N° S 23-85.184 F-D
N° 00537
RB5
30 AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 AVRIL 2025
M. [H] [Y] et Mme [I] [R], épouse [Y], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 4 juillet 2023, qui, pour, notamment, abus de confiance aggravé, escroquerie, abus de biens sociaux, banqueroute, fraude fiscale, blanchiment, faux et usage, les a condamnés chacun, à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, l'interdiction définitive de gérer, une interdiction professionnelle définitive et une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [H] [Y] et Mme [I] [R], épouse [Y], les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société [4], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des finances publiques et la direction régionale de finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une enquête préliminaire, M. [H] [Y] et Mme [I] [R], épouse [Y], qui exerçaient une activité de syndic de copropriété, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs rappelés ci-dessus.
3. Par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal correctionnel les a déclarés coupables des faits reprochés, a prononcé à l'encontre de chacun, notamment, une peine de quatre ans d'emprisonnement assortie pour deux ans d'un sursis probatoire, des mesures d'interdiction professionnelle et des confiscations. Il a également prononcé sur les intérêts civils.
4. M. et Mme [Y] ont interjeté appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur les premier à quinzième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur les seizième et dix-septième moyens
Enoncé des moyens
6. Le seizième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] et Mme [R] in solidum à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 5] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral, alors « que seul le préjudice personnel peut être indemnisé ; qu'en indemnisant le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 5] « au titre du préjudice moral supporté par les copropriétaires particuliers privés de la possibilité de disposer de fonds suffisants pour entretenir leur immeuble du fait des détournements opérés » par les prévenus, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil. »
7. Le dix-septième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] et Mme [R] in solidum à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral, alors « que seul le préjudice personnel peut être indemnisé ; qu'en indemnisant le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] « au titre du préjudice moral supporté par les copropriétaires particuliers privés de la possibilité de disposer de fonds suffisants pour entretenir leur immeuble du fait des détournements opérés » par les prévenus, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
9. Pour allouer diverses sommes aux syndicats des copropriétaires visés ci-dessus, l'arrêt attaqué énonce, par des motifs propres et adoptés, que les propriétaires ont été, du fait des détournements, privés des fonds suffisants pour entretenir leur immeuble.
10. En statuant ainsi, et dès lors que, aux termes de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile, et que les fonds de ce dernier sont utilisés pour des travaux affectant les parties communes de l'immeuble, de sorte que le syndicat des copropriétaires subit un préjudice du fait du défaut d'entretien de ce dernier, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
11. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
Mais sur le dix-huitième moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] et Mme [R] in solidum à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 9 700 euros au titre des frais d'expertise judiciaire, alors « que bien qu'entrant dans les prévisions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, ne sont pas la conséquence directe de l'infraction, les frais d'expertise engagés par une partie civile pour chiffrer le montant de son préjudice ; qu'en retenant, au titre du préjudice matériel subi par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5], les frais d'expertise qu'il a engagés pour chiffrer le montant de son préjudice, la cour d'appel a violé les articles 2 et 475-1 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 du code de procédure pénale :
13. Il résulte de ce texte que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention n'est recevable que si le dommage a été causé directement par l'infraction.
14. Pour allouer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 9 700 euros, l'arrêt attaqué énonce que ledit syndicat justifie avoir été contraint d'exposer des frais d'expertise judiciaire pour chiffrer le montant de son préjudice.
15. En se déterminant ainsi, alors que les frais retenus, s'ils entrent dans les prévisions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, ne sont pas la conséquence directe de l'infraction poursuivie, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la condamnation de M. [Y] et Mme [R] à verser au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 9 700 euros au titre des frais d'expertise judiciaire. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Examen des demandes fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
18. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [Y] et Mme [R] étant devenue définitive par suite de la non-admission des autres moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 4 juillet 2023, mais en ses seules dispositions ayant condamné M. [Y] et Mme [R] à verser au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] la somme de 9 700 euros au titre des frais d'expertise judiciaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 000 euros la somme globale que M. [Y] et Mme [R] devront payer au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 000 euros la somme globale que M. [Y] et Mme [R] devront payer à la société [4] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille vingt-cinq.