CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 février 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 75 F-D
Pourvoi n° R 23-14.734
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025
M. [N] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 23-14.734 contre l'arrêt rendu le 15 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France (MACIF), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Oppelt, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de M. [G], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Oppelt, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 février 2023), en 2016, un incendie a gravement endommagé un bâtiment appartenant à M. [G] (le bailleur) donné à bail commercial à la société EMIR (la locataire), assurée auprès de la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France (la MACIF).
2. M. [G] a assigné la MACIF aux fins d'obtenir sa condamnation à l'indemniser des préjudices subis.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le bailleur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors :
« 1°/ que le preneur répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve, notamment, qu'il est arrivé par cas de force majeure ; que l'origine criminelle d'un incendie ne caractérise pas en elle-même un cas de force majeure, seul un fait imprévisible et irrésistible exonérant le locataire de sa responsabilité ; qu'en se bornant à affirmer, pour exonérer le locataire de sa responsabilité et exclure en conséquence la garantie de la MACIF, que l'évènement était irrésistible, dès lors que si l'employé ayant fermé les locaux avait laissé le scooter à l'intérieur de la pizzeria, l'expert avait toutefois retenu que le scooter n'était pas à l'origine de l'incendie, et qu'enfin, le preneur n'avait pas à prendre de mesures particulières pour prévenir de l'incendie, sans indiquer en quoi l'incendie criminel aurait également présenté un caractère d'imprévisibilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1733 du code civil ;
2°/ que le preneur est présumé répondre de l'incendie, à moins qu'il ne prouve, notamment, que l'incendie est arrivé par cas de force majeure ; qu'il appartient au locataire de rapporter la preuve que les conditions exonératoires de sa responsabilité sont remplies, et notamment qu'il n'a pas commis de négligence ou que sa négligence n'a pas favorisé ou permis l'incendie ; qu'en décidant néanmoins que M. [G] ne démontrait pas que le locataire était tenu de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la propagation de l'incendie et que l'absence de ces mesures était à l'origine de la survenance de l'incendie ou de sa propagation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1353 et 1733 du code civil ;
3°/ que le preneur répondant de l'incendie survenu dans les locaux pris à bail, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par force majeure, il lui appartient d'établir l'irrésistibilité de l'incendie criminel, en démontrant qu'il a pris toutes les précautions nécessaires pour la surveillance et la protection des locaux loués ; qu'en décidant néanmoins que le preneur n'était pas tenu de procéder à une vérification de l'installation électrique par un bureau de contrôle et de mettre en place un système de détection incendie, intrusion et vidéosurveillance, bien qu'il ait été appartenu au preneur de mettre en place toutes les mesures nécessaires pour prévenir la survenance d'un incendie ou sa propagation, la cour d'appel a violé l'article 1733 du code civil ;
4°/ que le preneur répondant de l'incendie survenu dans les locaux pris à bail, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par force majeure, il lui appartient d'établir l'irrésistibilité de l'incendie criminel, en démontrant qu'il a pris toutes les précautions nécessaires pour la surveillance et la protection des locaux loués ; qu'en se bornant à affirmer, afin de décider que le locataire pouvait se prévaloir de la force majeure, qu'il n'était pas démontré que l'absence de mesure prise par le locataire ait pu favoriser l'incendie, sans rechercher si la présence d'une alarme à incendie aurait pu limiter la propagation de l'incendie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1733 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir relevé qu'il résultait de l'enquête de police et de l'analyse complète des prélèvements réalisés sur les lieux que l'incendie, survenu la nuit, était d'origine criminelle, la cour d'appel a constaté que les lieux loués étaient convenablement fermés, que le fait qu'un scooter ait été entreposé dans le local n'avait ni causé l'incendie ni contribué à sa propagation en l'absence de fuite d'essence, que la locataire n'avait aucune obligation d'installer un système de détection d'incendie ou d'intrusion ou de vidéosurveillance et qu'il n'était donc établi aucune négligence de sa part à l'origine du sinistre.
5. Sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, elle a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que l'incendie était imprévisible et irrésistible pour la locataire et que sa responsabilité ne pouvait être retenue.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt-cinq.