LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 février 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 112 F-D
Pourvoi n° F 16-19.964
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 FÉVRIER 2025
1°/ M. [S] [F],
2°/ Mme [P] [J], épouse [F],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
3°/ Mme [T] [G] domiciliée [Adresse 3], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [S] [F],
ont formé le pourvoi n° F 16-19.964 contre l'arrêt rendu le 3 mai 2016 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Thirel solutions, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme [F] et de Mme [G] ès qualités, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Thirel solutions, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mme [G], agissant en sa qualité de liquidateur
judiciaire de M. [F], et à Mme [F] de leur reprise d'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 3 mai 2016), le 9 juillet 2003, M. et Mme [F] et Mme [R] se sont portés caution d'un prêt consenti à la société Le Rideau rouge (la société).
3. Après avoir acquitté le solde du prêt, Mme [R] a obtenu par un jugement du 21 juin 2007, confirmé par un arrêt devenu irrévocable du 18 septembre 2008, la condamnation de M. et Mme [F] à lui payer chacun la somme de 31 790,44 euros, outre les intérêts au taux légal.
4. M. et Mme [F] ont, ensuite, assigné la société, représentée par son avocat M. Thirel, membre de la société d'avocats Thirel Solutions, en paiement de la somme totale de 31 790,44 euros, outre les intérêts au taux légal. Un jugement du 3 avril 2009, assorti de l'exécution provisoire, a accueilli leur demande.
5. En mai 2009, la société a cédé son fonds de commerce au prix de 160 000 euros, somme séquestrée, et procédé à sa dissolution amiable.
6. Le 17 juin 2009, M. et Mme [F], se fondant sur le jugement du 3 avril 2009, ont dénoncé au séquestre, la société Thirel Solutions (le séquestre), une opposition au paiement du prix à hauteur de la somme de 47 516,52 euros, correspondant au principal de 31 790,44 euros, outre les intérêts et frais.
7. Le 10 novembre 2009, le séquestre a réglé au conseil de M. et Mme [F] la somme de 24 190,46 euros correspondant à la somme réclamée après compensation avec une somme que ces derniers devaient à la société.
8. Le 9 décembre 2009, la liquidation de la société a été clôturée de manière définitive.
9. Un arrêt du 16 septembre 2010 a infirmé le jugement du 3 avril 2009 et, statuant sur l'appel incident de M. et Mme [F], a condamné la société à payer à chacun d'eux la somme de 31 790,44 euros, outre les intérêts au taux légal.
10. Invoquant le dessaisissement fautif des fonds par le séquestre, M. et Mme [F] l'ont assigné en responsabilité civile professionnelle.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
11. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que tant qu'il subsiste un litige entre le vendeur du fonds de commerce et l'un de ses créanciers et qu'une décision définitive n'est pas intervenue, le séquestre conventionnel du prix de vente de ce fonds ne peut se dessaisir du reliquat de la somme séquestrée sans l'accord de toutes les personnes ayant un intérêt sur la chose séquestrée et dont le séquestre a été informé des revendications, sauf s'il justifie d'une cause légitime ; que la cour d'appel en se fondant, pour écarter la responsabilité du séquestre, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles les époux [F], qui avaient obtenu gain de cause en première instance, n'avaient formé opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce entre les mains du séquestre que pour obtenir le paiement des causes du jugement de première instance, paiement qui avait été effectué par le séquestre, et n'avaient formé appel incident pour solliciter le double de la condamnation de première instance qu'à la suite du dessaisissement des fonds, autant de circonstances qui ne permettaient pas de caractériser l'existence d'une cause légitime permettant, en l'absence du consentement de toutes les parties intéressées à la contestation, l'extinction prématurée du séquestre avant la fin du procès, a violé l'article 1960 du code civil. »
Réponse de la Cour
12. Aux termes de l'article 1960 du code civil, le dépositaire chargé du séquestre ne peut être déchargé avant la contestation terminée, que du consentement de toutes les parties intéressées, ou pour une cause jugée légitime.
13. La cour d'appel a constaté que l'opposition formée le 17 juin 2009 par M. et Mme [F] se référait expressément au seul jugement du 3 avril 2009, que le paiement effectué par le séquestre au profit de M. et Mme [F] était accompagné d'une lettre précisant qu'il était fait sous réserve de la procédure en cours, sur le seul appel à cette date de la société, que ce n'était qu'en appel, par conclusions du 3 mai 2010, que M. et Mme [F] avaient porté leur demande d'indemnisation à deux fois 31 790,44 euros, par référence expresse au jugement du 21 juin 2007 confirmé en septembre 2008 et que l'arrêt du 16 septembre 2010 avait fait droit à leur demande.
14. Elle a pu en déduire que, dès lors que la contestation se limitait à la somme que la société avait été condamnée à payer à M. et Mme [F] par le jugement du 3 avril 2009, le séquestre avait pu se libérer du reliquat de la somme séquestrée sans être tenu de solliciter leur accord ni de justifier d'une cause légitime.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [G], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [F], et Mme [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.