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13/03/2025 | FRANCE | N°22-23.406

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 13 mars 2025, 22-23.406


CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2025




Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 136 F-D

Pourvoi n° W 22-23.406




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2025

Mme [Z] [H], domiciliée [Adresse 1], a

formé le pourvoi n° W 22-23.406 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant à M. [C] [B], domicili...

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2025




Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 136 F-D

Pourvoi n° W 22-23.406




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2025

Mme [Z] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-23.406 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant à M. [C] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, huit moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [H], de la SARL Gury & Maitre, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en Provence, 3 novembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-14.238) et les productions, le 25 juin 2007, Mme [H] (la locataire) a pris à bail un logement appartenant à M. [B] (le bailleur).

2. Soutenant que les lieux n'étaient pas conformes aux normes de décence et présentaient un danger pour la santé et la sécurité des occupants, la locataire a assigné le bailleur par acte du 13 juillet 2012 en consignation des loyers et indemnisation de ses préjudices.

3. Le bailleur a formé une demande reconventionnelle en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers.

4. En exécution d'une ordonnance de référé ensuite infirmée, la locataire a été expulsée des locaux en octobre 2013 et les a réintégrés en mars 2014.

5. La locataire ayant été à nouveau expulsée des locaux le 4 août 2017 et le bailleur ayant vendu le local à un tiers le 31 octobre 2018, les parties ont modifié leurs demandes initiales. La locataire a sollicité la réduction du montant du loyer dû depuis la signature du bail, le prononcé de sa résiliation judiciaire aux torts du bailleur, la restitution de loyers et provisions sur charges trop versés et l'indemnisation de ses divers préjudices. Le bailleur a sollicité à titre reconventionnel le prononcé de la résiliation du bail au 14 octobre 2014 aux torts de la locataire, le paiement de loyers et indemnités d'occupation et l'octroi d'une indemnité pour procédure abusive.

Examen des moyens

Sur les premier, troisième, cinquième, septième et huitième moyens

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de suspension rétroactive de paiement des loyers à compter de la prise de possession des locaux, de rejeter sa demande de restitution des loyers, de prononcer la résiliation du bail aux torts partagés des parties, de fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité d'occupation, de la condamner à verser au bailleur une certaine somme au titre des loyers impayés et au titre des indemnités d'occupation, de condamner le bailleur à lui verser une certaine somme en réparation de son préjudice de jouissance et de rejeter le surplus de ses demandes, alors :

« 1°/ que, le preneur est fondé à suspendre le paiement du loyer lorsque le caractère indécent du logement loué et les désordres l'affectant sont tels qu'ils le rendent inhabitable ; qu'un logement n'est pas habitable, au sens de l'article 2 du décret n° 87-149 du 6 mars 1987, lorsqu'il comporte des installations de gaz et d'électricité dangereuses pour les occupants et est dénué de toute eau chaude ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel constate que les installations électriques et de gaz de l'appartement ont exposé la locataire à un risque de mort et que la chaudière, produisant l'eau chaude et le chauffage, ne pouvait être mise en route sans engendrer un risque mortel ; qu'en rejetant les demandes de Mme [H], aux motifs impropres qu'elle ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité totale d'habiter le logement, quand il résulte de ses constatations que celui-ci était indécent et que les manquements du bailleur le rendaient inhabitable, la cour d'appel a violé les articles 1719, 1720, 1728 et 1184 ancien du code civil, ensemble l'article 2 du décret n° 87-149 du 6 mars 1987, l'article 6, alinéa 1, de la loi du 6 juillet 1989 et l'article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;

2°/ que, le preneur est fondé à suspendre le paiement du loyer convenu lorsque le caractère indécent du logement et les désordres l'affectant sont tels qu'ils le rendent impropre à sa destination ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel constate que les installations électriques et de gaz de l'appartement ont exposé la locataire à un risque de mort et que la chaudière, produisant l'eau chaude et le chauffage, ne pouvait être mise en route sans engendrer un risque mortel ; qu'en rejetant les demandes de Mme [H], au motif impropre qu'elle ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité totale d'habiter le logement, quand il résulte de ses constatations que celui-ci était indécent et que les manquements du bailleur le rendaient impropre à sa destination, la cour d'appel a violé les articles 1719, 1720, 1728 et 1184 anciens du code civil, ensemble l'article 2 du décret n° 87-149 du 6 mars 1987, l'article 6, alinéa 1, de la loi du 6 juillet 1989 et l'article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;

3°/ que, en se déterminant sans analyser, fut-ce sommairement, le rapport de l'expertise judiciaire réalisée par M. [W], l'arrêt du 26 juin 2018 rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation et l'acte notarié de cession du 31 octobre 2018, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que, en retenant que Mme [H] n'a évoqué l'état possiblement indécent du logement que dans son assignation délivrée au bailleur le 13 juillet 2012, quand cette circonstance était impropre à écarter l'exception d'inexécution, la cour d'appel a violé les articles 1719, 1720, 1728 et 1184 ancien du code civil, ensemble l'article 2 du décret n° 87-149 du 6 mars 1987, l'article 6, alinéa 1, de la loi du 6 juillet 1989 et l'article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. »

Réponse de la Cour

8. Ayant souverainement retenu que, si le logement donné à bail n'était pas conforme aux normes de décence, la locataire ne démontrait pas avoir été dans l'impossibilité totale d'habiter les lieux, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter, a pu en déduire, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant visé par la quatrième branche, que la locataire ne pouvait se prévaloir de l'exception d'inexécution pour refuser le paiement des loyers.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

10. La locataire fait grief à l'arrêt de fixer le montant de l'indemnité d'occupation à une certaine somme, de la condamner à payer au bailleur le montant de cette indemnité d'occupation pour la période de janvier 2015 au 4 août 2017 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors :

« 1°/ que, l'indemnité d'occupation représente la contrepartie de la jouissance des lieux ; que le locataire qui s'est maintenu dans les lieux, à la suite de la résiliation du bail, sans bénéficier de la jouissance de locaux habitables, au sens de la réglementation applicable, n'est pas redevable d'une indemnité d'occupation ; qu'en fixant à la somme de 850 euros par mois l'indemnité d'occupation et en condamnant Mme [H] au paiement d'une indemnité pour la période de janvier 2015 au 4 août 2017 quand il résulte de ses constatations que les installations électriques et de gaz de l'appartement ont exposé Mme [H] à un risque de mort et que la chaudière, produisant l'eau chaude et le chauffage, ne pouvait être mise en route sans engendrer un risque mortel, de sorte que le logement ne pouvait être considéré comme habitable, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 2 du décret n° 87-149 du 6 mars 1987, l'article 6, alinéa 1, de la loi du 6 juillet 1989 et l'article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;

2°/ que, l'indemnité d'occupation ne peut excéder le montant du préjudice subi par le propriétaire, au titre de la perte de jouissance ou de la perte de revenus locatifs ; qu'en fixant à la somme de 850 euros par mois l'indemnité d'occupation et en condamnant Mme [H] au paiement d'une indemnité pour la période de janvier 2015 au 4 août 2017 quand il résulte de ses constatations que le logement n'était pas décent, que les installations électriques et de gaz de l'appartement exposaient l'occupant à un risque de mort et que la chaudière, produisant l'eau chaude et le chauffage, ne pouvait être mise en route sans engendrer un risque mortel, de sorte que le propriétaire ne pouvait ni jouir du bien, ni se prévaloir d'une perte de revenus locatifs, la cour d'appel a violé 1382 du code civil, ensemble l'article 2 du décret n° 87-149 du 6 mars 1987, l'article 6, alinéa 1, de la loi du 6 juillet 1989 et l'article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

3°/ que, dans ses conclusions, Mme [H] soutenait que la valeur locative du local était très inférieure à la somme fixée par le contrat et qu'elle était en outre diminuée par le caractère indécent du local et l'importance des désordres l'affectant ; qu'elle produisait de nombreux éléments de nature à établir la valeur locative du local ; en fixant à la somme de 850 euros par mois l'indemnité d'occupation sans répondre à ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Ayant souverainement retenu que, si le logement donné à bail présentait des désordres, la locataire ne démontrait pas avoir été dans l'impossibilité totale d'habiter les lieux, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'elle était redevable, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des locaux, d'une indemnité d'occupation dont elle a souverainement fixé le montant.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

13. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au bailleur une certaine somme au titre des loyers impayés pour la période de novembre 2011 à décembre 2014, alors « qu'aucune somme ne peut être mise à la charge du preneur au titre d'une période pendant laquelle, ayant été expulsé par le bailleur, il n'a pas occupé l'appartement ; qu'en retenant, pour fixer la somme due par Mme [H] au titre des loyers à un montant de 34 650 euros, correspondant à 35 termes de loyers, que trois mois de loyer ne peuvent lui être réclamés au titre des mois de novembre 2013, décembre 2013 et janvier 2014, quand il résulte de ses constatations qu'entre le mois d'octobre 2013 et le mois de mars 2014, Mme [H] a été expulsée de l'appartement, de sorte qu'aucune somme n'était due au titre de cette période, la cour d'appel a violé les articles 1134, devenu 1103 et 1104, 1147, devenu 1231-1 et 1728 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1728, 2°, du code civil :

14. Selon ce texte, le locataire est obligé de payer le prix du bail aux termes convenus.

15. Pour condamner la locataire au paiement d'une certaine somme au titre des loyers impayés pour la période de novembre 2011, date à laquelle elle a cessé de régler ses loyers, à décembre 2014, date de résiliation du bail, l'arrêt retient qu'après avoir été expulsée le 25 octobre 2013, en vertu d'une ordonnance de référé du 18 décembre 2012, infirmée par arrêt du 8 janvier 2014, elle a réintégré les lieux, de sorte que trois termes de loyers correspondant aux mois de novembre et décembre 2013 et janvier 2014 ne peuvent lui être réclamés durant cette période et qu'elle doit 35 mois de loyer.

16. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la locataire n'avait réintégré les lieux qu'en mars 2014, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 , alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond dans les limites de la cassation prononcée.

19. Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la locataire, après avoir été expulsée des locaux loués en octobre 2013, ne les a réintégrés qu'en mars 2014, et qu'elle n'est donc redevable d'aucun loyer, qui était de 1 000 euros mensuel, sur cette période. Dès lors, Mme [H] doit être condamnée à payer à M. [B] la somme de 32 650 euros au titre des loyers impayés pour la période de novembre 2011 à décembre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2022.





PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [H] à payer à M. [B] la somme de 34 650 euros au titre des loyers impayés pour la période de novembre 2011 à décembre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2022, l'arrêt rendu le 3 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONDAMNE Mme [H] à payer à M. [B] la somme de 32 650 euros au titre des loyers impayés pour la période de novembre 2011 à décembre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2022 ;

Condamne M. [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 22-23.406
Date de la décision : 13/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence A1


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 13 mar. 2025, pourvoi n°22-23.406


Origine de la décision
Date de l'import : 18/03/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.23.406
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