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26/03/2025 | FRANCE | N°23-18.048

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 26 mars 2025, 23-18.048


COMM.

SH



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 mars 2025




Cassation


Mme SCHMIDT, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 173 F-D

Pourvoi n° T 23-18.048




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 MARS 2025
> M. [C] [V], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° T 23-18.048 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le lit...

COMM.

SH



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 mars 2025




Cassation


Mme SCHMIDT, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 173 F-D

Pourvoi n° T 23-18.048




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 MARS 2025

M. [C] [V], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° T 23-18.048 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Isalys, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société CNA Insurance Company Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg), ayant un établissement en France, [Adresse 3],

3°/ à la société MMA IARD, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [V], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Isalys et MMA IARD, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société CNA Insurance Company Europe, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Calloch, conseiller rapporteur, Mme Guillou, conseiller, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 9 mai 2023), le 16 juin 2011, M. [V] a acquis de la société Aristophil, par l'intermédiaire de la société Isalys, conseiller en gestion de patrimoine, des parts indivises de collection de manuscrits anciens et conclu un contrat de dépôt et d'exploitation de ces oeuvres pour une durée de sept années.

2. Le 16 février et 5 août 2015, la société Aristophil a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires.

3. Le 5 mars 2015, plusieurs dirigeants de la société Aristophil ont été mis en examen du chef d'escroquerie en bande organisée, de pratiques commerciales trompeuses et d'abus de confiance. M. [V] s'est constitué partie civile par courrier du 4 décembre 2015.

4. Les 10,11 et 13 septembre 2019, M. [V] a assigné la société Isalys, ainsi que ses assureurs, en responsabilité pour manquement à ses obligations d'information et de conseil.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

5. M. [V] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant déclaré prescrites ses demandes en indemnisation formées contre la société Isalys, sauf les demandes en indemnisation fondées sur la surévaluation des manuscrits, l'obligation générale de vigilance quant à la nature et au sérieux du placement Aristophil et la rémunération de la société Isalys alors :

« 1°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que s'agissant d'une action en responsabilité pour manquement au devoir d'information et de conseil du conseiller en investissements financiers ou du conseiller en gestion de patrimoine, le point de départ du délai de prescription correspond à la date à partir de laquelle la victime a su ou aurait dû légitimement savoir qu'elle avait investi dans une valeur dont la fictivité était suffisamment certaine et qu'elle était dans l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat, ce qui exclut de retenir la date de conclusion du contrat ; que, dès lors, en fixant à la date de conclusion des contrats litigieux le point de départ de la prescription de la demande de M. [V] fondée sur un manquement de la société Isalys ne lui ayant pas permis de prendre conscience de l'absence de garantie de rachat et donc de restitution du capital, abondé d'intérêts de 8,30 % par an, au motif inopérant que "M. [V] pouvait aisément se convaincre, à la lecture des documents contractuels, de l'absence d'engagement de la société Aristophil à racheter ses manuscrits et donc du caractère incertain de la restitution du prix versé au terme du contrat, augmenté de 8,30 % par année pleine et entière de garde et de conservation", la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

2°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que s'agissant d'une action en responsabilité pour manquement au devoir d'information et de conseil du conseiller en investissements financiers ou du conseiller en gestion de patrimoine, le point de départ du délai de prescription correspond à la date à partir de laquelle la victime a su ou aurait dû légitimement savoir qu'elle avait investi dans une valeur dont la fictivité était suffisamment certaine et qu'elle était dans l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat, ce qui exclut de retenir la date de conclusion du contrat ; que, dès lors, en fixant à la date de conclusion des contrats litigieux le point de départ de la prescription de sa demande fondée sur la délivrance par la société Isalys d'une information incomplète sur la composition et la valorisation précise des œuvres, au motif inopérant que "M. [V] savait (…), dès la signature du contrat avec la société Aristophil que la composition de la collection qui lui était vendue ne serait précisée qu'ultérieurement", la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

4°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que s'agissant d'une action en responsabilité pour manquement au devoir d'information et de conseil du conseiller en investissements financiers ou du conseiller en gestion de patrimoine, le point de départ du délai de prescription correspond à la date à partir de laquelle la victime a su ou aurait dû légitimement savoir qu'elle avait investi dans une valeur dont la fictivité était suffisamment certaine et qu'elle était dans l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat, ce qui exclut de retenir la date de conclusion du contrat ; que, dès lors, en fixant à la date de conclusion des contrats litigieux le point de départ de la prescription de sa demande fondée sur la notification d'un niveau de risque faible pour l'investissement en cause, aux motifs inopérants que "l'absence d'obligation contractuelle de rachat apparaissait clairement à la lecture des documents contractuels, en particulier la convention de garde et de conservation" et que "le risque invoqué était décelable dès la signature de ces documents", la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce :

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

7. Le manquement d'un conseiller en gestion en patrimoine à son obligation d'information sur le risque de perte en capital et la valorisation du produit financier prive cet investisseur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage ne peut commencer à courir avant la date à laquelle l'investissement a été perdu.

8. Pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée contre la société Isalys, l'arrêt retient que l'investisseur avait connaissance dès la conclusion du contrat de l'absence d'obligation de rachat des oeuvres par la société Aristophil et donc de restitution du capital abondé des intérêts, du fait que la composition de la collection qui lui était vendue ne serait précisée qu'ultérieurement. L'arrêt en déduit que l'investisseur a ainsi connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en justice à compter de la date de conclusion du contrat et que l'action engagée plus de cinq années après cette date est tardive.

9. En statuant ainsi, alors qu'à la date de la conclusion du contrat, le risque de perte en capital et de gains manqués ne s'était pas encore réalisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt ayant déclaré prescrits certains des faits invoqués au soutien de l'action en responsabilité engagée par M. [V] contre la société Isalys entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif ayant rejeté, au fond, cette action, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne in solidum la société CNA Insurance Company Europe, la société MMA IARD et la société Isalys aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CNA Insurance Company Europe, la société MMA IARD et la société Isalys et les condamne in solidum à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-18.048
Date de la décision : 26/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 26 mar. 2025, pourvoi n°23-18.048


Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.18.048
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