CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 avril 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 212 FS-B
Pourvoi n° Y 23-22.354
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
Mme [C] [X], épouse [O], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-22.354 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2023 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 2e section), dans le litige l'opposant à la société Les Ormeteaux, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mme [X], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société civile immobilière Les Ormeteaux, et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, M. Choquet, conseillers référendaires, Mme Compagnie, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 septembre 2023) et les productions, le 24 juin 2019, la société civile immobilière Les Ormeteaux (la SCI), propriétaire d'un domaine agricole donné à bail à Mme [X] épouse [O] (la preneuse) selon deux baux, lui a délivré deux congés aux fins de reprise pour exploiter.
2. La preneuse a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en annulation des congés.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche et en ses troisième à septième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La preneuse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation des congés pour reprise du 24 juin 2019, de valider ces congés, d'ordonner son expulsion et de rejeter la totalité de ses demandes, alors « que la reprise d'un bien rural suppose l'exploitation effective de ce bien par le bénéficiaire de la reprise, suivant les exigences de la loi et que, dès lors, une société, même constituée entre les membres d'une même famille, ne peut exercer le droit de reprise qu'à la condition d'avoir un objet agricole ; qu'en énonçant, pour déclarer inopérant le premier moyen de Mme [O] tiré du défaut d'objet agricole de la société, que « par application des dispositions de l'article L. 411-60 précité, il n'est pas requis, pour que [la SCI Les Ormeteaux] puisse exercer son droit de reprise, [
] que la société ait un objet agricole », la cour d'appel a violé l'article L. 411-60 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article L. 411-60 du code rural et de la pêche maritime, les personnes morales, à la condition d'avoir un objet agricole, peuvent exercer le droit de reprise sur les biens qui leur ont été apportés en propriété ou en jouissance, neuf ans au moins avant la date du congé. Ces conditions ne sont pas exigées des groupements agricoles d'exploitation en commun ou de sociétés constituées entre conjoints, partenaires d'un pacte civil de solidarité, parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus. L'exploitation doit être assurée conformément aux prescriptions des articles L. 411-59 et L. 411-63 par un ou plusieurs membres des sociétés mentionnées au présent article. Toutefois, les membres des personnes morales mentionnées à la première phrase du présent article ne peuvent assurer l'exploitation du bien repris que s'ils détiennent des parts sociales depuis neuf ans au moins lorsqu'ils les ont acquises à titre onéreux.
6. Il résulte de ce texte qu'une société, même constituée entre conjoints, partenaires d'un pacte civil de solidarité, parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus, ne peut exercer le droit de reprise qu'à la condition d'avoir un objet agricole. En revanche, il n'est pas exigé, dans ce cas, que les biens lui aient été apportés en propriété ou en jouissance neuf ans au moins avant la date du congé et que les membres devant assurer l'exploitation des biens repris détiennent des parts sociales depuis neuf ans au moins lorsqu'ils les ont acquises à titre onéreux.
7. Si c'est à tort que la cour d'appel a considéré qu'il n'était pas exigé que la SCI, société à caractère familial, ait un objet agricole, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que, d'après ses statuts, la SCI avait, à la date de délivrance des congés, pour objet « la propriété, la jouissance et l'administration des immeubles et droits immobiliers à destination agricole dont elle a et elle aura la propriété aux fins de création et/ou de conservation d'une ou plusieurs exploitations » et qu' « elle assurera la gestion des biens dont elle est propriétaire en les exploitant directement ou en les donnant à bail », ce dont il résulte qu'elle avait un objet agricole.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [X] et la condamne à payer à la société civile immobilière Les Ormeteaux la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille vingt-cinq.