LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 mars 2025
Cassation
Mme SCHMIDT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 115 F-D
Pourvoi n° Y 23-22.331
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MARS 2025
M. [P] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-22.331 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2023 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de Covéa Risks,
2°/ à la société Hedios patrimoine, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de Covéa Risks,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [I], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Hedios patrimoine, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guillou, conseiller, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 12 septembre 2023), M. [I] a apporté à des sociétés en participation, créées au sein d'un programme de défiscalisation conçus par la société DOM-TOM défiscalisation (la société DTD) qui lui avait été présenté par la société Hedios patrimoine (la société Hedios), des fonds destinés à l'acquisition de centrales photovoltaïques, leur installation et leur location à des sociétés d'exploitation situées outre mer, puis a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu de l'année 2009, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt du fait de ces investissements.
2. L'administration fiscale ayant remis en cause ces réductions d'impôt, M. [I], soutenant que la société Hedios avait manqué à ses obligations, l'a assignée, ainsi que ses assureurs, les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD (les sociétés MMA), en réparation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [I] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées à l'encontre de la société Hedios et de ses assureurs, alors « que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu à l'égard de son potentiel client d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du produit qu'il lui propose ; que le conseil en gestion de patrimoine doit présenter à ses clients des informations leur permettant de comprendre raisonnablement la nature des services d'investissement qui leur sont proposés, ainsi que des risques afférents ; que, pour dire que la société Hedios Patrimoine justifiait s'être acquittée de son obligation d'information à l'égard de M. [I], la cour d'appel a retenu que l'information sur les caractéristiques de l'investissement avait été donnée à M. [I] dans le dossier de présentation établi par la société DTD, qui détaillait de façon précise le principe de l'opération, et qui précise la détermination de la réduction d'impôt, les conditions à remplir pour l'obtention de la réduction d'impôt, les avantages du montage à travers les SEP dont le fonctionnement était précisé en détail, et présente un schéma fiscal et financier de l'opération pour rendre plus clair le mécanisme compliqué mis en oeuvre en vue de répondre à la législation fiscale, et que, « dans l'avenant numéro 1 à la convention d'exploitation en commun, s'il était indiqué que l'objectif de DTD, avec les produits industriels et financiers qu'elle monte, était le risque zéro pour les investisseurs en défiscalisation qui désirent bénéficier des avantages fiscaux apportés par la loi Girardin-industriel, en mettant en avant différents éléments tenant notamment aux critères de sélection des exploitants, à une intégration verticale des différents opérateurs du groupe Lynx, à une délégation parfaite de paiement et à l'engagement pris par la société Lynx industrie, "en cas d'échec avec l'un des exploitants", de rembourser à la S.E.P. le montant de l'avantage fiscal consenti aux investisseurs et dans ce cas, sur demande de l'investisseur, l'avantage fiscal lui serait remboursé par la S.E.P., il n'était pas, pour autant, affirmé que l'investissement était sans aucun risque mais qu'elle limitait les risques pour les raisons qui étaient mises en avant. Les risques inhérents au placement proposé, tenant aux conditions de sa mise en oeuvre, y apparaissent puisqu'il est indiqué que l'octroi de la réduction d'impôt était subordonné à ce que les biens acquis soient donnés en location pendant une durée de cinq ans, que l'investissement des S.E.P. était fait auprès d'exploitants et que, conformément à la loi, le matériel financé devait être livré avant le 31 décembre de l'année fiscale » ; que la cour d'appel en a déduit que « l'information délivrée, si elle présente l'opération de façon favorable, n'apparaît pas trompeuse et était suffisamment claire et précise pour permettre aux investisseurs de connaître les mécanismes en jeu et de savoir que la réduction d'impôt était subordonnée à l'exploitation du matériel pendant cinq ans, ce qui supposait qu'il soit livré et en mis en état de fonctionner et donc relié au réseau » ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à établir que les informations fournies à l'investisseur faisaient clairement et loyalement état des risques de l'opération de défiscalisation, l'exposant soulignant en particulier que le dossier de présentation du produit DTD indiquait que « l'objectif de DTD, avec les produits financiers industriels qu'elle monte en SEP, est le risque zéro pour les investisseurs en défiscalisation qui désirent bénéficier des avantages fiscaux apportés par la loi Paul Girardin Industrielle », la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 (désormais 1103 et 1231-1) du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
5. Il résulte de ce texte que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu, à l'égard de l'investisseur, d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, de l'opération proposée, ainsi que sur les risques qui lui sont associés.
6. Pour rejeter toute responsabilité de la société Hedios au titre de la commercialisation du produit DTD, l'arrêt relève que celle-ci a présenté à M. [I] un dossier de souscription l'informant du mécanisme consistant pour la société DTD à acquérir pour le compte de SEP du matériel photovoltaïque neuf destiné à être loué pendant cinq années, que l'investissement des SEP était fait auprès d'exploitants, que le matériel financé devait être livré avant le 31 décembre de l'année fiscale et que si l'information délivrée présentait l'opération de façon favorable, elle n'apparaissait pas trompeuse et était suffisamment claire et précise pour permettre aux investisseurs de connaître les mécanismes en jeu.
7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que les informations fournies faisaient clairement et complètement état des risques des opérations de défiscalisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Hedios et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Hedios et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD et les condamne in solidum à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.