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12/02/2025 | FRANCE | N°24-86.489

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 12 février 2025, 24-86.489


N° F 24-86.489 F-D

N° 00348


GM
12 FÉVRIER 2025


REJET
CASSATION PARTIELLE



M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025


M. [V] [E], et MM. [U] [M], [N] [J], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel

de Metz, en date du 17 octobre 2024, qui a renvoyé, le premier, devant le tribunal correctionnel sous les préventions d'exercice des fonctions de commissair...

N° F 24-86.489 F-D

N° 00348


GM
12 FÉVRIER 2025


REJET
CASSATION PARTIELLE



M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025


M. [V] [E], et MM. [U] [M], [N] [J], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, en date du 17 octobre 2024, qui a renvoyé, le premier, devant le tribunal correctionnel sous les préventions d'exercice des fonctions de commissaire aux comptes dans une situation de conflit d'intérêts susceptible de compromettre son indépendance et dans une situation
d'auto-révision.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [V] [E], les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de MM. [U] [M] et [N] [J], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [O] [C], [F] [I], [W] [G] et [R] [S], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [1], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. MM. [U] [M] et [N] [J], médecins radiothérapeutes, ont dénoncé les agissements de M. [W] [G], également médecin et leur associé dans la société [3] ([3]), ayant identifié des flux financiers suspects entre celle-ci et diverses autres sociétés pouvant caractériser un abus des biens de leur société au profit d'autres structures, portant sur des paiements sur-facturés pour l'acquisition et la maintenance de logiciels professionnels dénommés [7] et [6].

3. Le 7 avril 2016, le procureur de la République a ouvert une information contre personne non dénommée des chefs d'abus de biens sociaux, recel d'abus de biens sociaux, faux et usage de faux, blanchiment aggravé. La saisine a ensuite été étendue par réquisitoire supplétif du 13 janvier 2020, sur dénonciation du [5] ([5]), des chefs de non-dénonciation de délits et communication d'informations mensongères par un commissaire aux comptes à l'égard de M. [V] [E] et de la société [2], et, par réquisitoire du 7 juillet 2021 à l'égard de M. [R] [S], avocat, devenu le conseil du [3], pour complicité d'abus de biens sociaux, faux et usage, blanchiment de fraude fiscale.

4. Par ordonnance en date du 23 août 2023, le juge d'instruction a ordonné un non-lieu général à l'égard de MM. [O] [C], [F] [I], [G] et [S] et un non-lieu partiel à l'égard de M. [E] et la société [2], ces derniers étant renvoyés devant le tribunal correctionnel sous les préventions d'exercice des fonctions de commissaire aux comptes dans une situation de conflit d'intérêts susceptible de compromettre leur indépendance et dans une situation d'auto-révision.

5. MM. [M] et [J] ont relevé appel de cette ordonnance.





Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches, les troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens, proposés pour MM. [M] et [J] et sur le moyen, pris en ses deux premières branches, proposé pour M. [E]

6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, proposé pour MM. [M] et [J]

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre contre MM. [C], [G], [S] et [I] des chefs des faits d'abus de biens sociaux et de complicité d'abus de biens sociaux pour lesquels ils ont été mis en examen et des faits de faux et usage de faux pour lesquels MM. [C] et [G] ont été mis en examen, alors que :

« 4°/ que constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; qu'en prononçant un non-lieu pour les faits de faux et usage de faux, après avoir pourtant constaté que les prestations de maintenance facturées par [8] au [3] étaient en réalité réalisées par [4], de sorte que ces factures et le contrat conclu le 30 juillet 2012 étaient des faux, et en se référant au contrat ultérieurement conclu le 2 octobre 2016 entre [8] et [4] pour exclure que le contrat du 30 juillet 2012 fût un faux, alors que la convention du 2 octobre 2016 était postérieure à la période des faits reprochés à MM. [G], [C] et [S], la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 4411 du code pénal. »

Réponse de la Cour

8. Pour confirmer le non-lieu ordonné au bénéfice de MM. [C] et [G] par le juge d'instruction des chefs de faux et usage, l'arrêt attaqué énonce que la qualification développée ne comporte aucune précision des documents qui auraient été falsifiés et dont il aurait été fait usage, le réquisitoire définitif visant la procédure établie par le service régional de police judiciaire portant sur des faits d'abus de confiance.


9. Les juges précisent que les faits visés à l'égard de M. [C] mentionnent leur commission sur le territoire du Grand duché du Luxembourg, pays dans lequel aucune investigation n'a été diligentée.

10. Ils ajoutent que l'instruction n'a pas établi à leur encontre et à l'encontre de M. [S], mis en examen du chef de complicité de ces délits, de charges suffisantes d'avoir commis les infractions de faux et usage qui leur sont reprochées.

11. Ils en déduisent que le non-lieu général ordonné de ce chef par le juge d'instruction doit être confirmé.

12. En se déterminant ainsi, par des motifs tirés de son appréciation souveraine des faits, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

13. Ainsi, le grief ne saurait être accueilli.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour M. [E]

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté l'irrecevabilité de la demande de nullité soulevée par M. [E], a dit n'y avoir lieu à examen des charges retenues contre ce dernier et rappelé que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel était définitive, alors que :

« 3°/ que l'article 202 du code de procédure pénale permet à la chambre de l'instruction, et sans que sa saisine puisse être limitée par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer d'office, à l'égard de la personne mise en examen renvoyée devant elle, sur tous les chefs de crimes, délits principaux ou connexes, résultant de la procédure et, notamment, sur ceux qui, comme en l'espèce, en avaient été distraits par une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ; qu'en affirmant que « la chambre de l'instruction saisie de l'appel de la partie civile contre une ordonnance de non-lieu partiel, comprise dans une ordonnance de règlement à caractère mixte portant également renvoi d'un mis en examen devant le tribunal correctionnel pour certains chefs de poursuite, n'est pas saisie des dispositions de l'ordonnance portant ce renvoi au sens de l'article 206 » et n'a « pas compétence pour examiner les charges ayant amené le juge d'instruction à ordonner le renvoi de M. [E] pour les deux infractions qui lui étaient reprochées », la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de sa saisine et les textes visés au moyen, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, l'appel interjeté par les parties civiles de l'ordonnance de non-lieu, l'ayant saisie de l'entier dossier, y compris des délits résultant de la procédure qui avaient été distraits par une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

15. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

16. Pour dire n'y avoir lieu à examen des charges retenues contre M. [E] et juger que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est définitive à son égard, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il résulte de la combinaison des articles 186 et 206 du code de procédure pénale que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel de la partie civile contre une ordonnance de non-lieu partiel comprise dans une ordonnance de règlement à caractère mixte portant également renvoi d'une personne mise en examen devant le tribunal correctionnel pour certains chefs de poursuite, n'est pas saisie des dispositions de l'ordonnance portant renvoi.

17. Les juges en déduisent qu'étant saisis du seul appel des parties civiles du non-lieu partiel ordonné par le juge d'instruction, ils n'ont pas compétence pour examiner les charges ayant conduit le juge d'instruction à ordonner le renvoi de M. [E] et de la société [1] devant le tribunal correctionnel.

18. En prononçant ainsi, alors que l'article 202 du code de procédure pénale donne pouvoir à la chambre de l'instruction, saisie du seul appel de la partie civile, et sans que sa saisine soit limitée par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer d'office à l'égard de la personne mise en examen renvoyée devant elle, sur tous les chefs de crimes, délits principaux ou connexes, résultant de la procédure, la chambre de l‘instruction, qui a méconnu l'étendue de sa saisine, n'a pas justifié sa décision.

19. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

20. Pour une bonne administration de la justice et par application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, la cassation aura effet à l'égard de la société [1] qui ne s'est pas pourvue.

21. La cassation à intervenir porte, en conséquence, sur les dispositions ayant dit n'y avoir lieu à examen des charges retenues contre M. [E] et la société [1] et ayant rappelé que l'ordonnance du 23 août 2023 est définitive en ce qu'elle a ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel de M. [E] et de la société [1] pour les infractions qu'elle énonce, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés par MM. [M] et [J] :

Les REJETTE ;

Sur le pourvoi formé par M. [E] :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, en date du 17 octobre 2024, mais en ses seules dispositions ayant dit n'y avoir lieu à examen des charges retenues contre M. [E] et ayant rappelé que l'ordonnance du 23 août 2023 est définitive en ce qu'elle a ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel de M. [E] pour les infractions qu'elle énonce, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT que la cassation aura effet à l'égard de la société [1] ;

RENVOIE la cause et les parties, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, devant la chambre de l'instruction de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-86.489
Date de la décision : 12/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 12 fév. 2025, pourvoi n°24-86.489


Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.86.489
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