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10/04/2025 | FRANCE | N°23-14.974

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation de section, 10 avril 2025, 23-14.974


CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 208 FS-B

Pourvoi n° B 23-14.974




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025

La société DoubleTrade, société par actions

simplifiée, anciennement dénommée Reed Business Information puis Intescia, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° B 23-14.974 contre l'arrêt rendu le 23 février 20...

CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 208 FS-B

Pourvoi n° B 23-14.974




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025

La société DoubleTrade, société par actions simplifiée, anciennement dénommée Reed Business Information puis Intescia, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° B 23-14.974 contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société CNP assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société DoubleTrade, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société CNP assurances, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 février 2023) et les productions, la société DoubleTrade, (la locataire), locataire de locaux à usage de bureaux appartenant à la société CNP assurances (la bailleresse), a assigné cette dernière en 2009, en référé aux fins d'expertise sur des désordres affectant ces locaux, invoquant notamment de nombreuses infiltrations d'eau. Un expert a été désigné par ordonnance du 10 septembre 2009 et le 12 mars 2010, la locataire a signifié un congé pour le 14 septembre 2010.

2. Le 19 octobre 2011, la bailleresse a assigné la locataire en paiement de loyers et charges impayés, d'une clause pénale, du coût de réparations locatives et de dommages-intérêts. Après dépôt, le 31 octobre 2015, de son rapport par l'expert commis en référé, la bailleresse a mis en cause son assureur, la société Allianz IARD, et la locataire a demandé, à titre reconventionnel, le remboursement d'une partie des loyers et charges et l'indemnisation des préjudices nés d'un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement à l'encontre de la bailleresse et, en conséquence, de dire que l'appel en garantie de la bailleresse à l'encontre de son assureur est sans objet, alors « que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; qu'aucune clause du contrat ne peut décharger le bailleur de son obligation de délivrance, laquelle s'impose tout au long de l'exécution du bail ; qu'en l'espèce, selon les constatations de l'arrêt, l'article 6.3 du bail prévoyait que « le preneur s'engage pour lui-même et ses assureurs à renoncer à tout recours contre le bailleur et ses assureurs du fait de la destruction ou de la détérioration totale ou partielle de tous matériels, objets mobiliers, valeurs quelconques et marchandises, du fait de la privation ou de troubles de jouissance des lieux loués et même en cas de perte totale ou partielle des moyens d'exploitation » ; qu'en retenant qu'une telle clause privait la société DoubleTrade « de toute demande d'indemnisation sur le fondement du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance », cependant qu'une telle clause ne pouvait décharger le bailleur de son obligation de délivrance, la cour d'appel a violé les articles 1719 et 1720 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1719 et 1720 du code civil :

4. Selon ces textes, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au preneur la chose louée, en bon état de réparations de toute espèce, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, d'y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

5. Une clause de non-recours, qui n'a pas pour objet de mettre à la charge du preneur certains travaux d'entretien ou de réparation, n'a pas pour effet d'exonérer le bailleur de son obligation de délivrance.

6. Pour rejeter les demandes indemnitaires de la locataire, l'arrêt retient que la clause du bail par laquelle la locataire a renoncé à tous recours pour les dégâts causés dans les locaux loués aux objets mobiliers, marchandises ou matériels quelle qu'en soit l'origine, du fait de la privation de jouissance ou de troubles de jouissance des lieux loués, prive celle-ci de toute demande d'indemnisation sur le fondement du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance, y compris celle au titre de l'indemnisation du surcoût du loyer.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie de demandes indemnitaires fondées sur un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.






Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme au titre de la clause pénale, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, celle du chef visé par le présent moyen et ce, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

9. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

10. La cassation du chef de l'arrêt ayant rejeté les demandes indemnitaires de la locataire fondées sur un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de l'arrêt ayant condamné la locataire à payer une certaine somme à la bailleresse au titre de la clause pénale figurant au bail commercial, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société DoubleTrade, en ce qu'il dit que l'appel en garantie de la société CNP assurances à l'encontre de la société Allianz IARD est sans objet, en ce qu'il condamne la société DoubleTrade à payer à la société CNP assurances la somme de 120 231,49 euros TTC au titre de la clause pénale, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne les sociétés CNP assurances et Allianz IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés CNP assurances et Allianz IARD et les condamne in solidum à payer à la société DoubleTrade la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-14.974
Date de la décision : 10/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

Selon les articles 1719 et 1720 du code civil le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au preneur la chose louée, en bon état de réparations de toute espèce, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, d' y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. Une clause de non-recours, qui n'a pas pour objet de mettre à la charge du preneur certains travaux d'entretien ou de réparation, n'a pas pour effet d'exonérer le bailleur de son obligation de délivrance

bail (règles générales).


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles 16


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation de section, 10 avr. 2025, pourvoi n°23-14.974, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.14.974
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