N° G 24-81.132 F-D
N° 00260
GM
5 MARS 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 MARS 2025
M. [I] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 24 janvier 2024, qui, pour blanchiment, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, 25 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de séjour et une confiscation.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la société Zribi et Texier, avocat de M. [I] [W], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [I] [W] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de blanchiment commis de façon habituelle de biens ou fonds provenant d'un délit de fraude fiscale.
3. Les juges du premier degré l'ont condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 euros d'amende dont 25 000 euros avec sursis, cinq ans d'interdiction de séjour et une confiscation.
4. M. [W] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a à titre de peine complémentaire, ordonné la confiscation des sommes d'argent saisies et du véhicule de marque Porsche Macan Type Cayenne S immatriculé [Immatriculation 1] avec exécution provisoire, alors « que la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la cour d'appel, après avoir déclaré M. [W] coupable du délit de blanchiment par dissimulation ou conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, a ordonné la confiscation « des sommes d'argent saisies et du véhicule de marque Porsche Macan Type Cayenne S immatriculé [Immatriculation 1] avec exécution provisoire », aux motifs réputés adoptés, pour le véhicule, que « la confiscation du véhicule Porsche saisi à son domicile, véhicule dont l'acquisition n'a pu s'envisager qu'avec les sommes blanchies au Casino et qui apparaît donc comme un produit de l'infraction de blanchiment » devait être ordonnée et, sur les sommes saisies, que « de la même façon, il y a lieu de prononcer la confiscation des 14.000 € saisis lors de l'enquête étant observé que le tribunal ne se laissera pas abuser par la manuvre grossière réalisée par le prévenu le lendemain de sa garde à vue ayant consisté à virer cette somme de son compte personnel sur l'un de ses comptes professionnels pour manifestement le faire échapper à la saisie » ; qu'elle s'est bornée à ajouter, par motifs propres, que ceux-ci étaient les « produits incontestables de l'infraction de blanchiment » ; qu'en statuant ainsi par des motifs insuffisants à établir que le véhicule et les sommes saisies sur le compte bancaire de M. [W] étaient le produit direct ou indirect de l'infraction retenue à son encontre, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-21 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
7. Selon le premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. La confiscation porte alors sur les biens qui ont servi à commettre l'infraction, ou étaient destinés à la commettre, et sur ceux qui sont l'objet ou le produit de l'infraction, et ne peuvent être restitués. Si la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné.
8. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. L'arrêt attaqué énonce qu'il confirme la confiscation du véhicule Porsche saisi au domicile de M. [W] et de la somme de 14 000 euros saisie lors de l'enquête, produits incontestables de l'infraction de blanchiment.
10. En prononçant ainsi, alors que les fonds blanchis, qui sont le produit de l'infraction d'origine, ne peuvent être le produit du blanchiment mais seulement son objet, les juges, qui n'ont pas établi que les biens saisis étaient le produit direct ou indirect de l'infraction, n'ont pas justifié leur décision.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquence de la cassation
12. La cassation s'étendra à toutes les peines. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les quatrième et cinquième moyens de cassation proposés.
13. Les dispositions sur la culpabilité n'encourent pas la censure.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 24 janvier 2024, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Chambéry, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.