirée du montant du profit obtenu ou de la perte évitée qui conditionne le prononcé de cette peine, la chambre de l'instruction a violé l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 696-4, 6° du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme que l'extradition doit être refusée lorsque la personne concernée démontre qu'elle est exposée à un risque réel de voir prononcer contre elle une peine manifestement disproportionnée dans l'Etat requérant, cette notion devant faire l'objet d'une interprétation stricte et ne pouvant être retenue que dans des cas très exceptionnels (CEDH, arrêt du 17 janvier 2012, Harkins et Edwards c. Royaume-Uni, n° 9146/07 et 32650/07).

8. Il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un grief pris du caractère disproportionné de la peine encourue dans l'Etat requérant en cas d'extradition, d'apprécier la disproportion alléguée au regard de la nature et de la gravité des faits, des conditions dans lesquelles la juridiction étrangère sera amenée à prononcer l'éventuelle condamnation, le seul fait que la peine encourue dans l'Etat requérant soit plus sévère que celle qui serait appliquée dans l'Etat requis n'étant pas opérant (CEDH, arrêt du 29 juin 2023, Bijan Balahan c. Suède, n° 9839/22).

9. L'avis de la chambre de l'instruction qui respecte cette exigence, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux articulations essentielles des mémoires, satisfait aux conditions essentielles de son existence légale, ce qu'il appartient à la Cour de cassation de contrôler en application de l'article 696-15 du code de procédure pénale. La Cour de cassation ne peut substituer son appréciation à celle des juges.

10. En l'espèce, pour rejeter le moyen pris du caractère disproportionné de la peine encourue dans l'Etat requérant et donner un avis favorable à l'extradition, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que l'intéressé est recherché dans le cadre de quatre affaires relatives à des infractions de nature économique et financière portant sur plusieurs dizaines de milliards de wons, pouvant recevoir, en droit français, la qualification d'abus de confiance, escroquerie, abus de biens sociaux, infractions économiques et boursières et délit d'initié, énonce que la peine de perpétuité encourue par l'intéressé n'est manifestement pas disproportionnée au regard de la nature des faits qui lui sont reprochés, s'agissant d'infractions en matière économique et financière, du montant du profit obtenu ou de la perte évitée, d'un montant égal ou supérieur à cinq milliards de wons, seuil qui conditionne le prononcé d'une telle peine en application des dispositions de l'article 443 de la loi coréenne sur les marchés de capitaux et les services d'investissement financier et de l'article 3 sur l'aggravation des peines en matière de crimes économiques.

11. Les juges ajoutent que la libération conditionnelle est possible après avoir purgé un tiers de la peine et après vingt ans s'agissant des personnes condamnées à la réclusion perpétuelle, détaillant le mécanisme de réexamen prévu par la loi de l'Etat requérant et relevant que l'autorité requérante précise expressément qu'il n'existe aucune disposition légale permettant une réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.

12. Ils en concluent qu'il n'existe pas de raisons sérieuses de penser que la condamnation encourue exposerait l'intéressé à un risque réel de se voir infliger une telle peine.

13. En l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction, qui s'est assurée que la personne réclamée ne démontrait pas qu'elle est exposée à un risque réel de voir prononcer contre elle une peine manifestement disproportionnée dans l'Etat requérant, a justifié sa décision.

14. Dès lors, le moyen doit être écarté.

15. Il s'ensuit que l'arrêt répond, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale.

16. Par ailleurs, l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et la procédure est régulière.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-85.773
Date de la décision : 06/05/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai. 2025, pourvoi n°24-85.773, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.85.773
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