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11/03/2025 | FRANCE | N°22-83.263

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 11 mars 2025, 22-83.263


N° K 24-80.053 F-D
G 22-83.263
N° 00276


RB5
11 MARS 2025


CASSATION
REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 MARS 2025



Mme [O] [C], partie civile, a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion

:

- le premier, en date du 18 janvier 2022, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée du chef de harcèlement moral, a ...

N° K 24-80.053 F-D
G 22-83.263
N° 00276


RB5
11 MARS 2025


CASSATION
REJET

M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 MARS 2025



Mme [O] [C], partie civile, a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion :

- le premier, en date du 18 janvier 2022, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée du chef de harcèlement moral, a ordonné un supplément d'information (pourvoi n° 22-83.263) ;

- le second, en date du 7 novembre 2023, qui, dans la même procédure, a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef susvisé (pourvoi n° 24-80.053).

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [O] [C], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mme [O] [C] a porté plainte et s'est constituée partie civile le 8 octobre 2018 du chef de harcèlement moral.

3. Le 21 juin 2021, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.

4. Mme [C] a interjeté appel.

5. Par arrêt du 18 octobre 2022, la chambre de l'instruction a dit que l'instruction était régulière mais a constaté qu'elle n'était pas complète et a, avant dire droit, ordonné un supplément d'information aux fins de procéder aux auditions de MM. [X] [I], médiateur national hospitalier, et [R] [U], directeur général adjoint du centre hospitalier universitaire de La Réunion.

6. Mme [C] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.

7. L'exécution du supplément d'information a été constatée par arrêt de dépôt du 4 juillet 2023.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens

8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur les sixième et septième moyens

Enoncé des moyens

9. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef de harcèlement moral, alors :

« 1°/ qu'il n'est pas nécessaire, pour que le délit de harcèlement moral soit caractérisé, que les propos aient été directement adressés à la personne visée dès lors que celle-ci en a eu connaissance et qu'ils ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en retenant, pour dire n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef de harcèlement moral, que madame [C] ne rapporte pas la preuve que les propos humiliants ou dénigrants lui auraient été directement adressés par madame [F], sans rechercher si les propos dénoncés par la partie civile n'avaient pas été portés à sa connaissance et n'avaient pas eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 222-33-2 du code pénal ».

10. Le septième moyen critique l'arrêt attaqué du même chef, alors « que le délit de harcèlement moral ne suppose pas une intention de nuire ; qu'en retenant, pour dire qu'aucun élément ne permettait de reprocher au CHU de La Réunion un quelconque harcèlement moral, que s'agissant des faits relevant des conditions matérielles et humaines d'exercice des fonctions de la partie civile, il ne pouvait être regardés comme révélant une intention de nuire à [O] [C] de la part d'un représentant de la personne morale agissant en son nom, la chambre de l'instruction a violé l'article 222-33-2 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Les moyens sont réunis.

Vu l'article 222-33-2 du code pénal :

11. Il résulte de ce texte qu'est constitutif de harcèlement moral le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

12. Pour infirmer l'ordonnance de non-lieu et dire n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef de harcèlement moral, l'arrêt attaqué énonce que la partie civile soutient dans ses trois mémoires déposés au greffe de la chambre de l'instruction qu'un certain nombre de comportements de Mme [L] [F] sont constitutifs du délit de harcèlement moral.

13. Les juges relèvent qu'il n'est pas contestable, au vu des documents médicaux fournis par la partie civile et de son expertise psychologique, que Mme [C] a vu sa santé mentale être altérée durablement.

14. Ils précisent que rien n'établit qu'au-delà du conflit de personnes qui opposait la plaignante et Mme [F], aient été commis des faits dépassant l'exercice normal des responsabilités de cette dernière et que des agissements répétés aient eu pour objet ou effet la dégradation de l'état de santé de la plaignante.

15. Ils précisent que les affirmations de cette dernière reliant son état de santé actuel à un harcèlement moral subi au travail sont insuffisantes à le démontrer, alors qu'une mésentente dégénérant en conflit de personnes est susceptible d'avoir des répercussions identiques sur l'état de santé.

16. Examinant la plainte à l'égard du centre hospitalier universitaire, les juges énoncent qu'en tant que personne morale, aucun élément ne permet de lui imputer un quelconque harcèlement moral.

17. Ils retiennent qu'il ressort des éléments du dossier que la direction de l'hôpital et celle de la commission médicale d'établissement ont cherché à résoudre le conflit existant entre les deux salariées, notamment en organisant une médiation, et que, s'agissant des conditions matérielles et humaines d'exercice des fonctions de Mme [C], à les supposer établies, elles ne peuvent être regardées comme révélant une intention de nuire à la partie civile de la part d'un représentant de la personne morale agissant en son nom.

18. En se déterminant par ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

19. En effet, en premier lieu, le délit de harcèlement moral n'exige pas pour être constitué que, d'une part, les agissements reprochés conduisent nécessairement à une dégradation des conditions de travail du salarié dès lors qu'il suffit que ces actes ou propos aient eu un tel objet, d'autre part, une telle dégradation aboutisse à une détérioration de l'état de santé du salarié dès lors qu'il suffit qu'elle soit susceptible d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

20. En second lieu, l'infraction reprochée n'impose pas un dol spécial, telle une intention de nuire, dès lors que l'élément moral se limite à la conscience de commettre un harcèlement moral et de contrevenir à la loi.

21. La cassation est, par conséquent, encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 18 janvier 2022 :

Le REJETTE ;

Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 7 novembre 2023 :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 22-83.263
Date de la décision : 11/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 11 mar. 2025, pourvoi n°22-83.263


Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.83.263
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