LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 mars 2025
Cassation sans renvoi
Mme SCHMIDT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 171 F-D
Pourvoi n° T 24-12.371
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 MARS 2025
La société Selima, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° T 24-12.371 contre l'arrêt rendu le 8 février 2024 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Sovalvip, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Trajectoire, dont le siège est [Adresse 5], en la personne de Mme [C] [P], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Sovalvip,
3°/ à M. [W] [Y], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Sovalvip,
défendeurs à la cassation.
Les sociétés Sovalvip, Trajectoire, ès qualités, et M. [Y], ès qualités, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Selima, de Me Soltner, avocat des sociétés Sovalvip, Trajectoire, ès qualités, et de M. [Y], ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guillou, conseiller, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 8 février 2024), la société Sovalvip, détenue majoritairement par M. et Mme [E], et à hauteur de 26 % par la société Selima, filiale du groupe Carrefour, exploitait en franchise depuis 2014 un fonds de commerce sous l'enseigne Carrefour City.
2. Ses statuts définissaient son objet comme l'exploitation du fonds de commerce précité ou d'autre fonds de type supermaché « sous toute autre enseigne appartenant au Groupe Carrefour, à l'exclusion de toute autre ». Ils prévoyaient l'accord préalable des associés représentant plus des trois quarts des parts sociales pour toute décision visant à modifier l'enseigne du fonds de commerce.
3. Le 17 juin 2020, la société Sovalvip a dénoncé les contrats d'approvisionnement et de franchise qui la liaient aux sociétés [Adresse 4] (CSF) et [Adresse 3] (CPF) à effet au 25 juin 2021.
4. Le 30 septembre 2020, la société Sovalvip a été mise en sauvegarde.
5. Par un jugement du 16 juin 2021, sur requête de la société Sovalvip et de son administrateur judiciaire, le tribunal de la procédure collective a autorisé le gérant de la société Sovalvip à convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de modifier l'objet social de cette société à la majorité simple des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ayant droit de vote sur le fondement de l'article L. 626-3 du code de commerce.
6. La société Selima a formé une tierce opposition contre ce jugement.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable,
Enoncé du moyen
7. La société Sovalvip, son mandataire judiciaire et le commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde font grief à l'arrêt de juger recevable la tierce opposition formée par la société Selima à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Caen le 16 juin 2021 alors « que la voie de la tierce opposition n'est pas ouverte contre un jugement rendu en application des dispositions de l'article L. 626-3 du code de commerce ; que c'est la tierce opposition contre la décision arrêtant un plan de sauvegarde, ouverte à l'article L. 661-3 du code de commerce, qui permet de contester la décision préparatoire à ce plan prise en application de l'article L. 626-3 du même code ; qu'en jugeant pourtant qu'aucune disposition spéciale du code de commerce n'exclut que la décision prise par le tribunal en application des dispositions de l'article L. 626-3 puisse faire l'objet d'un recours et que dès lors les voies de recours de droit commun sont ouvertes et la tierce opposition est possible, la cour d'appel a violé les articles L. 626-3, L. 661-1, L. 661-2 et L. 661-3 du code de commerce ensemble l'article 585 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 661-2 et L. 661-3 du code de commerce :
8. Il résulte de ces textes que la tierce opposition n'est pas ouverte contre la décision prise en application des dispositions de l'article L. 626-3 du code de commerce, cette décision, préparatoire au plan, pouvant être contestée par la voie d'une tierce opposition formée contre la décision arrêtant le plan.
9. L'arrêt déclare recevable la tierce opposition de la société Selima.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Tel que suggéré par le pourvoi incident, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement du 2 mars 2022 ;
Condamne la société Selima aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Selima et la condamne à payer à la société Sovalvip, la société Trajectoire en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Sovalvip et M. [Y] en qualité de mandataire judiciaire de la société Sovalvip, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.