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29/04/2025 | FRANCE | N°23-84.383

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 29 avril 2025, 23-84.383


N° W 23-84.383 F-D

N° 00519


SB4
29 AVRIL 2025


CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 AVRIL 2025



La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date

du 26 janvier 2023, qui, pour homicides et blessures involontaires, l'a condamnée à 150 000 euros d'amende, une interdiction professionnelle définitive, une publ...

N° W 23-84.383 F-D

N° 00519


SB4
29 AVRIL 2025


CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 AVRIL 2025



La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2023, qui, pour homicides et blessures involontaires, l'a condamnée à 150 000 euros d'amende, une interdiction professionnelle définitive, une publication et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [2], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [1], les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de MM. [I] [H], [L] [W] [K], [M] [B], les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [F] [D], les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [Y] [R], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Coirre, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite du naufrage d'un navire de pêche, plusieurs passagers ont été blessés et trois sont décédés, dont [P] et [S] [X].

3. La société [2], propriétaire du bateau, a été poursuivie du chef d'homicides et blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce l'article L. 5523-3 du code des transports.

4. Le tribunal correctionnel a requalifié les faits en homicides et blessures involontaires par personne morale, déclaré la prévenue coupable de ces chefs, condamné celle-ci à 150 000 euros d'amende, une interdiction professionnelle définitive, une publication et a prononcé sur les intérêts civils au bénéfice, notamment, de Mme [F] [D], compagne et mère des deux victimes susmentionnées.

5. La société [2], le ministère public et certaines parties civiles ont relevé appel du jugement.

Examen des moyens

Sur les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté l'exception d'incompétence du tribunal correctionnel, soulevée par la société prévenue,
alors « que l'article 3 de la loi du 17 décembre 1926 relative à la répression en matière maritime confère au tribunal maritime une compétence exclusive pour le jugement des délits maritimes définis dans la 5ème partie du code des transports ; que cette compétence exclusive rend par le fait même le tribunal correctionnel incompétent pour connaître de délits maritimes, même en cas de connexité avec des infractions de droit commun ; qu'il résulte en l'espèce des termes de la prévention que la société prévenue était poursuivie des chefs d'homicides et de blessures involontaires sur le fondement d'une prétendue violation des dispositions de l'article L. 5523-3 du code des transports, délit maritime ; qu'en écartant néanmoins toute incompétence du tribunal correctionnel cependant que la prévention avait pour fondement un délit maritime impliquant la compétence exclusive du tribunal maritime, la cour d'appel a méconnu les textes précités et la compétence de ces juridictions laquelle est d'ordre public. »

Réponse de la Cour

8. Pour rejeter l'exception d'incompétence, l'arrêt attaqué énonce que les poursuites ne sont pas fondées sur des infractions maritimes incriminées par le code des transports, mais sur les articles 221-6, 222-19, 222-20 et R. 625-3 du code pénal.

9. Les juges ajoutent que le visa par la prévention de l'article L. 5523-3 du code des transports pour caractériser la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est sans incidence sur la compétence du tribunal correctionnel, la possibilité pour le tribunal maritime de connaître des délits d'homicide et de blessures involontaires, quand ils sont connexes à un délit maritime, étant une simple faculté.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

11. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [2] à payer à Mme [D] en sa qualité d'ayant droit de son fils [P] [X] ainsi qu'en sa qualité d'ayant droit de son compagnon M. [S] [X] une somme de 10 000 euros au titre de la perte de chance de survie, alors « que aucun préjudice résultant de son propre décès n'a pu naître, du vivant de la victime, dans son patrimoine et être ainsi transmis à ses héritiers ; que seul est indemnisable le préjudice résultant de la souffrance morale liée à la conscience de sa mort prochaine ; qu'en condamnant la société [2] à verser à Mme [D] en sa qualité d'ayant droit de son fils M. [P] [X] ainsi qu'en sa qualité d'ayant droit de son compagnon M. [S] [X] une somme de 10 000 euros au titre de la « perte de chance de survie » après avoir accordé une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral « d'angoisse de mort imminente », la cour d'appel a accordé à la partie civile la réparation d'un préjudice qui n'était pas indemnisable, en violation des articles 1240 du code civil, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 1240 du code civil et 2 du code de procédure pénale :

13. Il résulte du premier de ces textes que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

14. Selon le second, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.

15. Pour allouer à la partie civile, en sa qualité d'ayant droit de [S] et [P] [X], la somme de 10 000 euros pour chacun au titre de sa perte de chance de survie, l'arrêt attaqué énonce que ceux-ci ne sont pas décédés dans les suites immédiates de l'accident.

16. En statuant ainsi, alors qu'aucun préjudice résultant de son propre décès ne peut naître, de son vivant, dans le patrimoine du défunt, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

Examen des demandes fondées sur l'article 618-1 du code de procédure pénale

19. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de la société [2] étant devenue définitive par suite de la non-admission des moyens, il y a lieu de faire partiellement droit aux demandes.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 26 janvier 2023, en ses seules dispositions relatives aux sommes allouées à Mme [F] [D], en sa qualité d'ayant droit, en réparation de la perte de chance de survie de [P] et [S] [X], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉBOUTE Mme [F] [D] de ses demandes, présentées en sa qualité d'ayant droit, en réparation de la perte de chance de survie de [P] et [S] [X] ;

FIXE à 2 500 euros la somme que la société [2] devra payer à M. [Y] [R], en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société [2] devra payer à MM. [I] [H], [L] [W] [K] et [M] [B], en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 2 500 euros la somme que la société [2] devra payer à Mme [D], en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-84.383
Date de la décision : 29/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 29 avr. 2025, pourvoi n°23-84.383


Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.84.383
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