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26/02/2025 | FRANCE | N°23-11.440

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 26 février 2025, 23-11.440


COMM.

JB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 février 2025




Cassation partielle


M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 104 F-D

Pourvoi n° K 23-11.440




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 FÉVRIER

2025

1°/ la société Fougasse Tp, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ Mme [M] [G], agissant en qualité de liquidateur de la société Fo...

COMM.

JB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 février 2025




Cassation partielle


M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 104 F-D

Pourvoi n° K 23-11.440




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 FÉVRIER 2025

1°/ la société Fougasse Tp, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ Mme [M] [G], agissant en qualité de liquidateur de la société Fougasse Tp, domiciliée [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° K 23-11.440 contre les arrêts rendus le 13 avril et 30 novembre 2022, rectifié le 22 mars 2023, par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 4e chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Trébuchon matériel et services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Fougasse Tp et de Mme [G], ès qualités, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Nîmes, 13 avril et 30 novembre 2022, rectifié le 22 mars 2023), par contrat du 30 décembre 2005, conclu pour une durée de quatre ans, la société Trébuchon matériel et services (la société TMS) a donné en location à la société Fougasse Tp (la société Fougasse) du matériel de travaux publics. Le même jour, la société Fougasse donnait à bail à la société TMS une partie de ses locaux, moyennant le versement d'un loyer annuel de 14 635 euros HT et l'engagement de cette dernière à prendre à sa charge la taxe foncière au prorata de la surface occupée.

2. Le 9 octobre 2008, invoquant des factures de location de matériel restées impayées, la société TMS a assigné la société Fougasse en paiement.

3. Un jugement du 29 avril 2009 a prononcé la résiliation du contrat de location de matériel à la date du 7 juillet 2008 et, avant dire-droit sur la demande en paiement, ordonné une mesure d'expertise.

4. Le 6 mars 2023, la société Fougasse a été mise en liquidation judiciaire, Mme [G] étant désignée liquidateur.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen du pourvoi, pris en sa deuxième branche, et sur le moyen du pourvoi additionnel

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi

Enoncé du moyen

6. Mme [G], en qualité de liquidateur de la société Fougasse, fait grief à l'arrêt du 30 novembre 2022 de déclarer recevable la demande de la société TMS en paiement d'une indemnité d'occupation pour la période postérieure à la résiliation du bail et de la condamner à payer à cette dernière une indemnité de 134 646,82 euros, du fait de la jouissance du matériel pendant la période du 31 juillet 2008 au 30 janvier 2009, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt infirmatif, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 908 à 910 du code de procédure civile, l'ensemble de leurs prétentions au fond, de sorte qu'une partie est irrecevable à solliciter, pour la première fois, dans les conclusions signifiées ultérieurement à celles mentionnées aux articles 908 à 910, la condamnation de la partie adverse à lui verser des indemnités d'occupation sur le fondement de la responsabilité délictuelle en lieu et place des loyers précédemment sollicités pour la période postérieure à la résiliation du bail, quand bien même ces deux prétentions auraient la même finalité, sauf à ce que cette demande soit destinée à répliquer aux conclusions adverses ou à faire juger une question née, postérieurement aux premières conclusions, de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en retenant, pour déclarer recevable la demande de la société TMS en paiement d'une indemnité d'occupation pour la période postérieure à la résiliation du bail, qu'elle avait reconnu, dans ses dernières conclusions déposées devant la cour d'appel, que, s'agissant de la période postérieure à la résiliation du contrat au 7 juillet 2008, le preneur n'était susceptible d'être redevable que d'indemnités d'occupation et non de loyers impayés, qu'elle avait néanmoins, pour cette période, substitué à sa demande initiale en paiement de loyers fondée sur le contrat de bail une demande en paiement d'indemnité d'occupation reposant sur la responsabilité délictuelle du preneur et que cette demande n'était pas nouvelle ou avait, à tout le moins, la même finalité que la demande en paiement de loyers présentée en première instance, sans avoir vérifié, fût-ce d'office, si la société TMS avait présenté cette demande en paiement d'indemnité d'occupation, distincte de sa demande en paiement de loyers, dès ses conclusions mentionnées aux articles 908 à 910 du code de procédure civile, ou si cette demande était destinée à répliquer aux conclusions adverses ou à faire juger une question née, postérieurement aux premières conclusions, de la survenance ou de la révélation d'un fait, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs et violé l'article 910-4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article 910-4, alinéa 1er, du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

8. En application de l'article 954, alinéas 1er et 3, du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

9. Il en résulte que le respect des diligences imparties par l'article 910-4 du code de procédure civile s'appréciant en considération des prescriptions de l'article 954 du même code, l'article 910-4 ne fait pas obstacle à la présentation d'un moyen nouveau dans des conclusions postérieures à celles remises au greffe dans les délais impartis par les articles 908 à 910 et 905-2 dudit code.

10. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

Mme [G], en qualité de liquidateur de la société Fougasse, fait grief à l'arrêt du 30 novembre 2022 de la condamner à payer à la société TMS la somme de 270 934,90 euros TTC au titre des loyers échus au 30 juin 2008, outre les intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2008 et une indemnité de 134 646,82 euros, du fait de la jouissance du matériel pendant la période du 31 juillet 2008 au 30 janvier 2009, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'indemnité d'occupation et le loyer ne sont pas de même nature et ne sont pas soumis au même régime juridique et fiscal, l'indemnité d'occupation, à la différence du loyer qui est le prix du bail contractuellement fixé, ayant vocation à compenser le préjudice causé au bailleur par un occupant sans titre et n'étant jamais soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et aux intérêts moratoires de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige ; qu'en se bornant à retenir, pour décider que les loyers échus et impayés au 30 juin 2008 s'élevaient à 288 525,75 euros TTC et condamner la société Fougasse à verser à la société TMS à ce titre la somme de 270 934,90 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2008, après déduction du montant des locations externes auxquelles la société Fougasse avait été contrainte de recourir pendant la durée du bail, que l'expert judiciaire avait déduit des sommes dues arrêtées à 502 560,80 euros TTC au 30 janvier 2009, les acomptes de 52 997,45 euros, versés en août et décembre (en réalité, septembre) 2008 par la société Fougasse, après avoir dit que les sommes dues jusqu'au 30 juin 2008 constituaient des loyers soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'article 1153 du code civil et les sommes dues postérieurement à cette date constituaient des indemnités d'occupation non soumis à cette taxe et à l'article 1153 du code civil, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si ces acomptes versés en août et septembre 2008 constituaient le paiement de loyers et avaient été déduits des loyers dus toutes taxes comprises au 30 juin 2008 ou s'ils constituaient le paiement d'indemnités d'occupation dues hors taxe au titre de la période postérieure au 30 juin 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ainsi qu'au regard des articles 1709 et 1728 du même code ;

3°/ que toute contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, pour juger qu'il n'était pas établi que la non réalisation du chiffre d'affaires prévu contractuellement était imputable au bailleur et qu'il n'y avait donc pas lieu d'écarter la facture de ce dernier à hauteur de 43 521,30 euros TTC, que l'expert judiciaire n'avait pas relevé de taux d'indisponibilité du matériel du bailleur, supérieur à celui auquel se trouve inévitablement confrontée toute entreprise de location normalement diligente et que le locataire n'avait pas justifié d'une commande non honorée par le bailleur, tout en relevant que le bailleur ne justifiait pas avoir procédé à la réparation de la pelle mécanique P95 dont le dysfonctionnement avait été dénoncé par écrit dès le 25 avril 2007, qu'il ne démontrait pas non plus avoir mis un matériel de remplacement à la disposition du preneur qui a indiqué le 17 janvier 2008 qu'il ne louait plus cette machine du fait qu'elle ne remplissait pas ses obligations, qu'il n'était pas non plus rapporté la preuve du remplacement des autres engins immobilisés et que la société Fougasse Tp avait été contrainte de louer du matériel à l'extérieur, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. D'une part, en déduisant les acomptes d'un montant total de 52 997,45 euros de la somme de 214 035,05 euros, correspondant aux indemnités d'occupation, et non de celle de 288 525,75 euros, représentant le solde des loyers impayés, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise visée à la première branche du moyen.

12. D'autre part, la cour d'appel, qui aurait réparé deux fois le préjudice subi par la société Fougasse du fait de la carence de la société TMS dans la réparation ou le remplacement des matériels qu'elle louait, si elle avait condamné la société TMS à verser à la société Fougasse la somme de 17 590,85 euros, correspondant au montant des locations externes, effectuées par cette dernière auprès de tiers afin de pallier l'immobilisation de ces matériels, et à la fois rejeté à concurrence de ce même montant, la demande de la société TMS au titre du chiffre d'affaires auquel la société Fougasse s'était contractuellement engagée et qu'elle n'avait pas atteint, ne s'est pas contredite en statuant comme elle a fait.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais, sur le deuxième moyen du pourvoi

Enoncé du moyen

14. Mme [G], en qualité de liquidateur de la société Fougasse, fait grief à l'arrêt du 30 novembre 2022 de déclarer irrecevable sa demande en compensation de la somme de 17 171,54 euros au titre de la sous-location d'une partie des locaux à la société TMS et de la condamner à payer à cette dernière la somme de 270 934,90 euros TTC au titre des loyers échus au 30 juin 2008, outre les intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2008, alors « que le bénéfice de la compensation légale qui s'opère de plein droit par la seule force de la loi peut être invoqué à tout moment ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de la société Fougasse en compensation de la somme de 17 171,54 euros au titre d'une sous-location d'une partie des locaux à la société TMS, que cette demande portait sur des factures de décembre 2007 à juin 2008 et que ce n'est que postérieurement au dépôt du rapport d'expertise du 28 janvier 2016 que le preneur avait fait état d'une créance de 93 596,67 euros au titre de la sous-location d'une partie de ses locaux, de sorte que sa demande en paiement était irrecevable comme prescrite, pour avoir été introduite plus de cinq années après l'émission des factures litigieuses de décembre 2007 à juin 2008, la cour d'appel a violé l'article 1290 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1290 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

15. Selon ce texte, la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs. Les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à due concurrence de leurs quotités respectives.

16. Il s'ensuit que le bénéfice de la compensation légale peut être invoqué à tout moment.

17. Pour déclarer prescrite la demande de la société Fougasse en compensation des créances de la société TMS avec les factures qu'elle-même a émises entre décembre 2007 et juin 2008 au titre de la sous-location d'une partie de ses locaux à la société TMS, la cour d'appel relève que cette demande a été formée plus de cinq années après l'émission de ces factures.

18. En statuant ainsi, alors que la compensation, qui s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs, peut être invoquée à tout moment par l'un d'eux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société TMS aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi additionnel formé contre l'arrêt rendu le 13 avril 2022 par la cour d'appel de Nîmes ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de la société Fougasse Tp en compensation de la somme de 17 171,54 euros au titre de la sous-location d'une partie des locaux à la société Trébuchon matériel et services et en ce qu'il condamne en conséquence la société Fougasse Tp à payer à la société Trébuchon matériel et services la somme de 270 934,90 euros TTC au titre des loyers échus au 30 juin 2008, outre intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2008, l'arrêt rendu le 30 novembre 2022, rectifié le 22 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Trébuchon matériel et services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Trébuchon matériel et services à payer à Mme [G], en qualité de liquidateur de la société Fougasse Tp, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-11.440
Date de la décision : 26/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 26 fév. 2025, pourvoi n°23-11.440


Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.11.440
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