LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 mars 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 147 F-D
Pourvoi n° Z 22-24.122
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2025
Mme [G] [T], divorcée [H], domiciliée [Adresse 2] (Allemagne), a formé le pourvoi n° Z 22-24.122 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2022 par la cour d'appel de Chambéry (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [O] [H], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vanoni-Thiery, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de Mme [T], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [H], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Vanoni-Thiery, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 mars 2022), un jugement du 13 janvier 2020 a prononcé le divorce de Mme [T] et de M. [H].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. Mme [T] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une prestation compensatoire, alors « que la disparité que crée la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux s'apprécie en tenant compte, notamment, de leur situation prévisible en matière de pensions de retraite, après prise en considération, le cas échéant, des choix faits par l'un des époux pour favoriser la carrière de son conjoint ; qu'en refusant de prendre en considération les sacrifices professionnels consentis par l'épouse ayant une incidence sur le montant de sa pension de retraite future, au motif que n'était pas rapportée la preuve d'une disparité actuelle dans les conditions respectives de vie des époux, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil. »Réponse de la Cour
Vu les articles 270 et 271 du code civil :
3. Selon le premier de ces textes, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.
4. Selon le second, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. A cet effet, le juge prend en considération, notamment, la situation respective de chacun des époux en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les conséquences des choix professionnels faits par lui pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne.
5. Pour rejeter la demande de Mme [T] en paiement d'une prestation compensatoire, l'arrêt retient qu'il n'existe pas de disparité dans la situation des époux créée par la rupture du mariage, leurs revenus et charges étant quasi équivalents, et ajoute que les éléments relatifs aux sacrifices qu'aurait consentis l'épouse au cours de la vie maritale et qui auraient une incidence sur le montant de sa pension de retraite future ne sont à prendre en compte, au regard de l'article 271 du code civil, qu'au stade de la fixation du montant de la prestation compensatoire, ce qui suppose la démonstration préalable d'une disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage, dont la preuve n'est en l'espèce pas rapportée.
6. En statuant ainsi, alors que, pour apprécier la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties, il devait être tenu compte des droits prévisibles à la retraite de Mme [T], la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de prestation compensatoire formée par Mme [T], et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.