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12/02/2025 | FRANCE | N°24-86.470

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 12 février 2025, 24-86.470


N° K 24-86.470 F-D

N° 00359


GM
12 FÉVRIER 2025


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025



La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 563 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 août 2024, q

ui, dans l'information suivie des chefs d'association de malfaiteurs et blanchiment aggravé, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance de saisie pénale rendue...

N° K 24-86.470 F-D

N° 00359


GM
12 FÉVRIER 2025


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025



La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 563 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 août 2024, qui, dans l'information suivie des chefs d'association de malfaiteurs et blanchiment aggravé, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [2], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance de saisie de bien meuble corporel dans un Etat membre de l'Union européenne du 18 octobre 2023, notifiée le 25 octobre suivant, le juge d'instruction a ordonné la saisie à [Localité 1] (Italie) du navire Stefania, propriété de la société [2], sise aux Iles Caïmans.

3. Le 24 janvier 2024, la société [2] a relevé appel de la décision.

Examen des moyens

Sur le deuxième et le troisième moyens

Enoncé des moyens

4. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable comme tardif l'appel de la société [2] de l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction, alors :

« 1°/ qu'il est dérogé aux prescriptions légales relatives aux délais d'appel lorsque l'appelant démontre l'existence d'un obstacle de nature à le mettre dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile ; qu'en retenant que « l'argumentaire développé par la société [2] sur le mode de délivrance des courriers aux Iles Caïmans est inopérant et en tout état de cause ne peut caractériser une circonstance ayant mis la partie concernée dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile », sans mieux s'expliquer sur les éléments produits par l'exposante, et notamment sur les déclarations du responsable clientèle du service postal des Iles Caïmans indiquant que son service n'avait pas pu notifier la lettre recommandée à son destinataire « en raison du manque de numéro de boîte postale », la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale, 593 du même code, ensemble l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'en retenant que « le délai d'appel courait jusqu'au
4 novembre 2023 », tout en constatant que la lettre recommandée de notification de l'ordonnance de saisie était arrivée aux Iles Caïmans pour être remise à la société [2], « le 14 novembre 2023 », date laquelle le délai d'appel était déjà expiré, ce dont il résulte que cette dernière s'est nécessairement trouvée confrontée à un obstacle de nature à la mettre dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation des articles 706-141 et suivants et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

5. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable comme tardif son appel de l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction, alors « qu'en se prononçant sans répondre au mémoire de la société appelante qui sollicitait un supplément d'information afin d'interroger de nouveau le service postal des Iles Caïmans en vue s'assurer que la lettre recommandée de notification de l'ordonnance de saisie expédiée par le greffe comportait les mentions nécessaires à sa bonne délivrance à la société exposante, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 201 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

6. Les moyens sont réunis.

7. Pour rejeter le moyen tiré de l'existence d'un obstacle insurmontable ayant mis la société demanderesse dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile et juger l'appel irrecevable, l'arrêt attaqué indique que le délai d'appel courait jusqu'au 4 novembre 2023 et qu'il peut être prorogé lorsqu'un obstacle insurmontable a mis la partie concernée dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile.

8. Les juges rappellent l'argumentation de l'appelante, selon laquelle la notification de l'ordonnance n'aurait pas été faite au siège social de la société, l'adresse de délivrance de la lettre recommandée ne comportant pas l'adresse de la boîte postale de la société [2] aux
Iles Caïmans qui seule permettait la remise de l'acte, de sorte qu'elle n'aurait jamais eu connaissance de la notification et que ce fait constituerait une circonstance insurmontable de nature à proroger le délai de recours.

9. Ils relèvent que l'ordonnance déférée a été régulièrement notifiée à l'adresse déclarée de la société [2] telle que figurant sur le certificat d'immatriculation du yacht Stefania présent en procédure, lequel constitue un document officiel établi sur la base d'indications qui ont été dûment fournies par la société elle-même à l'organisme chargé d'établir ledit certificat, et qu'il s'agit de la seule domiciliation connue de cette société.

10. Ils observent que cette adresse est supposée être l'adresse exacte de la société et qu'il est justifié de l'acheminement de la lettre recommandée avec accusé de réception de la France vers les Iles Caïmans et de l'arrivée de cette lettre au point de livraison le 14 novembre 2023 à 15 heures 27.

11. Ils ajoutent que le juge d'instruction a par ailleurs communiqué un avis du service postal des Iles Caïmans mentionnant que la lettre recommandée était non réclamée, mais que d'autres rubriques auraient pu être cochées si l'argumentation de l'appelante était valide, et que la case adresse insuffisante ou inexistante aurait dû l'être si l'adresse de la société était incomplète comme il est soutenu.

12. Ils concluent que l'argumentaire développé par la société [2] sur le mode de délivrance des courriers aux Iles Caïmans est inopérant et en tout état de cause ne peut caractériser une circonstance ayant mis la partie concernée dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation.

13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

14. En effet, dès lors qu'elle était saisie d'un moyen tirant l'existence d'un obstacle insurmontable à l'exercice d'un recours en temps utile de l'absence d'indication d'une boîte postale dans l'adresse de la société destinataire du courrier recommandé de notification de l'ordonnance de saisie et qu'elle l'a écarté, après s'être assurée de l'exactitude de l'adresse à laquelle la lettre recommandée de notification a été adressée, par des motifs dont il résulte que cette circonstance n'était pas indépendante de la volonté de ladite société, le surplus des énonciations de l'arrêt présente un caractère surabondant.

15. En outre, l'appel étant dirigé contre une ordonnance du juge d'instruction prise sur le fondement du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation, en ce qu'elle porte sur un bien meuble corporel confiscable comme étant susceptible d'être l'objet ou le produit du délit de blanchiment aggravé objet de l'information, qui a la nature dans l'ordre juridique interne d'un acte d'instruction prévu par l'article 97 du code de procédure pénale et dont la régularité ne peut par conséquent être contestée que selon la procédure prévue par les articles 173 et suivants du code de procédure pénale, il est irrecevable.

16. Enfin, aucune précision n'étant apportée par la demanderesse sur les raisons qui rendaient nécessaire une seconde interrogation du service postal des Iles Caïmans, il ne saurait être reproché à la chambre de l'instruction de n'avoir pas répondu à la demande de supplément d'information formulée en ce sens.

17. Ainsi, les moyens doivent être écartés.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il déclaré irrecevable comme tardif l'appel de la société [2] de l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction, alors « que la juridiction qui statue sur le recours du tiers appelant d'une ordonnance de saisie est tenue de s'assurer que le requérant a eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie et, le cas échéant, aux pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle se fonde dans ses motifs décisoires, et les mentions de l'arrêt doivent identifier, directement ou par renvoi à un inventaire éventuellement dressé par le procureur général, chacune des pièces mises à la disposition de l'avocat du tiers propriétaire ; qu'en se prononçant sans que les mentions de l'arrêt ne permettent de s'assurer, ni directement ni par renvoi à un inventaire dressé par le procureur général, que la société requérante a pu avoir accès aux réquisitions aux fins de saisie et à l'ordonnance de saisie du yacht Stefania, la chambre de l'instruction n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision au regard des articles 706-141 et suivant du code de procédure pénale, 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et 6 de ladite Convention. »

Réponse de la Cour

19. L'arrêt mentionne que conformément aux dispositions des articles 194, 197 et 803-1 du code de procédure pénale, le procureur général a déposé le dossier au greffe de la chambre de l'instruction le 19 juin 2024 pour être tenu à la disposition des avocats.

20. Il précise qu'une requête en communication de pièces en date du 20 février 2024 a été présentée par les avocats de la société [2] et qu'ont été communiqués les extraits des pièces faisant explicitement référence aux motifs décisoires des ordonnances querellées sur lesquels la chambre de l'instruction pourrait fonder sa décision, en l'occurrence les passages relatifs à la qualité de propriétaire économique réel de M. [W] [Z], qu'il énumère.

21. Il fait état de l'argumentation développée par le mémoire déposé le 17 avril 2024 au soutien des intérêts de la société demanderesse contre les motifs de l'ordonnance de saisie.

22. Dès lors que la saisie par le juge d'instruction d'un bien meuble corporel confiscable comme étant susceptible d'être l'objet ou le produit d'un délit n'est pas subordonnée à l'avis du ministère public, et qu'il est acquis que la société demanderesse a eu connaissance de l'ordonnance dont appel,
celle-ci ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt ne précise pas que les pièces se rapportant à la saisie qu'elle conteste ont été mises à sa disposition.

23. Ainsi, le moyen doit être écarté.

24. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-86.470
Date de la décision : 12/02/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 12 fév. 2025, pourvoi n°24-86.470


Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.86.470
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