N° G 24-86.468 F-D
N° 00358
GM
12 FÉVRIER 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025
La société [3] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 562 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 août 2024, qui, dans l'information suivie des chefs d'association de malfaiteurs et blanchiment aggravé, a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation rendue par le juge d'instruction.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [3], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance de saisie de bien meuble corporel dans un Etat membre de l'Union européenne du 18 octobre 2023, le juge d'instruction a ordonné la saisie à [Localité 1] (Italie) du navire [2], propriété de la société [3], sise aux Iles Caïmans.
3. Par ordonnance du 10 novembre 2023, le juge d'instruction a prescrit la remise du bien à l'AGRASC en vue de son aliénation.
4. Le 24 janvier 2024, la société [3] a relevé appel de la décision.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été rendu par la chambre de l'instruction, laquelle était incompétente pour statuer sur l'appel d'une ordonnance de remise à l'AGRASC le 29 août 2024, alors « que les lois de compétence sont d'application immédiate, tant qu'un jugement au fond n'a pas été rendu en première instance ; qu'en se prononçant le 29 août 2024 sur l'appel interjeté par l'exposante contre une ordonnance de remise à l'AGRASC, lorsqu'en application de la loi du 24 juin 2024, entrée en vigueur le 26 juin suivant, seul le premier président de la cour d'appel ou le conseiller désigné par lui était compétent pour statuer sur ce recours, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des articles 99-2 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi précitée et 112-2, 1° du code pénal, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Le moyen pose la question de la détermination des modalités selon lesquelles la loi de compétence nouvelle s'applique aux instances en cours, en l'absence de dispositions législatives transitoires.
8. Aux termes de l'article 112-2, 1°, du code pénal, les lois de compétence et d'organisation judiciaire sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, tant qu'un jugement au fond n'a pas été rendu en première instance. Cette réserve ne trouve à s'appliquer que lorsque la loi nouvelle modifie la compétence de la juridiction statuant en première instance.
9. L'article 99-2, alinéa 5, du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020, en vigueur jusqu'au 26 juin 2024, attribuait compétence à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel de l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant la remise à l'AGRASC d'un bien saisi aux fins d'aliénation.
10. La loi n° 2024-582 du 24 juin 2024, entrée en vigueur le 26 juin suivant, a donné compétence pour statuer sur cet appel au premier président de la cour d'appel ou au conseiller désigné par lui en lieu et place de la chambre de l'instruction.
11. L'application immédiate des lois de compétence aux instances en cours ne peut contrevenir à la prohibition édictée par l'article 112-4, alinéa 1er, du code pénal, aux termes duquel une telle application immédiate de la loi nouvelle est sans effet sur la validité des actes accomplis conformément à la loi ancienne.
12. Il en résulte que, nonobstant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi transférant au premier président de la cour d'appel la compétence pour statuer sur ce recours, la chambre de l'instruction régulièrement saisie conserve sa compétence jusqu'au prononcé de la décision lorsque les débats devant elle ont été régulièrement tenus conformément à la loi ancienne avant l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles.
13. En l'espèce, les débats ont eu régulièrement lieu devant la chambre de l'instruction le 19 juin 2024, antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ce dont il résulte qu'en rendant sa décision le 24 août suivant, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation rendue par la juge d'instruction, alors « que la chambre de l'instruction saisie de l'appel interjeté par un tiers à l'encontre d'une ordonnance de remise d'un bien saisi à l'AGRASC rendue par le juge d'instruction en application de l'article 99-2 du code de procédure pénale est tenue de s'assurer qu'il a eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie et, le cas échéant, aux pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle se fonde dans ses motifs décisoires, et les mentions de l'arrêt doivent identifier, directement ou par renvoi à un inventaire éventuellement dressé par le procureur général chacune des pièces mises à la disposition de son avocat ; qu'en se prononçant sans que les mentions de l'arrêt ne permettent de s'assurer, ni directement ni par renvoi à un inventaire dressé par le procureur général, que la société requérante a pu avoir accès aux réquisitions aux fins de saisie et à l'ordonnance de saisie du yacht [2], la chambre de l'instruction n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision au regard des articles 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et 6 de ladite Convention. »
Réponse de la Cour
16. Le moyen est inopérant, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas nécessaire, pour que le tiers puisse apprécier la validité de la décision qu'il conteste de remise de son bien à l'AGRASC aux fins d'aliénation, que les réquisitions aux fins de saisie et l'ordonnance de saisie pénale soient mises à sa disposition, d'autre part, qu'il ne peut faire examiner dans le cadre de son recours la validité de la décision de saisie initiale.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.