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30/04/2025 | FRANCE | N°24-10.256

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation de section, 30 avril 2025, 24-10.256


CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 30 avril 2025




Cassation partielle
sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 230 FS-B

Pourvoi n° U 24-10.256




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025

La société Energie renouvelable du Langu

edoc, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 24-10.256 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2023 par la cour d'appel de Nîmes (cham...

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 30 avril 2025




Cassation partielle
sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 230 FS-B

Pourvoi n° U 24-10.256




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025

La société Energie renouvelable du Languedoc, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 24-10.256 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2023 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 2e chambre, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'escandorgue et du Lodévois (APPREL), dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel (VPPN), dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Energie renouvelable du Languedoc, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'escandorgue et du Lodévois, de l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et de l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 décembre 2023), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 11 janvier 2023, pourvoi n° 21-19.778), par un arrêté du 20 octobre 2004, le préfet de l'Hérault a délivré à la société Energie renouvelable du Languedoc (la société ERL), après une enquête publique ouverte par arrêté du 23 mars 2004, un permis de construire pour édifier sept aérogénérateurs et un poste de distribution au lieu-dit « [Localité 4] », sur le territoire de la commune de [Localité 6].

2. Par arrêt du 7 novembre 2012, le Conseil d'Etat a définitivement rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 mai 2011 qui avait annulé ce permis de construire.

3. Par un arrêté du 24 avril 2013, le préfet de l'Hérault a délivré un nouveau permis de construire à la société ERL.

4. Le 19 juillet 2016, il a délivré un certificat de conformité.

5. Par arrêt du 26 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le permis en raison de l'insuffisance de l'étude d'impact.

6. Par décision du 8 novembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté le pourvoi formé contre cette décision.

7. Le 27 juillet 2018, l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel (VPPN) et l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) (les associations) ont assigné la société ERL devant le juge judiciaire, principalement, en démolition de ce parc éolien sur le fondement de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme.

8. L'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) est intervenue volontairement à la procédure.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La société ERL fait grief à l'arrêt de la condamner à remettre les lieux en leur état antérieur par la démolition des éoliennes et toute installation y attachée ou nécessaire à l'exploitation, alors « que pour l'application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, l'intervention d'un permis de construire, y compris tacite, de régularisation intervenu postérieurement à l'achèvement des travaux qui avaient été réalisés sur la base d'un permis de construire précédemment délivré puis annulé, fait obstacle à ce que soit accueillie l'action en démolition engagée par un tiers ; qu'en l'espèce, la société Energie renouvelable du Languedoc doit être regardée comme bénéficiant d'une autorisation environnementale, au sens des articles L. 553-1 devenu L. 515-44 et L. 511-2 du code de l'environnement pour exploiter le parc éolien en litige depuis le 24 avril 2013 à la suite de la décision du Conseil d'Etat du 1er juillet 2021 (nos 433449 438811), confirmée par arrêt de la cour de Marseille, juridiction de renvoi, en date du 17 décembre 2021 (n° 21MA02553), puis par un arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 9 novembre 2023 (n° 21TL01758) et ce en dépit de l'annulation du permis de construire qui lui avait été délivré ; que par l'effet de l'entrée en vigueur du décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017, insérant dans le code de l'urbanisme un nouvel article R. 425-29-2 dispensant de permis de construire les projets d'installation d'éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre I du code de l'environnement et bénéficiaires d'une telle autorisation, la société ERL était dispensée de permis de construire depuis le 1er mars 2017 et qu'en ordonnant néanmoins la démolition des constructions édifiées, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées du code de l'environnement et du code de l'urbanisme. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

10. Les associations contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent qu'il est contraire à la thèse défendue par la société ERL en appel.

11. Cependant, dans ses conclusions d'appel, la société ERL a soutenu que son parc éolien n'était plus soumis au code de l'urbanisme.

12. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 480-13, 1°, et R. 425-29-2 du code de l'urbanisme, les articles L. 553-1, alinéa 4, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, L. 181-1 du code de l'environnement et l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 :

13. Selon le premier de ces textes, la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ne peut être ordonnée par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que, si préalablement, ce permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

14. Il relève de l'office du juge judiciaire saisi d'une demande de démolition sur le fondement de ce texte, de vérifier si, à la date à laquelle il statue, la règle d'urbanisme dont la méconnaissance a justifié l'annulation du permis de construire est toujours opposable au pétitionnaire, et, le cas échéant, si celui-ci n'a pas régularisé la situation au regard de celles qui lui sont désormais applicables (3e Civ., 25 avril 2024, QPC n° 24-10.256, publié).

15. Il résulte du troisième que les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire en cours à la date d'entrée en vigueur du décret n° 2011-984 du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées pour lesquelles l'arrêté d'ouverture d'enquête publique a été pris avant cette date, sont regardées comme étant autorisées au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, au bénéfice du régime d'antériorité créé par la loi du 12 juillet 2010, leur exploitation étant, à compter de la date de délivrance du permis de construire, soumise à cette législation. Pour l'application de ce texte, la circonstance que le permis de construire soit ultérieurement annulé n'a pas pour effet de remettre en cause le bénéfice de ce régime d'antériorité (CE, 1er juillet 2021, n° 433449).

16. Il résulte du quatrième que les installations classées pour la protection de l'environnement soumises au régime de l'autorisation, relèvent, à compter du 1er mars 2017, du régime de l'autorisation environnementale créé par l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017.

17. Selon le cinquième, les autorisations délivrées au titre de la police de l'eau et de celle des installations classées pour la protection de l'environnement avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement issu de l'ordonnance précitée.

18. Selon le deuxième, lorsqu'un projet d'installation d'éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale, cette autorisation dispense du permis de construire.

19. Il résulte de ces textes et de cette jurisprudence que le parc éolien de la société ERL, qui était soumis en 2004 à une autorisation d'urbanisme, puis qui a, en application du régime d'antériorité prévu par l'article L. 553-1, alinéa 4, précité, été regardé comme bénéficiant d'une autorisation d'exploiter une ICPE à compter du 24 avril 2013, date de la délivrance du second permis de construire, est, depuis le 1er mars 2017, soumis au régime de l'autorisation environnementale créée par l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 dont il est réputé être titulaire, cette autorisation le dispensant de permis de construire.

20. Pour prononcer la démolition du parc éolien de la société ERL, l'arrêt retient que la première condition posée par l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme tenant à l'annulation du permis de construire est remplie, celui qui lui avait été délivré le 24 avril 2013 ayant été annulé pour insuffisance de l'étude d'impact prévue par l'article L. 553-2, dans sa rédaction alors applicable, par des décisions du juge administratif qui ne sauraient être remises en cause par le juge judiciaire et que le nouveau régime des ICPE n'a pas à interférer.

21. En statuant ainsi, alors qu'au jour où elle a statué, ce parc éolien était dispensé de permis de construire, de sorte que la règle exigeant de joindre une étude d'impact à la demande de permis de construire dont l'insuffisance avait justifié l'annulation de celui délivré le 24 avril 2013, ne lui était plus opposable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société ERL à remettre les lieux en leur état antérieur par la démolition de toutes les éoliennes et de toute installation y attachée ou nécessaire à l'exploitation, entraîne la cassation du chef de dispositif fixant un délai de quinze mois à compter de la signification de la décision pour y procéder et, à défaut, prononçant une astreinte d'un montant de 1 000 euros pour chaque association par jour de retard pendant 180 jours, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 

23. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

24. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

25. Pour le motif exposé au paragraphe 21, la demande de démolition sous astreinte des sept aérogénérateurs du parc, formée par les associations, fondée sur l'annulation du permis de construire délivré le 24 avril 2013 au motif de l'insuffisance de l'étude d'impact à joindre à la demande, doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des deux procédures d'appel distinctement enrôlées sous les numéros 23-353 et 23-634, sous le numéro 23-353 et en ce qu'il déclare irrecevable la demande à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il reçoit l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France- Sites et monuments en son intervention volontaire et en ce qu'il dit irrecevable la demande formée à titre de dommages-intérêts ;

Rejette les demandes de l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel, de l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois, et de l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France tendant à la démolition sous astreinte des sept aérogénérateurs de la société Energie renouvelable du Languedoc ;

Condamne l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel, l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois, et l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Nîmes ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 24-10.256
Date de la décision : 30/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

Il relève de l'office du juge judiciaire saisi d'une demande de démolition sur le fondement de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, de vérifier si, à la date à laquelle il statue, la règle d'urbanisme dont la méconnaissance a justifié l'annulation du permis de construire est toujours opposable au pétitionnaire, et, le cas échéant, si celui-ci n'a pas régularisé la situation au regard de celles qui lui sont désormais applicables. Il en résulte qu'une cour d'appel ne peut ordonner, sur le fondement de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, la démolition d'un parc éolien dont le permis de construire a été annulé pour insuffisance de l'étude d'impact si, à la date à laquelle elle statue, cette insuffisance n'est plus opposable au propriétaire en raison d'un changement de législation

urbanisme.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation de section, 30 avr. 2025, pourvoi n°24-10.256, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.10.256
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