N° Y 24-85.585 F-B
N° 00376
ODVS
25 MARS 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 MARS 2025
M. [T] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 5 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, association de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 17 octobre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [T] [D], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [T] [D] a été mis en examen le 23 novembre 2023 des chefs susvisés.
3. Par requête du 8 février 2024, il a saisi la chambre de l'instruction d'une demande d'annulation de son interrogatoire de première comparution.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [D], alors :
« 1°/ que chacune des pages du procès-verbal d'interrogatoire de première comparution doit être signée par le juge, le greffier et la personne mise en cause ; qu'à défaut d'observation de cette règle, fût-ce pour une des pages, ce procès-verbal est dans son entier non-avenu ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la troisième page du procès-verbal de son interrogatoire de première comparution n'a pas été signée par le greffier ; qu'en refusant, après avoir pourtant relevé que toutes les pages du procès-verbal n'étaient pas signées, ce dont elle avait déduit qu'il « existe donc bien une irrégularité sur ce procès-verbal », de dire que ledit procès-verbal était non-avenu et d'ordonner son retrait de la procédure, la Chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 106, 107, 121, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que le défaut de signature du juge, du greffier ou de la personne mise en cause ne permet pas de garantir l'authenticité des mentions figurant sur la page non signée ; que lorsque ces mentions font état de l'accomplissement de formalités essentielles au respect des droits de la défense, l'absence de signature empêche de contrôler que ces formalités ont effectivement été mises en oeuvre, ce qui porte nécessairement atteinte aux intérêts du mis en cause ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la troisième page du procès-verbal de son interrogatoire de première comparution, qui faisait pourtant état du choix prétendument opéré par Monsieur [D] de se limiter à faire des déclarations spontanées, des observations de son conseil et de la notification par le juge de sa mise en examen, n'avait pas été signée par le greffier ; que faute de pouvoir contrôler l'authenticité de ces formalités, il était porté atteinte aux droits de la défense ; qu'en retenant pour refuser d'annuler le procès-verbal litigieux que « l'omission de la signature du greffier sur cette page n'entraine pas de grief pour [T] [D] qui a bien été avisé des infractions retenues à son encontre et de l'ensemble de ces droits », la Chambre de l'instruction a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 80-1, 106, 107, 116, 121, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 106, 121 et 802 du code de procédure pénale :
5. Selon le deuxième de ces textes, les procès-verbaux d'interrogatoire et de confrontation sont établis dans les formes prévues au premier qui prévoit que chaque page doit être signée notamment du greffier.
6. Il se déduit du dernier que l'inobservation partielle de cette formalité est sanctionnée par la nullité de la ou des pages du procès-verbal concernées, lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne interrogée.
7. Dans un tel cas, il revient à la chambre de l'instruction d'apprécier si l'annulation qu'elle prononce entraîne la nullité de l'intégralité du procès-verbal.
8. Pour rejeter la requête en annulation du procès-verbal d'interrogatoire de première comparution de M. [D], l'arrêt attaqué énonce que seule la troisième page de ce procès-verbal ne comporte pas la signature du greffier, les première, deuxième et quatrième pages ayant été régulièrement signées.
9. Les juges constatent que, sur cette page, sont consignées les déclarations de l'intéressé, qui a seulement indiqué maintenir ses précédentes explications, la mention que son avocat a demandé l'octroi du statut de témoin assisté pour l'un des chefs de mise en examen envisagés, ainsi que la notification de mise en examen des divers chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et d'association de malfaiteurs.
10. Ils précisent que, dès lors que le greffier a signé les première, deuxième et quatrième pages, ce dernier était nécessairement présent au cours de tout l'interrogatoire et qu'il s'agit d'un simple oubli.
11. Ils ajoutent que M. [D], qui a déclaré savoir lire et écrire en langue française, a été avisé de son droit de relire ses déclarations et de les signer s'il y persistait et a signé l'ensemble des pages du procès-verbal, de même que le juge d'instruction.
12. Ils observent que la signature du greffier est présente sur les pages reprenant les éléments essentiels, soit la notification à l'intéressé du droit au silence, des droits liés à la mise en examen, de celui d'être assisté d'un avocat et d'en choisir un pour la suite de la procédure, du droit de relire ses déclarations et de la saisine du juge des libertés et de la détention en vue d'un placement en détention provisoire.
13. Ils relèvent que la page trois comporte principalement une partie des infractions pour lesquelles le juge d'instruction a prononcé la mise en examen, qui ont cependant toutes déjà été énoncées dans les mêmes termes aux deux pages précédentes, alors que l'intention du juge de mettre l'intéressé en examen de ces mêmes chefs est précisément mentionnée dans ces mêmes pages.
14. Ils retiennent que le juge d'instruction n'a choisi le statut de témoin assisté pour aucune des infractions de sorte que la mise en examen est conforme à l'annonce de l'intention de ce magistrat et concluent que l'omission de la signature du greffier sur la troisième page n'entraîne pas de grief pour M. [D] qui a bien été avisé des infractions retenues à son encontre et de l'ensemble de ses droits.
15. C'est à bon droit que la chambre de l'instruction a jugé que l'absence de la seule signature du greffier sous la retranscription, d'une part, des brèves déclarations de l'intéressé par lesquelles celui-ci s'est borné à indiquer qu'il confirmait ses précédentes explications, d'autre part, des observations présentées avant la mise en examen par l'avocat, ne portait pas atteinte aux intérêts de la personne entendue.
16. Mais, en retenant, en outre, que cette même irrégularité, au bas de la page du procès-verbal dédiée notamment à la notification d'une partie des chefs de mise en examen, ne faisait pas grief à M. [D], alors qu'il résultait de cette carence une incertitude sur l'étendue et la nature desdits chefs de mise en examen, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
17. La cassation est ainsi encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 5 juillet 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt-cinq.