LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 mars 2025
Rejet
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 134 FS-B
Pourvoi n° G 24-12.891
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2025
M. [K] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 24-12.891 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2024 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5, procédure gracieuse), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en cette qualité en son parquet général [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de M. [R], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Teiller, président, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des présidents et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 janvier 2024), par requête reçue le 26 septembre 2022, M. [R] a demandé au président d'un tribunal judiciaire de constater qu'il avait acquis, par usucapion, la propriété de diverses parcelles qu'il occupe et dont les propriétaires ne sont, selon lui, pas identifiables en l'absence d'information actualisée détenue par les services chargés de la publicité foncière.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. M. [R] fait grief à l'arrêt de rejeter sa requête alors :
« 1°/ que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; que s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ; qu'il en résulte que le juge qui fait droit à la requête en usucapion du requérant ne prive pas l'hypothétique propriétaire de la parcelle immobilière, non identifié, d'agir en référé-rétractation afin de provoquer une discussion contradictoire et défendre son droit de propriété ; qu'en estimant que la décision sollicitée, en ce qu'elle aurait pour effet de reconnaître un droit réel de propriété immobilière, ne peut par son essence même être rendue de manière provisoire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 493 du code de procédure civile ;
2°/ que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; que l'inexistence ou l'impossibilité d'identifier un défendeur constitue un motif légitime à agir par voie de requête ; qu'après avoir constaté que les fiches d'immeubles délivrées par le service de la publicité foncière ne contenaient aucune mention permettant d'identifier un propriétaire pour les parcelles revendiquées, la cour d'appel devait en déduire qu'il n'y avait aucun propriétaire identifiable pour ces parcelles et qu'il était nécessairement fondé à ne pas appeler une hypothétique partie, sauf à méconnaître le sens et la portée de l'article 493 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
5. Selon l'article 2227 du code civil, le droit de propriété est imprescriptible.
6. Il est jugé que la propriété ne s'éteint pas par le non-usage (3e Civ., 5 juin 2002, pourvoi n° 00-16.077, Bull. 2002, III, n° 129 et 3e Civ., 9 juillet 2003, pourvoi n° 02-11.612, Bull. 2003, III, n° 156).
7. Les articles 539 et 713 du code civil ainsi que les articles L. 1122-1 et L. 1123-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques organisent la dévolution des biens immobiliers dont les propriétaires sont décédés sans héritiers, ou dont les successions sont abandonnées, ainsi que celle des biens sans maître ou présumés sans maître.
8. Il a été jugé que l'acquisition par l'Etat des biens visés aux articles 539 et 713 du code civil, dans sa version antérieure, pour ce dernier texte, à la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, se produisait de plein droit même en l'absence de toute formalité d'envoi en possession ou de déclaration de vacance (1re Civ., 14 novembre 2006, pourvoi n° 03-13.473, Bull. 2006, I, n° 491).
9. Il en résulte que celui qui se prévaut d'une usucapion oppose toujours son droit à un autre propriétaire.
10. Par ailleurs, les articles 809 et suivants du code civil permettent à tout intéressé de faire nommer un curateur à succession vacante lorsqu'il ne se présente personne pour réclamer une succession.
11. Dès lors, le défaut de mention du nom d'un propriétaire sur les fiches d'immeubles délivrées par le service de la publicité foncière ne constitue pas, pour celui qui soutient avoir acquis la propriété d'un bien par usucapion, un motif légitime à ne pas appeler d'adversaire et ne l'autorise donc pas à former une demande en constatation d'une usucapion par voie de requête.
12. Le moyen, qui postule le contraire en sa deuxième branche et qui critique des motifs surabondants en sa première branche, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [R] aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le premier président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-cinq.