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30/04/2025 | FRANCE | N°23-83.051

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 30 avril 2025, 23-83.051


N° Y 23-83.051 F-D

N° 00531


RB5
30 AVRIL 2025


CASSATION PARTIELLE
REJET
NON-ADMISSION

Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 AVRIL 2025



M. [G] [M] et Mme [X] [P], ainsi que la société [3], l'Etat du Cameroun, les soc

iétés [2] et [3], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 26 avril 2023, qui, pour escroquerie,...

N° Y 23-83.051 F-D

N° 00531


RB5
30 AVRIL 2025


CASSATION PARTIELLE
REJET
NON-ADMISSION

Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 AVRIL 2025



M. [G] [M] et Mme [X] [P], ainsi que la société [3], l'Etat du Cameroun, les sociétés [2] et [3], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 26 avril 2023, qui, pour escroquerie, faux et usage, a condamné le premier à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, 300 000 euros d'amende, une interdiction professionnelle définitive, l'interdiction définitive de gérer et une confiscation, la deuxième à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 150 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [G] [M], les observations de Me Bardoul, avocat de Mme [X] [P], les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société [3], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'Etat du Cameroun, des sociétés [2] et [3], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite des difficultés rencontrées par le groupe de droit camerounais [U] et la société [2] (la [2]) lors de la délivrance des agréments préalables à l'implantation d'une filiale en Guinée Equatoriale, par l'intermédiaire de la société [3] dite aussi [3] (la [3]), il a été recouru à une procédure d'arbitrage opposant cette société à la République de Guinée Equatoriale.

3. Une convention d'assistance juridique a été signée le 13 août 2008 aux termes de laquelle la [3], représentée par son vice-président, M. [A] [U], a chargé notamment Mme [X] [P], présentée comme consultante issue d'un cabinet d'avocats exerçant à [Localité 4] (Cameroun), de la gestion et du suivi de la procédure d'arbitrage.

4. La sentence arbitrale rendue le 24 mai 2009 a mis à la charge de la République de Guinée Equatoriale le versement d'une somme de 69 739 435 euros à la [3] et a reçu caractère exécutoire en France. Le 21 septembre 2012, M. [C], avocat mandaté par la [3], a chargé M. [G] [M], huissier de justice, de son exécution.

5. Les voies d'exécution ont été diligentées par cet huissier entre le 26 septembre et le 11 décembre 2012.

6. Dans le même temps, des négociations entreprises entre les parties ont abouti à la signature, le 17 décembre 2012, d'un premier protocole transactionnel aux termes duquel la République de Guinée Equatoriale s'engageait, en échange de l'abandon de toutes les saisies pratiquées, à payer à la [3] une somme ramenée à 30 445 140 euros.

7. En dépit d'un premier versement intervenu en décembre 2012, les voies d'exécution se sont poursuivies.

8. Un nouveau protocole d'accord a été signé entre la [3] et la République de Guinée Equatoriale, le 20 août 2013, en présence de M. [M], aux termes duquel cet Etat reconnaissait ne rester devoir à la [3], en contrepartie de la levée des saisies en cours, qu'une somme de 7 500 000 euros qui devait être versée avant le 10 septembre suivant sur le compte de la société [5] à la [1].

9. Un troisième protocole conclu entre les mêmes parties le 12 septembre 2013 a changé le compte destinataire des fonds, désormais ouvert à la [8].

10. Une somme de 7 500 000 euros a été versée le 12 septembre 2013 par l'ambassade de la République de Guinée Equatoriale sur ce compte. Une saisie a été pratiquée sur ces fonds à hauteur de 4 000 000 euros. Le solde d'un montant de 3 165 509 euros, déduction faite des frais dus à M. [M], a été versé le 16 décembre 2013 sur un compte personnel de Mme [P].

11. Le 24 janvier 2014, M. [R] [U] a porté plainte au nom de la [3] notamment contre M. [M] et Mme [P] des chefs d'escroqueries en bande organisée, faux et usage de faux, pour avoir détourné ces sommes.

12. A l'issue de l'information ouverte sur ces faits, le juge d'instruction a renvoyé M. [M] et Mme [P] devant le tribunal correctionnel sous les qualifications de faux, usage de faux et escroquerie.

13. Le tribunal correctionnel a relaxé M. [M] et Mme [P] des faits d'escroquerie portant sur la période du 1er août au 11 décembre 2012 et les a déclarés coupables pour le surplus.

14. Il a reçu en leurs constitutions de partie civile la République de Guinée Equatoriale et la [3], a débouté la première de ses demandes et la seconde de ses demandes de dommages-intérêts, ordonné en la faveur de cette dernière la restitution de la somme de 4 334 490,37 euros, et déclaré irrecevable la constitution de partie civile du mandataire liquidateur de la [3].

15. Les prévenus, le ministère public, la République de Guinée Equatoriale et la [3] ont relevé appel de cette décision.

16. Sont intervenus devant la cour d'appel, la [2], l'Etat du Cameroun et la [3] prise en la personne de ses représentants légaux.

Examen de la recevabilité du pourvoi formée par la [3] prise en la personne de M. [R] [U], contestée en défense

17. La déclaration de pourvoi a été déposée au nom de la demanderesse par un avocat n'exerçant pas près de la juridiction qui a statué, mais qui justifie d'un pouvoir spécial exigé par l'article 576 du code de procédure pénale.

18. Dès lors, le pourvoi est recevable.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens proposés pour M. [M], les premier et deuxième moyens et le troisième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et sixième branches, proposés pour Mme [P], les premier et second moyens proposés pour la [3] prise en la personne de M. [R] [U]

19. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le troisième moyen, pris en ses cinquième, septième, huitième et neuvième branches proposé pour Mme [P]

Enoncé du moyen

20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a requalifié les faits d'usage de faux (protocoles d'accord des 20 août 2013 et 12 septembre 2013) en manœuvres frauduleuses du délit d'escroquerie, l'a déclarée coupable de ces faits d'escroquerie ainsi requalifiés, l'a déclaré coupable des faits d'escroqueries commises du 12 décembre 2012 au 3 février 2014 à [Localité 6], [Localité 7], et en tous cas sur le territoire national français, par dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions, au préjudice de la [3] et de la République de Guinée Équatoriale, alors :

« 5°/ que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; que le délit d'escroquerie n'est établi que si le prévenu a participé à des manœuvres frauduleuses déterminantes de la remise et antérieures à celle-ci ; que le délit ne peut être constitué si le destinataire des manœuvres n'a pas été trompé par ces dernières à les supposer caractérisées ; qu'en retenant que Mme [V] avait commis des faits d'escroquerie par manœuvres frauduleuses destinées à récupérer sur son compte monégasque une partie de la créance à hauteur de 3 165 509€ en trompant ainsi la société [3] et la RGE sans caractériser en quoi les mensonges ou manœuvres imputés à Mme [V] avaient trompé la RGE quand la cour relevait que la RGE avait été informé par M. [U], dirigeant prétendu de la [3], qu'il s'opposait à toute mesure d'exécution forcée et contestait que M. [M] et Mme [V] aient eu pouvoir pour agir, la cour d'appel a violé l'article 313-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

7°/ que le délit d'escroquerie n'est établi que si le prévenu a participé à des manœuvres frauduleuses déterminantes d'une remise, de la fourniture d'un service ou du consentement à un acte opérant obligation ou décharge et antérieures à ceux-ci ; que l'escroquerie ne peut résulter que d'un acte positif et non d'une simple omission ; qu'un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manœuvre frauduleuse, au sens de l'article précité, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère du prévenu ; qu'en déclarant coupable des faits d'escroquerie par manœuvres frauduleuses destinées à récupérer sur son compte monégasque une partie de la créance à hauteur de 3 165 509€ en trompant ainsi la société [3] et la RGE en ne s'opposant pas au versement intervenu en novembre 2013 sur le compte CARPA de Me [B] de la somme initialement versée par l'ambassade de Guinée Équatoriale, en autorisant par message du 13 novembre 2013 [G] [M] à prélever, avant ce dit versement sur le compte de Me [B], la somme de 212 501€ au titre de ses frais et en lui promettant le versement d'honoraires, en intervenant auprès de l'étude d'[G] [M] pour que Me [B] puisse justifier de l'encaissement des sommes sur le compte Carpa, en encaissant le 16 décembre 2013 dans une banque monégasque la somme de 3.165.509,63€ sur un compte qu'elle avait précédemment ouvert, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'actes positifs constitutifs de manœuvres frauduleuses antérieures et déterminantes d'actes et remises consentis par les personnes indiquées dans l'arrêt comme ayant été trompées et qui s'est référée à des faits postérieurs à la signature des accords d'août et septembre 2013 et au paiement effectué par la RGE par suite desdits accords, a violé l'article 313-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

8°/ que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; que le délit d'escroquerie n'est établi que si le prévenu a participé à des manœuvres frauduleuses déterminantes d'une remise, de la fourniture d'un service ou du consentement à un acte opérant obligation ou décharge et antérieures à ceux-ci ; qu'en requalifiant les faits d'usage de faux en manœuvres frauduleuses du délit d'escroquerie s'agissant des protocoles des 12 septembre 2013 et 20 août 2013 et en déclarant coupable de ces faits ainsi requalifiés en manœuvres constitutives du délit d'escroquerie sans caractériser en quoi l'usage des protocoles des 12 septembre 2013 et 20 août 2013 était caractérisé et constituait des manœuvres frauduleuses antérieures et déterminants d'actes et remises quand l'arrêt retenait que le versement effectué par la RGE était intervenu par suite d'un ordre de virement daté du 12 septembre 2013, soit le jour même de la signature du deuxième accord, la cour d'appel a violé l'article 313-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

9°/ que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; qu'un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manœuvre frauduleuse, au sens de l'article précité, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère du prévenu ; que le délit d'escroquerie n'est établi que si le prévenu a participé à des manœuvres frauduleuses déterminantes d'une remise, de la fourniture d'un service ou du consentement à un acte opérant obligation ou décharge et antérieures à ceux-ci ; qu'est auteur de l'infraction la personne qui commet les faits incriminés, qu'en retenant pour déclarer coupable d'escroquerie Mme [V] que les protocoles des 20 août et 12 septembre 2013 constituaient des manœuvres au motif qu'ils auraient contenu des mentions inexactes sans caractériser l'existence d'actes destinés à donner force et crédit auxdites mentions ni qu'elles aient été déterminantes d'une remise ou du consentement à un acte, ni que Mme [V], qui n'avait ni signé ni rédigé le protocole, en ait été l'auteur, la cour d'appel a violé les 121-4 et 313-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ».

Réponse de la Cour

21. Pour requalifier en escroquerie les faits pour lesquels le tribunal avait déclaré Mme [P] coupable d'usage de faux commis entre le 20 août 2013 et le 3 février 2014, l'arrêt attaqué énonce que la prévenue était présente à l'ambassade de la République de Guinée Equatoriale lors des négociations des accords des 20 août et 12 septembre 2013, qu'elle a suivi ces négociations en étant renseignée en temps réel par M. [M] qui y participait et qu'elle savait que ces actes, destinés à assurer sa rétribution, la désignaient faussement comme représentante de la [3].

22. Les juges précisent que ces accords ont été négociés et signés à l'ambassade de la République de Guinée Equatoriale notamment par le ministre délégué à la justice représentant cet Etat et qu'ils sont intervenus et ont été utilisés après que M. [M] a vainement tenté d'obtenir du procureur général de Malabo le virement du solde de la créance due à la [3] et après que M. [A] [U] a multiplié ses interventions pour signaler que Mme [P] et M. [M] n'avaient aucun mandat et qu'il leur avait été demandé de cesser toute intervention, notamment par courriers adressés l'un au président de la République de Guinée Equatoriale et l'autre à l'avocat mandaté par la [3].

23. Ils relèvent que la somme de 7 500 000 euros a été versée par la République de Guinée Equatoriale le 12 septembre 2013 et que les protocoles des 20 août et 12 septembre 2013 ont constitué des manoeuvres frauduleuses destinées à en obtenir le versement pour ensuite la détourner.

24. Ils retiennent que Mme [P] s'en est approprié une partie, notamment une somme de 3 165 509,63 euros qu'elle a encaissée le 16 décembre 2013 sur un compte qu'elle avait précédemment ouvert dans une banque monégasque, alors qu'elle avait été destinataire en copie de la lettre du 16 septembre 2013 adressée par M. [A] [U] à M. [M] et l'enjoignant de s'abstenir de toute action dans le dossier.

25. En l'état de ces énonciations relevant de son appréciation souveraine, dont il résulte que les actes des 20 août et 12 septembre 2013, à l'établissement desquels elle a été associée, ont permis, par les énonciations fausses qu'ils contenaient, de faire accroire, au moment où la République de Guinée Equatoriale était alertée sur l'absence de pouvoir de Mme [P], qu'elle disposait toujours de cette qualité, et ont déterminé la République de Guinée Equatoriale à verser la somme de 7 500 000 euros sur un compte ouvert à cette fin par M. [M], la cour d'appel, qui s'est référée à des actes antérieurs au paiement et par eux-mêmes constitutifs de manoeuvres frauduleuses, a justifié sa décision.

26. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur les premier et second moyens proposés pour l'Etat du Cameroun, la [2] et la [3], prise en la personne de ses représentants légaux

Enoncé des moyens

27. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables leurs interventions volontaires et a confirmé la décision de première instance qui a ordonné à l'encontre de M. [M] la confiscation de la somme de 4 334 490,37 euros remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) par ordonnance du juge d'instruction du 18 avril 2014, alors :

« 1°/ que le juge doit, sous peine de déni de justice, trancher les contestations qui lui sont soumises conformément aux règles de droit qui leur sont applicables ; que, dans leurs conclusions d'appel, l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, avaient exposé les raisons pour lesquelles les demandes de restitution formées par la [3] prétendument représentée par Monsieur [R] [U], et par Maître [Y] [K], se présentant comme le liquidateur de la société [3], étaient irrecevables, en faisant valoir que Monsieur [R] [U] s'étant présenté frauduleusement comme le dirigeant de la [3], ce qu'il n'était pas, et que Maître [K] avait été désignée de façon irrégulière et occulte par la République de Guinée Equatoriale, sans que sa nomination ne fasse l'objet d'une quelconque notification, ainsi que l'avaient retenu les premiers juges ; qu'en s'en remettant sur ce point à l'appréciation de la cour, l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, justifiaient également des motifs pour lesquels ils pouvaient alternativement être déclarés recevables à revendiquer la restitution de la somme de 4.334.490,37 euros faisant l'objet d'une saisie pénale, en faisant valoir que la sentence arbitrale du 24 mai 2009, ayant condamné la République de Guinée Equatoriale à verser une somme de 69.943.788,42 euros à la [3], demeurait inexécutée et que la somme de 4.334.490,37 euros correspondait précisément au paiement partiel de cette somme ; qu'ils ajoutaient que la [2] était recevable en sa demande de restitution, soit au titre d'une action de type ut singuli qu'elle était recevable à exercer pour le compte de la [3] en sa qualité d'actionnaire unique soit, en toute hypothèse, au titre d'une action oblique, en sa qualité de créancier de la [3] ; qu'ils faisaient également valoir que l'Etat du Cameroun pouvait, en s'en remettant également sur ce point à l'appréciation de la cour, être alternativement déclaré recevable en sa demande de restitution dès lors que la somme susvisée pouvait entrer dans la champ d'une cession de droits litigieux conclue entre cet Etat et la [2] ; qu'en déclarant irrecevable l'intervention volontaire de l'Etat du Cameroun, de la [2], et de la [3], représentée par son représentant légal en exercice, au motif que leur intervention n'était pas « conforme aux dispositions des articles 329 alinéa 2 et 122 du code de procédure civile » en ce que « la multiplicité des demandeurs qui se présent[aient] le cas échéant de façon alternative avec des revendications alternatives au titre, pourtant, du même préjudice, illustr[aient] le flou quant au droit d'agir et à la qualité », quand la présentation de demandes alternatives ne dispensait pas le juge de son obligation de rechercher si les demandes de restitution et les interventions subséquentes de l'Etat du Cameroun, de la [3], représentée par son représentant légal, ou de la [2], ne devaient pas être accueillies sur l'un ou l'autre des fondements proposés, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil et entaché sa décision d'un déni de justice ;


2°/ qu'en s'abstenant de rechercher spécifiquement, comme elle y était invitée (conclusions, p.10, p.23), si la société [2] n'était pas recevable en son intervention volontaire et en sa propre demande de restitution, soit en exerçant l'action ut singuli pour le compte de la [3] dont elle était l'actionnaire unique, soit en exerçant une action oblique en sa qualité de créancière de la [3], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal ;

3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p.9), si la créance dont pouvait se prévaloir la [2] n'entrait pas dans le champ de la cession de droits litigieux conclue entre la [2] et l'Etat du Cameroun, et si l'Etat du Cameroun n'était pas recevable à intervenir à ce titre aux fins de revendiquer la somme saisie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal ;

4°/ qu' en jugeant supposément que la demande de restitution formée par l'Etat du Cameroun et/ou par la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et/ou par la [2] devait être rejetée sur le fond, au motif que par une décision du 22 février 2022, la cour d'appel de Paris avait annulé le point 9 d'une sentence du 6 février 2019 ayant enjoint à la République de Guinée Equatoriale de payer le solde de créance mentionné « dans le protocole du 17 décembre 2012 lequel était visé dans l'accord du 20 aout 2013 réalisé par l'accord du 12 septembre 2013 » et que l'existence de cette décision rendait incertaine la créance de la [3], sans inviter l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, à s'expliquer sur la circonstance que cette décision d‘annulation rendait incertaine leur propre créance et était de nature à faire échec à leur propre demande de restitution, ce qui n'était soutenu par aucune partie, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire tel que consacré par l'article préliminaire du code de procédure pénale ;

5°/ en toute hypothèse qu'en statuant par ces mêmes motifs, sans rechercher si la décision du 22 février 2022 et les protocoles susmentionnés étaient opposables à l'Etat du Cameroun, à la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et à son actionnaire unique, la [2], qui n'y étaient pourtant pas partie - la décision du 22 février 2022 ayant été rendue hors la présence de ces derniers et les protocoles ayant été conclus par des tiers s'étant frauduleusement fait passer pour des dirigeants de la [3] - ni rechercher si l'Etat du Cameroun, la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et son actionnaire unique, la [2], ne justifiaient pas d'un droit sur la somme saisie, nonobstant l'annulation prononcée le 22 février 2022, pour cette seule raison que la République de Guinée Equatoriale ne s'était toujours pas acquittée des sommes mises à sa charge par la sentence arbitrale du 24 mai 2009, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal. »

28. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables leurs interventions volontaires, a confirmé la décision de première instance qui a ordonné à l'encontre de M. [M] la confiscation de la somme de 4 334 490,37 euros remise à l'AGRASC par ordonnance du juge d'instruction du 18 avril 2014, a déclaré recevable la demande de restitution formée par la [3] « représentée par Monsieur [U] », a déclaré recevable la demande de restitution formée par M. [I] [Y] [K] ès qualités de mandataire liquidateur de la [3] tendant à lui verser la somme de 4 334 490,37 euros saisie dans le cadre de l'enquête pénale, à titre de restitution, et a déclaré recevable la constitution de partie civile de la [3] « représentée par Monsieur [U] » et de M. [Y] [K] ès qualités de mandataire liquidateur de la [3], alors :

« 1°/ que le juge doit, sous peine de déni de justice, trancher les contestations qui lui sont soumises conformément aux règles de droit qui leur sont applicables ; que, dans leurs conclusions d'appel, l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, avaient exposé les raisons pour lesquelles les demandes de restitution formées par la [3] prétendument représentée par Monsieur [R] [U], et par Maître [Y] [K], se présentant comme le liquidateur de la société [3], étaient irrecevables, en faisant valoir que Monsieur [R] [U] s'étant présenté frauduleusement comme le dirigeant de la [3], ce qu'il n'était pas, et que Maître [K] avait été désignée de façon irrégulière et occulte par la République de Guinée Equatoriale, sans que sa nomination ne fasse l'objet d'une quelconque notification, ainsi que l'avaient retenu les premiers juges ; qu'en s'en remettant sur ce point à l'appréciation de la cour, l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, justifiaient également des motifs pour lesquels ils pouvaient alternativement être déclarés recevables à revendiquer la restitution de la somme de 4.334.490,37 euros faisant l'objet d'une saisie pénale, en faisant valoir que la sentence arbitrale du 24 mai 2009, ayant condamné la République de Guinée Equatoriale à verser une somme de 69.943.788,42 euros à la [3], demeurait inexécutée et que la somme de 4.334.490,37 euros correspondait précisément au paiement partiel de cette somme ; qu'ils ajoutaient que la [2] était recevable en sa demande de restitution, soit au titre d'une action de type ut singuli qu'elle était recevable à exercer pour le compte de la [3] en sa qualité d'actionnaire unique soit, en toute hypothèse, au titre d'une action oblique, en sa qualité de créancier de la [3] ; qu'ils faisaient également valoir que l'Etat du Cameroun pouvait, en s'en remettant également sur ce point à l'appréciation de la cour, être alternativement déclaré recevable en sa demande de restitution dès lors que la somme susvisée pouvait entrer dans la champ d'une cession de droits litigieux conclue entre cet Etat et la [2] ; qu'en déclarant irrecevable l'intervention volontaire de l'Etat du Cameroun, de la [2], et de la [3], représentée par son représentant légal en exercice, au motif que leur intervention n'était pas « conforme aux dispositions des articles 329 alinéa 2 et 122 du code de procédure civile » en ce que « la multiplicité des demandeurs qui se présent[aient] le cas échéant de façon alternative avec des revendications alternatives au titre, pourtant, du même préjudice, illustr[aient] le flou quant au droit d'agir et à la qualité», quand la présentation de demandes alternatives ne dispensait pas le juge de son obligation de rechercher si les demandes de restitution et les interventions subséquentes de l'Etat du Cameroun, de la [3], représentée par son représentant légal, ou de la [2], ne devaient pas être accueillies sur l'un ou l'autre des fondements proposés, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil et entaché sa décision d'un déni de justice ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher spécifiquement, comme elle y était invitée (conclusions, p.10, p.23), si la société [2] n'était pas recevable en son intervention volontaire et en sa propre demande de restitution, soit en exerçant l'action ut singuli pour le compte de la [3] dont elle était l'actionnaire unique, soit en exerçant une action oblique en sa qualité de créancière de la [3], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du code pénal ;

3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p.9), si la créance dont pouvait se prévaloir la [2] n'entrait pas dans le champ de la cession de droits litigieux conclue entre la [2] et l'Etat du Cameroun, et si l'Etat du Cameroun n'était pas recevable à intervenir à ce titre aux fins de revendiquer la somme saisie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal ;

6°/ qu'en jugeant supposément que la demande de restitution formée par l'Etat du Cameroun et/ou par la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et/ou par la [2] devait être rejetée sur le fond, au motif que par une décision du 22 février 2022, la cour d'appel de Paris avait annulé le point 9 d'une sentence du 6 février 2019 ayant enjoint à la République de Guinée Equatoriale de payer le solde de créance mentionné « dans le protocole du 17 décembre 2012 lequel était visé dans l'accord du 20 aout 2013 réalisé par l'accord du 12 septembre 2013 » et que l'existence de cette décision rendait incertaine la créance de la [3], sans inviter l'Etat du Cameroun, la [2], et la [3], représentée par son représentant légal en exercice, à s'expliquer sur la circonstance que cette décision d‘annulation rendait incertaine leur propre créance et était de nature à faire échec à leur propre demande de restitution, ce qui n'était soutenu par aucune partie, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire tel que consacré par l'article préliminaire du code de procédure pénale ;

7°/ en toute hypothèse qu'en statuant par ces mêmes motifs, sans rechercher si la décision du 22 février 2022 et les protocoles susmentionnés étaient opposables à l'Etat du Cameroun, à la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et à son actionnaire unique, la [2], qui n'y étaient pourtant pas partie - la décision du 22 février 2022 ayant été rendue hors la présence de ces derniers et les protocoles ayant été conclus par des tiers s'étant frauduleusement fait passer pour des dirigeants de la [3] - ni rechercher si l'Etat du Cameroun, la [3], représentée par son représentant légal en exercice, et son actionnaire unique, la [2], ne justifiaient pas d'un droit sur la somme saisie, nonobstant l'annulation prononcée le 22 février 2022, pour cette seule raison que la République de Guinée Equatoriale ne s'était toujours pas acquittée des sommes mises à sa charge par la sentence arbitrale du 24 mai 2009, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 479 du code de procédure pénale et 131-21 du Code pénal. »

Réponse de la Cour

29. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 479, 484 et 593 du code de procédure pénale :

30. Il résulte des deux premiers de ces textes que toute personne qui prétend avoir un droit sur les objets placés sous main de justice peut en demander la restitution à la cour d'appel saisie de la poursuite qui statue par une décision séparée sauf lorsque la demande émane conjointement du prévenu et de tiers.

31.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

32. Pour déclarer irrecevables les interventions de l'Etat du Cameroun, de la [2] et de la [3] prise en la personne de ses représentants légaux, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que les conclusions ont été déposées par ceux-ci en qualité de requérants « et/ou » d'intervenants volontaires « et/ou » de parties civiles, énonce que les interventions ne sont pas conformes aux dispositions des articles 329, alinéa 2, et 122 du code de procédure civile.

33. Les juges soulignent le flou quant au droit d'agir et à la qualité de chacun des demandeurs qui se présentent de façon alternative avec des revendications alternatives au titre du même préjudice.

34. En statuant ainsi, sans répondre aux demandes des parties intervenant à titre principal en qualité de tiers ayant des droits sur la somme saisie au cours de l'information, ces parties étant par ailleurs, en l'état, irrecevables à se constituer partie civile devant elle, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.

35. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

Portée et conséquence de la cassation

36. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux demandes de l'Etat du Cameroun, de la [2] et de la [3] prise en la personne de ses représentants légaux. Les autres dispositions seront donc maintenues.

Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale

37. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [M] et de Mme [P] étant devenue définitive par suite de la non-admission du pourvoi de M. [M] et du rejet du pourvoi de Mme [P], il y a lieu de faire partiellement droit à la demande de l'Etat du Cameroun, de la [2] et de la [3] prise en la personne de ses représentants légaux.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés par M. [G] [M] et la société [3] prise en la personne de M. [U] :

Les DÉCLARE NON ADMIS ;

Sur le pourvoi de Mme [X] [P] :

Le REJETTE ;

Sur les pourvois formés par l'Etat du Cameroun, les sociétés [2] et [3] prise en la personne de ses représentants légaux :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 26 avril 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux demandes de l'Etat du Cameroun, des sociétés [2] et [3] prise en la personne de ses représentants légaux, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,


RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [G] [M] devra payer aux parties représentées par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que Mme [X] [P] devra payer aux parties représentées par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

DIT n'y avoir lieu à autre application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-83.051
Date de la décision : 30/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 30 avr. 2025, pourvoi n°23-83.051


Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.83.051
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