CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 30 avril 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 220 F-D
Pourvoi n° G 23-18.729
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
1°/ M. [E] [L], domicilié [Adresse 4],
2°/ Mme [X] [L], épouse [U], domiciliée [Adresse 3],
3°/ M. [M] [L], domicilié [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° G 23-18.729 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2023 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [I] [V], épouse [H], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à M. [Y] [H], domicilié [Adresse 1],
3°/ à M. [K] [H], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [E] et [M] [L] et de Mme [L], de Me Occhipinti, avocat de Mme [V] et de MM. [Y] et [K] [H], après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 27 avril 2023), en 2014, Mme [X] [L] et MM. [E] et [M] [L] (les consorts [L]) ont procédé à la saisie des parts détenues par leur débiteur, M. [Y] [H], dans trois sociétés civiles immobilières, dont la société civile immobilière Le 2 bis (la SCI).
2. En 2017, avant d'être dissoute et liquidée, la SCI a vendu un immeuble, qui avait été acquis en 2005 au prix de 120 000 euros, à M. [K] [H], frère de M. [Y] [H] et associé par moitié avec lui dans la SCI, et à Mme [V], son épouse, moyennant la somme de 75 000 euros.
3. Les consorts [L] ont alors assigné MM. [Y] et [K] [H] ainsi que Mme [V], en réparation en invoquant notamment une fraude paulienne.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les consorts [L] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation solidaire de M. [K] [H] et Mme [V] à leur payer une certaine somme correspondant au montant de leur créance à l'égard de M. [Y] [H], alors « que les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur une expertise amiable même réalisée par un expert inscrit sur la liste des experts judiciaires agréés par la cour d'appel ; qu'en se fondant exclusivement sur une estimation réalisée par M. [J] [S], expert judiciaire, à la demande des consorts [H], pour retenir que le prix de revente de la maison appartenant à la SCI liquidée était conforme au prix du marché, quand les consorts [L] contestaient expressément qu'il puisse leur être opposé une expertise amiable réalisée de façon non contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, §1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
5. En application de ce texte, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.
6. Pour rejeter la demande indemnitaire des consorts [L] correspondant au montant de leur créance à l'égard de M. [Y] [H], l'arrêt constate que la vente a été consentie à un prix qui, après ajout du coût des travaux facturés depuis la vente, est conforme à l'estimation, produite par MM. [H] et Mme [V], réalisée à titre privé par un expert inscrit sur les listes judiciaires.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée exclusivement sur le rapport d'expertise non judiciaire établi à la demande de MM. [H] et Mme [V], sans relever l'existence d'autres éléments de preuve le corroborant, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [X] [L] et MM. [E] et [M] [L] correspondant au montant de leur créance à l'égard de M. [Y] [H], l'arrêt rendu le 27 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne MM. [Y] et [K] [H] et Mme [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [Y] et [K] [H] et Mme [V] et les condamne in solidum à payer à Mme [L] et MM. [E] et [M] [L] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.