SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 février 2025
Cassation partielle
sans renvoi
M. SOMMER, président
Arrêt n° 155 FS-B
Pourvoi n° W 23-10.806
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2025
La société Start People, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-10.806 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [S] [F], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société Wittendal, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La société Wittendal a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Start People, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Wittendal, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 novembre 2022), Mme [F] a été engagée en qualité d'opératrice harnais par la société Manpower et mise à disposition de la société Wittendal (l'entreprise utilisatrice), suivant trente-quatre contrats de travail au cours de la période du 12 novembre 2012 au 25 octobre 2013, aux fins de remplacer une salariée absente.
2. Elle a ensuite été engagée par la société Kelly services en qualité d'opératrice harnais et mise à disposition de l'entreprise utilisatrice, entre le 28 octobre 2013 et le 2 octobre 2015, suivant vingt-quatre contrats de travail ayant pour objet le remplacement d'une salariée absente, puis selon trente-cinq contrats de travail pour accroissement temporaire d'activité.
3. Enfin, la salariée a été engagée en qualité d'opératrice harnais, entre le 7 mars 2016 et le 28 juillet 2017, par la société Start People (l'entreprise de travail temporaire) et mise à la disposition de l'entreprise utilisatrice suivant sept contrats et avenants afin de remplacer une salariée absente et cinquante-deux contrats et avenants pour accroissement temporaire d'activité.
4. Le 27 mai 2019, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins notamment d'obtenir la requalification des contrats de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 novembre 2012, de dire que l'échéance du terme des contrats de travail fixée au 28 juillet 2017 s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'obtenir la condamnation solidaire des entreprises utilisatrice et de travail temporaire à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'entreprise de travail temporaire, pris en ses deuxième et troisième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. L'entreprise de travail temporaire fait grief à l'arrêt de requalifier en contrat à durée indéterminée les contrats de mission de la salariée à son égard à compter du 29 mai 2017, de dire que la rupture de la relation de travail le 28 juillet 2017 s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner in solidum les entreprises utilisatrice et de travail temporaire à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés afférente, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ qu'il appartient au salarié d'établir que l'entreprise de travail temporaire ne lui a pas transmis les contrats de mission au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition ; qu'en l'espèce, pour prononcer la requalification en contrat à durée indéterminée des contrats de mission conclus entre la salariée et la société Start People, la cour d'appel a relevé que l'entreprise de travail temporaire ne produisait aucun élément relatif aux contrats conclus entre le 29 mai 2017 et le 28 juillet 2017 de sorte que la preuve, qui lui incombait, du respect de son obligation de transmission dans le délai prescrit n'était pas rapportée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil ;
2°/ que le contrat de mission est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition ; qu'en l'espèce, il était constant qu'avant l'instance d'appel, la salariée - à qui avait été régulièrement remis des bulletins de paie mentionnant le numéro des contrats auxquels il se référaient et le paiement de l'indemnité de précarité - n'avait jamais contesté les délais dans lesquels ses contrats de mission lui avaient été transmis ; qu'il ressort en outre des propres constatations de l'arrêt que la salariée s'était vue remettre tous les contrats de mission puisqu'elle avait été mesure de les produire elle-même aux débats ; qu'en se bornant à constater, pour ordonner la requalification des contrats de mission en un contrat de droit commun à l'égard de la société Start People à compter du 29 mai 2017, que la signature informatique de la salariée figurant sur le contrat de mission ayant débuté le 29 mai 2017 datait du 2 juin 2017, lorsque cette seule indication ne permettait pas en elle même de connaître la date à laquelle lesdits contrats lui avaient été effectivement transmis pour signature, a fortiori au vu du comportement procédural de la salariée et des mentions de ses bulletins de paie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1251-17 du code du travail ;
3°/ que le non-respect de l'obligation de transmission du contrat de mission dans le délai de deux jours ouvrables à compter de la mise à disposition ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée ; qu'en sanctionnant le non-respect de cette obligation par la requalification en contrat à durée indéterminée des contrats de mission de la salariée à l'égard de la société Start People à compter du 29 mai 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »
Réponse de la Cour
7. Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées.
8. La cour d'appel, qui a constaté, sans inverser la charge de la preuve, que l'entreprise de travail temporaire ne démontrait pas avoir respecté son obligation de transmettre à la salariée le contrat conclu le 29 mai 2017 dans le délai de deux jours prescrit à l'article L. 1251-17 du code du travail, en a déduit à bon droit que ce contrat devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail issues de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 n'étant pas applicables au litige, la relation de travail ayant cessé au jour de la publication de cette ordonnance.
9. Le moyen, qui, pris en sa deuxième branche, critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'entreprise de travail temporaire, pris en sa première branche, et le moyen du pourvoi incident de l'entreprise utilisatrice, réunis, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la salariée certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de congés payés afférente
Enoncé des moyens
10. Par son second moyen, l'entreprise de travail temporaire fait ce grief à l'arrêt, alors « que, d'une part, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ; que d'autre part, l'employeur, qui, à l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée ou de mission ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement ; qu'il en résulte que le salarié dont le(s) contrat(s) de travail temporaire a(ont) été requalifié(s) en un contrat à durée indéterminée ne peut formuler de contestation portant sur la rupture de son contrat que dans les douze mois du terme de son dernier contrat arrivé à échéance ; qu'en l'espèce, pour dire recevable la demande de la salariée portant sur la rupture de son contrat introduite plus d'un an après le terme du dernier contrat de mission, la cour d'appel a relevé que cette prétention découlait de la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée laquelle était soumise à la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, lorsque peu important qu'elle découlât d'une requalification de contrats de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée, la contestation par la salariée de la rupture de son contrat restait soumise à une prescription annale, compte tenu de son objet, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1, alinéa 2, du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »
11. Par son moyen unique, l'entreprise utilisatrice fait le même grief à l'arrêt, alors « que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée ; que selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable aux prescriptions en cours à compter du 23 septembre 2017, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ; que l'employeur qui, à l'expiration d'un contrat de mission ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement ; que les demandes portant sur la rupture abusive du contrat résultant d'une action en requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée se prescrivent en conséquence par un an à compter de l'échéance du dernier contrat de travail temporaire ; qu'en jugeant que les demandes de Mme [F] tendant à la réparation de la rupture de son contrat de travail avec la société Wittendal n'étaient pas prescrites, aux motifs erronés que ''c'est par l'effet du présent arrêt que la relation de travail est requalifiée à durée indéterminée, et que c'est à ce titre que la salariée peut en tirer les conséquences de la rupture'' et que ''les relations de travail ayant cessé à compter du 28 juillet 2017 sans que n'aient été respectées les formalités de rupture, la société Wittendal comme la société Start People ne [peuvent] se prévaloir de la survenance du terme'', la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »
Réponse de la Cour
12. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, qui a la nature d'une créance salariale, est soumise à la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.
13. Aux termes de cet article, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
14. Après avoir requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée tant à l'égard de l'entreprise de travail temporaire que de l'entreprise utilisatrice, la cour d'appel a constaté que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale le 27 mai 2019 d'une demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis suite à la rupture de la relation de travail le 28 juillet 2017.
15. Il en résulte que cette demande était recevable.
16. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve, sur ces chefs de demande, légalement justifiée.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal de l'entreprise de travail temporaire, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la rupture de la relation de travail le 28 juillet 2017 s'analysait en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner in solidum les entreprises utilisatrice et de travail temporaire à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'une indemnité légale de licenciement et sur le moyen du pourvoi incident de l'entreprise utilisatrice, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner in solidum les entreprises utilisatrice et de travail temporaire à payer à la salariée une indemnité légale de licenciement, réunis
Enoncé du moyen
17. Par son second moyen, l'entreprise de travail temporaire fait ce grief à l'arrêt, alors « que, d'une part, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ; que d'autre part, l'employeur, qui, à l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée ou de mission ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement ; qu'il en résulte que le salarié dont le(s) contrat(s) de travail temporaire a(ont) été requalifié(s) en un contrat à durée indéterminée ne peut formuler de contestation portant sur la rupture de son contrat que dans les douze mois du terme de son dernier contrat arrivé à échéance ; qu'en l'espèce, pour dire recevable la demande de la salariée portant sur la rupture de son contrat introduite plus d'un an après le terme du dernier contrat de mission, la cour d'appel a relevé que cette prétention découlait de la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée laquelle était soumise à la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, lorsque peu important qu'elle découlât d'une requalification de contrats de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée, la contestation par la salariée de la rupture de son contrat restait soumise à une prescription annale, compte tenu de son objet, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1, alinéa 2, du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »
18. Par son moyen unique, l'entreprise utilisatrice fait le même grief à l'arrêt, alors « que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée ; que selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable aux prescriptions en cours à compter du 23 septembre 2017, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ; que l'employeur qui, à l'expiration d'un contrat de mission ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement ; que les demandes portant sur la rupture abusive du contrat résultant d'une action en requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée se prescrivent en conséquence par un an à compter de l'échéance du dernier contrat de travail temporaire ; qu'en jugeant que les demandes de Mme [F] tendant à la réparation de la rupture de son contrat de travail avec la société Wittendal n'étaient pas prescrites, aux motifs erronés que ''c'est par l'effet du présent arrêt que la relation de travail est requalifiée à durée indéterminée, et que c'est à ce titre que la salariée peut en tirer les conséquences de la rupture'' et que ''les relations de travail ayant cessé à compter du 28 juillet 2017 sans que n'aient été respectées les formalités de rupture, la société Wittendal comme la société Start People ne [peuvent] se prévaloir de la survenance du terme'', la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
19. L'entreprise utilisatrice soutient que le second moyen du pourvoi principal de l'entreprise de travail temporaire, pris en sa première branche, est nouveau, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable.
20. Cependant, l'entreprise utilisatrice sollicitait, dans ses conclusions d'appel, que les demandes de la salariée au titre de la rupture abusive des contrats de travail soient déclarées irrecevables comme prescrites en application des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail.
21. Le moyen, qui était dans le débat devant la cour d'appel, est donc recevable.
Bien-fondé des moyens
Vu l'article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'article L. 1471-1, alinéa 2, du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 40, II, de cette même ordonnance :
22. Aux termes du premier de ces textes, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
23. Aux termes du second, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
24. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action tendant à faire juger que la rupture de la relation de travail, ultérieurement requalifiée en contrat à durée indéterminée, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, qui portent sur la rupture du contrat de travail, sont soumises à la prescription annale de l'article L. 1471-1, alinéa 2, du code du travail. Le point de départ de ce délai est le terme du dernier contrat de mission lorsque à cette date, l'entreprise de travail temporaire ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires et que l'entreprise utilisatrice cesse de faire travailler le salarié temporaire.
25. Selon le dernier, les dispositions réduisant à douze mois le délai de prescription de l'action portant sur la rupture du contrat de travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 23 septembre 2017, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
26. Pour dire que la rupture de la relation de travail, le 28 juillet 2017, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner in solidum les entreprises utilisatrice et de travail temporaire à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité légale de licenciement, l'arrêt retient que c'est à tort que celles-ci soutiennent que le délai pour agir en réparation de la rupture du contrat de travail a commencé à courir à compter du terme du dernier contrat de mission et que l'action de la salariée est prescrite. Il ajoute que c'est par l'effet du présent arrêt que la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et que c'est à ce titre que la salariée peut tirer les conséquences de la rupture.
27. Il constate que les relations de travail ont cessé à compter du 28 juillet 2017, sans qu'aient été respectées les formalités de rupture, et retient que les entreprises utilisatrice et de travail temporaire ne peuvent se prévaloir de la survenance du terme. Il en conclut que la salariée est recevable et bien fondée à solliciter la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
28. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le dernier contrat de mission avait pris fin le 28 juillet 2017 et que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale le 27 mai 2019, ce dont elle aurait dû déduire que l'action tendant à faire juger que la rupture de la relation de travail, ultérieurement requalifiée en contrat à durée indéterminée, s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse était prescrite tout comme les demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité légale de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
29. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
30. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
31. La cassation prononcée n'emporte pas la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les entreprises utilisatrice et de travail temporaire aux dépens et aux frais irrépétibles, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la rupture de la relation de travail le 28 juillet 2017 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Wittendal et Start People à payer à Mme [F] les sommes de 1 334,60 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 25 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevables comme prescrites les demandes de Mme [F] tendant à faire juger que la rupture de la relation de travail le 28 juillet 2017 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner les sociétés Wittendal et Start People à lui payer des sommes à titre d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne Mme [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.