N° C 19-81.245 F-D
M 23-80.694
N° 00353
GM
19 MARS 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 MARS 2025
M. [W] [B] a formé des pourvois :
- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 27 décembre 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de banqueroute, abus de biens sociaux et complicité de faux, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
- contre l'arrêt de la même cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 18 janvier 2023, qui, pour abus de biens sociaux et faux, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [W] [B], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A l'issue d'une information, M. [W] [B] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour y répondre de faits qui seraient constitutifs des délits d'abus de biens sociaux et de faux.
3. Les juges du premier degré, qui ont rejeté les moyens de nullité présentés par le prévenu, l'ont déclaré coupable de ces deux infractions.
4. L'intéressé a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième, quatrième, et sixième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le rejet de l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 20 mai 2019, alors « que, le juge d'instruction doit instruire à charge et à décharge et indiquer dans son ordonnance, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non des charges suffisantes au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties qui ont été régulièrement adressées ; qu'en rejetant l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi du 20 mai 2019 aux motifs qu'« aucune disposition légale n'impose de préciser la date exacte des faits, une période pouvant être retenue, ni de chiffrer le préjudice (
) », la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 184, 385, 485, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour rejeter l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, l'arrêt attaqué énonce que cette ordonnance respecte les dispositions de l'article 184 du code de procédure pénale tant en ce qui concerne les exigences de forme que la mention de la qualification légale des faits imputés, l'indication précise des motifs pour lesquels il existe ou non des charges suffisantes contre la personne mise en examen, en précisant les éléments à charge et à décharge qui la concerne.
8. Les juges relèvent que, bien que le conteste M. [B], les éléments susceptibles de constituer une infraction sont parfaitement repris, tout comme ses dénégations ainsi que les éléments qu'il a entendu verser aux débats.
9. Les juges constatent qu'en outre, aucune disposition légale n'impose de préciser la date exacte des faits, une période pouvant être retenue, ni de chiffrer le montant du préjudice, cet élément n'étant au demeurant pas requis pour la constitution du délit d'abus de biens sociaux.
10. Ils ajoutent que M. [B] a pu assurer sa défense tout au long de l'instruction, qu'il a eu accès au dossier et a présenté des observations, qu'il était parfaitement au courant du détail des faits qui lui sont reprochés et qu'il ne peut justifier d'aucun grief.
11. En l'état de ces énonciations, et dès lors que les motifs de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ont permis à M. [B] de connaître les faits qui lui étaient reprochés et d'assurer utilement sa défense, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
12. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [B] à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 euros d'amende et à la peine d'interdiction d'exercer une profession, commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de cinq ans, alors que :
« 1°/ qu' en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit en justifier la nécessité au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en condamnant M. [B] à la peine de huit mois d'emprisonnement assorti du sursis sans s'être expliquée concrètement sur sa personnalité et sa situation personnelle, familiale et professionnelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des critères de motivation de la peine prévus par l'article 1321 du code pénal ;
2°/ que la peine d'amende doit être motivée au regard des ressources et des charges de l'exposant ; qu'en l'espèce, en condamnant M. [B] a la peine de 50 000 euros d'amende par des constatations impropres a caractériser la prise en compte de ses charges, tandis qu'il était comparant a l'audience et aurait pu répondre a toutes les questions des juges, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1, 132-20 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en condamnant M. [B] à une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de cinq ans en ne motivant le prononcé de cette peine complémentaire qu'en référence à des éléments étrangers à la poursuite aux seules circonstances qu'il « ne présente aucune garantie démontrant sa capacité à diriger ou contrôler une entreprise, plusieurs des sociétés qu'il dirigeait ayant été liquidées » sans avoir tenu compte de sa personnalité ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale et en ne recherchant pas si l'atteinte sensible portée aux intérêts économiques et pécuniaires de M. [B] était, réellement et concrètement, proportionnée, la cour d'appel n'a pas justifié ce chef de décision au regard des articles 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 130-1, 132-1, 132-19, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
14. Pour condamner le prévenu à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer et une confiscation, l'arrêt attaqué énonce que, divorcé et père d'un enfant à sa charge, il est gérant de la société [1], il a fait état de ressources mensuelles d'un montant de 2 000 euros mais n'a pas justifié de l'étendue de son patrimoine, notamment immobilier, et que son casier judiciaire ne porte pas de trace de condamnation.
15. Les juges ajoutent que la gravité des faits qui ont porté atteinte à la sécurité des affaires et généré un très important passif, l'absence de condamnation de l'intéressé et sa situation matérielle, familiale et sociale ont révélé une réelle insertion qui a permis aux premiers juges de prononcer une peine d'emprisonnement entièrement assortie du sursis qui sera confirmée, ainsi que l'amende prononcée en première instance qui apparaît adaptée à la gravité des faits et proportionnée au patrimoine de M. [B] ainsi qu'aux profits qu'il a réalisés.
16. Ils précisent que la peine d'interdiction de gérer, prononcée par les premiers juges, sera confirmée, compte tenu de la nature des faits, de leur gravité, et des éléments de personnalité recueillis, ainsi que de l'absence de garantie démontrant la capacité du prévenu à diriger ou à contrôler une entreprise, plusieurs des sociétés qu'il a dirigées ayant été liquidées.
17. En l'état de ces énonciations, et dès lors que lorsque plusieurs peines sont prononcées, les motifs peuvent être communs à celles-ci, la cour d'appel a justifié sa décision.
18. Dès lors, le moyen doit être écarté.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq.