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08/04/2025 | FRANCE | N°24-83.048

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 08 avril 2025, 24-83.048


N° R 24-83.048 F-D

N° 00472


ODVS
8 AVRIL 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 AVRIL 2025



M. [U] [D], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 25 avril 2024, qui, dans la procÃ

©dure suivie, sur sa plainte, notamment contre Mme [Y] [E], du chef de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire public, a prononcé sur les in...

N° R 24-83.048 F-D

N° 00472


ODVS
8 AVRIL 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 AVRIL 2025



M. [U] [D], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 25 avril 2024, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, notamment contre Mme [Y] [E], du chef de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire public, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [U] [D], les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et associés, avocat de Mme [Y] [E], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [U] [D] a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, en raison des propos suivants, publiés dans l'édition internet du journal « Le Parisien libéré » en date du 28 février 2020, dans un article intitulé « Ile-de-France : Une « taupe » chez les magistrats de la chambre régionale des comptes ? » : « Ile-de-France: une « taupe » chez les magistrats de la chambre régionale des comptes ? ; C'est ce qu'affirme [Y] [E], présidente de la région Ile-de-France, réagissant au dernier rapport de la chambre régionale des comptes sur sa gestion. Elle met en cause un magistrat, [U] [D], militant LREM de l'Essonne ». [...] « Conflit d'intérêts ». Le mot, lourd de sens, est lâché par [Y] [E], qui parle de « situation extrêmement grave ». Et il ne s'adresse pas à n'importe qui mais à un magistrat de la chambre régionale des comptes (CRC), autorité prestigieuse s'il en est. La présidente (Libres!) de la région Ile-de-France accuse de partialité un des magistrats qui a travaillé sur le dernier rapport de la cour sur sa gestion. Rapport qui critique certains aspects de la gestion de [Y] [E], et qui ne sera soumis à l'assemblée régionale que la semaine prochaine, mais que nous avons pu consulter ; « Un des magistrats ayant délibéré sur le rapport provisoire était un membre actif de la République en marche (LREM) en lie de France », écrit-elle à [G] [L], premier président de la cour des comptes, qui a quitté ses fonctions le 31 janvier dernier. « À ce titre, il a même été un opposant politique d'un agent mis en cause dans le rapport et d'une conseillère régionale de la majorité. Cette situation est constitutive d'un conflit d'intérêts manifeste » ; « Qui est cette « taupe » dénoncée par [Y] [E] ? Il s'agit de [U] [D], qui a depuis quitté ses fonctions à la cour des comptes. Loin, très loin de la France, puisqu'il est désormais en poste en Centrafrique en tant que conseiller pour le ministère des Finances » ; « Deuxième grief de [Y] [E] à l'encontre des magistrats de la CRC : cette mention d'un magistrat « opposant» a disparu du rapport définitif: Un « caviardage », selon les propres termes de la présidente, qui lui fait dire que cette «dissimulation de la réalité des faits ne peut que faire peser le soupçon d'une instrumentalisation de la juridiction dans un but politique à l'encontre de la région Ile-de-France et de son exécutif. »

3. Mme [Y] [E] a été poursuivie du chef de complicité de ce délit.

4. Les juges du premier degré ont relaxé Mme [E].

5. M. [D] a relevé appel de cette décision.



Examen des moyens

Sur le premier moyen

6. Le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que Mme [E] n'avait pas commis de faute civile, a débouté M. [D] de ses demandes, a infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté la demande présentée par Mme [E] sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale et, statuant à nouveau de ce chef, a déclaré cette demande recevable et fondée et l'a condamné à payer à Mme [E] une somme de 3 000 euros sur ce fondement, alors « que si l'auteur d'un propos repris par un journaliste ne peut en répondre en qualité de complice dans les termes du droit commun qu'à la condition que soient relevés, contre la personne poursuivie sous cette qualification, des faits personnels, positifs et conscients de complicité, se rend coupable d'une telle complicité la personne qui, en connaissance de cause, tient des propos diffamatoires dans une lettre destinée à être rendue publique et dont elle sait qu'elle sera nécessairement reprise dans la presse en raison de son contenu et des fonctions qu'elle exerce ; qu'au cas d'espèce, ayant retenu que les propos publiés sur le site internet du journal Le Parisien libéré, qui étaient en grande partie la reproduction de ceux tenus par Mme [E] dans sa lettre adressée à la CRC d'Ile-de-France le 16 octobre 2019 et dans sa lettre adressée au président de la Cour des comptes le 29 janvier 2020, présentaient un caractère diffamatoire, en écartant sa responsabilité au motif qu'elle n'avait pas écrit l'article litigieux et qu'elle n'aurait pas donné son accord à la publication, sans rechercher si elle ne savait pas pertinemment que le contenu de ces lettres, écrites en qualité de présidente de la région Ile-de-France, destinées à être annexées au rapport de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France et donc à être rendues publiques, serait nécessairement repris dans la presse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 29 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ensemble l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la cour

8. Pour écarter la responsabilité civile de Mme [E], l'arrêt attaqué énonce que même si elle ne conteste pas avoir tenu les propos litigieux qui sont des extraits du courrier qu'elle a adressé au premier président de la Cour des comptes, M. [G] [L], le 29 janvier 2020, l'intéressée n'a pas directement participé à leur publication et il ne s'agit pas d'une interview.

9. Les juges ajoutent que sa responsabilité aurait pu être engagée au titre de la complicité de droit commun mais qu'elle n'est pas l'auteur des propos contenus dans l'article et qu'elle n'avait pas donné son accord à la publication de ses propres propos.

10. En prononçant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision.

11. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat

Vu les articles 515 et 472 du code de procédure pénale :

12. Il se déduit de ces textes qu'à l'égard du prévenu relaxé et débouté par le tribunal de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive qu'il avait formée contre la partie civile ayant engagé l'action publique, les juges du second degré, saisis du seul appel de cette dernière, sont tenus de limiter l'indemnisation susceptible d'être accordée à la réparation du préjudice résultant, pour le prévenu intimé, de la poursuite de cette procédure devant eux.

13. Sur le seul appel de M. [D] l'arrêt a infirmé le jugement ayant rejeté la demande de Mme [E] fondée sur l'article 472 du code de procédure pénale et condamné la partie civile appelante à verser à la prévenue intimée des dommages-intérêts en raison de la procédure abusive dont celle-ci a été l'objet, non seulement devant la cour d'appel, mais aussi devant le tribunal.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

15. D'où il suit que la cassation est encourue.

Portée et conséquence de la cassation

16. La cassation sera limitée aux seules dispositions condamnant M. [D] à payer des dommages-intérêts à Mme [E], toutes autres dispositions étant expressément maintenues.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation, la Cour :

CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, en date du 25 avril 2024, mais en ses seules dispositions condamnant M. [D] à payer des dommages-intérêts à Mme [E], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres
du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-83.048
Date de la décision : 08/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 08 avr. 2025, pourvoi n°24-83.048


Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.83.048
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