N° K 23-84.373 F-D
N° 00079
RB5
28 JANVIER 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 JANVIER 2025
Les sociétés [6] et [5] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bourges, chambre correctionnelle, en date du 8 décembre 2022, qui, pour homicide involontaire, a condamné la première, à 50 000 euros d'amende, la seconde, à 150 000 euros d'amende, une confiscation, a ordonné la publication, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de la société [6], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [5], les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7], les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de Mmes [E] [U], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [S] [P], [F] [L], épouse [P], [R] [X], épouse [P], [K] [P], MM. [W], [T], [C] et [Y] [P], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure [G] [P], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. [O] [P], salarié de la société [2], sous-traitante de la société [6] travaillant pour la société [5], a été électrocuté par un courant à haute tension, alors qu'il intervenait sur une armoire électrique basse tension. Il est décédé à la suite de cet accident.
3. Le tribunal correctionnel a déclaré les sociétés [5] et [6] coupables d'homicide involontaire, a déclaré recevable la constitution de partie civile des ayants droit et de membres de la famille de [O] [P], et a statué sur leurs demandes de dommages-intérêts. La caisse primaire d'assurance maladie est intervenue à la procédure.
4. Les sociétés [6] et [5] ainsi que le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposés pour la société [6], et le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches, le deuxième moyen et le cinquième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposés pour la société [5]
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen proposé pour la société [5], pris en ses cinquième et sixième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable des faits qui lui étaient reprochés, soit d'avoir commis le délit d'homicide involontaire par personne morale dans le cadre du travail, l'a condamnée au paiement d'une amende de 150 000 euros, l'a condamnée à diffuser dans le premier numéro de ses publications du mois de février 2022 des quotidiens « [4] » et « [3] » un communiqué dont le texte se trouve ci-dessous, et ce dans la limite de 5 000 euros dans chaque journal : « Par jugement en date du premier décembre 2011 le tribunal correctionnel de Bourges a déclaré la société [5] et la société [6] coupables des faits d'homicide involontaire sur la personne d'un salarié d'une entreprise sous-traitante pour ne pas s'être assurées de la présence de courant haute tension dans les installations devant être démontées, et en n'informant pas l'entreprise intervenante du risque encouru, et d'avoir ainsi involontairement causé la mort de la victime ; la société [5] a été condamnée à une amende de 200 000 euros et la société [6] à une amende de 80 000 euros », a ordonné la confiscation des scellés, et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
« 5°/ que selon l'article R. 4544-3 du code du travail, la définition des opérations sur les installations électriques ou dans leur voisinage ainsi que les modalités recommandées pour leur exécution figurent dans les normes homologuées dont les références sont publiées au Journal officiel de la République française par arrêté des ministres chargés du travail et de l'agriculture ; qu'en retenant que la société [5] avait commis des négligences et des manquements à ses obligations de sécurité imposées par la loi et le règlement constituant une faute non intentionnelle ayant conduit au décès de [O] [P], en ne recourant à la procédure de consignation selon les modalités prévue par la norme NFC 18-510 rendue obligatoire par l'article R. 4544-3 du code du travail, quand ce texte prévoit explicitement qu'il ne fait que recommander, sans caractère obligatoire, les modalités d'exécution des opérations sur les installations électriques figurant dans les normes dont seules les références sont publiées au Journal officiel de la République française, la cour d'appel a méconnu les articles 221-6 du code pénal et R. 4544-3 du code du travail ;
6°/ que par une décision n° 383756 du 10 février 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du 19 juin 2014 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, modifiant l'arrêté du 17 juin 1989 portant approbation d'un recueil d'instructions générales de sécurité d'ordre électrique, en ce qu'il rendait obligatoire le respect par les employeurs de la norme NF C 18-510 « Opérations sur les ouvrages et installations électriques, et dans un environnement électrique - Prévention du risque électrique » (JORF n° 0046 du 24 février 2016) ; que, pour déclarer la société [5] coupable d'homicide involontaire, la cour d'appel a retenu que la norme NF C 18-510, qui définit une procédure de consignation devant être réalisée par le chef d'établissement dans lequel les travaux sont réalisés, en l'espèce la société [5], était homologuée, en vigueur au jour de l'accident mortel du [Date décès 1] 2016 ; qu'en se fondant ainsi sur le contenu d'une norme dont l'arrêté publiant les références avait été rétroactivement annulé le 10 février 2016, de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme en vigueur à la date du [Date décès 1] 2016, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 221-6 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer la société [5] coupable d'homicide involontaire, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, qu'elle était, en qualité de donneur d'ordre et de chef d'établissement, responsable de la coordination des mesures de prévention.
8. Les juges ajoutent qu'il découle des éléments de fait et de preuve du dossier que la société [5] n'a pas cherché à savoir de manière certaine si le déraccordement de la haute tension avait été opéré.
9. Ils retiennent que la société [5] ne peut invoquer avoir confié à la société [6] la réalisation de l'ensemble des contrôles et démarches, dès lors que lui incombait la coordination générale des mesures de prévention.
10. Ils indiquent qu'en ne recourant pas à la procédure de consignation selon les modalités prévues à la norme NFC 18-510 rendue obligatoire par l'article R. 4544-3 du code du travail, la société [5] a commis des négligences et des manquements à ses obligations de sécurité imposées par la loi et le règlement.
11. C'est à tort que la cour d'appel a retenu que la norme NFC 18-510 était obligatoire et ainsi opposable à la société [5], dans la mesure où l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social du 19 juin 2014 modifiant l'arrêté du 17 juin 1989 portant approbation d'un recueil d'instructions générales de sécurité d'ordre électrique, qui rendait obligatoire le respect de cette norme, a été annulé par le Conseil d'Etat le 10 février 2016 (CE, 10 février 2016, n° 383756, publié au Recueil Lebon).
12. L'arrêt attaqué n'encourt cependant pas la censure dès lors que la cour d'appel a, par des motifs procédant de son appréciation souveraine, retenu qu'eu égard au risque particulièrement important relatif à la haute tension dans le cas de cette intervention, en tenant de façon erronée pour acquis le déraccordement sans vérifier qu'il avait été fait, la société [5], à laquelle incombait la coordination des mesures de prévention, a commis des négligences et des manquements à ses obligations de sécurité ayant conduit au décès de la victime.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche, proposé pour la société [6], et le cinquième moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour la société [5]
Enoncé des moyens
14. Le moyen proposé pour la société [6] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), a déclaré les sociétés [5] et [6] entièrement responsables du préjudice subi par la CPAM et les a condamnées in solidum à lui payer les sommes de 401 350, 23 euros représentant le montant de ses débours avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir, à chacune la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et a déclaré recevable la constitution de partie civile de Mme [E] [U] en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure [S] [P], de M. [W] [P], de Mme [F] [L], de M. [Y] [P] en son nom personnel et ès qualités de représentant légal de sa fille mineure [G] [P], de M. [T] [P], de Mme [K] [P], de M. [C] [P] et de Mme [R] [X], a déclaré les sociétés [5] et [6] entièrement responsables du préjudice subi par la CPAM et les a condamnées à payer in solidum à Mme [U] en son nom personnel la somme de 416 336, 99 euros au titre de la perte de revenus et 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme [U] en qualité de représentante de sa fille mineure [S] [P] la somme de 57 799, 20 euros au titre de la perte de revenus et de 25 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [W] [P] la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme [L] la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [Y] [P] en son nom personnel la somme de 9 680 euros au titre des frais d'obsèques et celle de 10 000 euros au titre du préjudice d'affection et ès qualités de représentant légal de sa fille mineure [G] [P] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [T] [P] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme [K] [P] la somme de 8 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [C] [P] les sommes de 2 000 euros au titre des frais d'obsèques et de 8 000 euros au titre du préjudice d'affection et à Mme [R] [X] la somme de 2 000 euros au titre du préjudice d'affection, alors :
« 4°/ que le droit d'accès à un tribunal, qui implique l'accès à un tribunal de pleine juridiction ayant le pouvoir de trancher tous les points qu'il s'agisse de questions de fait ou de droit, impose la concentration du contentieux indemnitaire entre les mains du juge pénal, en ce compris le partage de responsabilité entre coauteurs d'un même dommage ; qu'en ne se prononçant pas sur ce partage de responsabilité entre la société [5] et la société [6], la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble l'article préliminaire du code de procédure pénale. »
15. Le moyen proposé pour la société [5] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la CPAM, les a déclarées, la société [6] et elle, entièrement responsables du préjudice subi par la CPAM et les a condamnées in solidum à lui payer les sommes de 401 350, 23 euros représentant le montant de ses débours avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir, et 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire, a déclaré recevable la constitution de partie civile de Mme [U] en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure [S] [P], de M. [W] [P], de Mme [L], de M. [Y] [P] en son nom personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure [G] [P], de M. [T] [P], de Mme [K] [P], de M. [C] [P] et de Mme [X], les a déclarées, la société [6] et elle, entièrement responsables du préjudice que ces derniers ont subi et les a condamnées à payer in solidum à Mme [U] en son nom personnel la somme de 416 336, 99 euros au titre de la perte de revenus, à Mme [U] en qualité de représentante de sa fille mineure [S] [P] la somme de 57 799, 20 euros au titre de la perte de revenus et de 25 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [W] [P] la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme [L] la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [Y] [P] en son nom personnel la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'affection et ès qualités de représentant légal de sa fille mineure [G] [P] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [T] [P] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme [K] [P] la somme de 8 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [C] [P] la somme de 8 000 euros au titre du préjudice d'affection et à Mme [X] la somme de 2 000 euros au titre du préjudice d'affection, alors :
« 3°/ que le droit d'accès à un tribunal, qui implique l'accès à un tribunal de pleine juridiction ayant le pouvoir de trancher tous les points qu'il s'agisse de questions de fait ou de droit, impose la concentration du contentieux indemnitaire entre les mains du juge pénal, en ce compris le partage de responsabilité entre coauteurs d'un même dommage ; qu'en ne se prononçant pas sur ce partage de responsabilité entre la société [5] et la société [6], la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble l'article préliminaire du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
16. Les moyens sont réunis.
Sur la recevabilité des moyens contestée en défense
17. Les parties civiles et la CPAM opposent aux moyens leur nouveauté et, partant, leur irrecevabilité.
18. Les moyens, qui se prévalent pour la première fois devant la Cour de cassation de griefs relatifs à l'absence d'un partage de responsabilité qui n'a pas été demandé devant les juges du fond, sont irrecevables.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, proposé pour la société [6]
Enoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [6] à une amende de 50 000 euros et à la diffusion d'un communiqué de presse et a ordonné la confiscation des scellés, alors :
« 1°/ qu'en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction ; qu'il en résulte qu'à l'exception de ces cas, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en se prononçant, pour condamner la société [6] à une amende de 50.000 euros et à la diffusion d'un communiqué de presse et pour ordonner la confiscation des scellés, au regard de l'absence de casier judiciaire de la société et de sa surface financière (arrêt p. 14) sans s'expliquer sur la gravité des faits, la cour d'appel a violé l'article 485-1 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
20. En matière correctionnelle, en application de l'article 132-1 du code pénal, toute peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale.
21. Dès lors, le grief est inopérant en ce qu'il conteste l'absence de motivation de la peine d'amende prononcée au regard de la gravité de l'infraction, une telle motivation n'étant exigée par les dispositions de l'article 132-19 du même code que lorsque le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme apparaît indispensable au juge répressif.
22. Ainsi, le grief doit être écarté.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour la société [6], et le quatrième moyen proposé pour la société [5]
Enoncé des moyens
23. Le moyen proposé pour la société [6] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamnée à une amende de 50 000 euros et à la diffusion d'un communiqué de presse et a ordonné la confiscation des scellés, alors :
« 2°/ que hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine ; qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; qu'en ordonnant la confiscation des scellés, sans indiquer la nature et l'origine des objets placés sous scellés dont elle a ordonné la confiscation, ni le fondement de cette peine, dont elle n'a pas davantage précisé la nécessité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1, 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
24. Le moyen proposé pour la société [5] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation des scellés, alors « que les arrêts sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif ; qu'en ordonnant la confiscation des scellés, sans préciser ni les biens sur lesquels portait la mesure ni les motifs justifiant leur confiscation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
25. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
26. Selon le premier de ces textes, le juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, doit préciser la nature du bien saisi ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.
27. Il résulte du second que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
28. L'arrêt attaqué se borne à ordonner la confiscation des scellés.
29. En prononçant ainsi, sans préciser ni leur nature ni à quel titre les scellés ont été confisqués, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision.
30. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur le troisième moyen proposé pour la société [5]
Enoncé du moyen
31. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une amende de 150 000 euros et l'a condamnée à diffuser dans le premier numéro de ses publications du mois de février 2022 des quotidiens « [4] » et « [3] » un communiqué dont le texte se trouve ci-dessous, et ce dans la limite de 5 000 euros dans chaque journal : « Par jugement en date du premier décembre 2011 le tribunal correctionnel de Bourges a déclaré la société [5] et la société [6] coupables des faits d'homicide involontaire sur la personne d'un salarié d'une entreprise sous-traitante pour ne pas s'être assurées de la présence de courant haute tension dans les installations devant être démontées, et en n'informant pas l'entreprise intervenante du risque encouru, et d'avoir ainsi involontairement causé la mort de la victime ; la société [5] a été condamnée à une amende de 200 000 euros et la société [6] à une amende de 80 000 euros », alors « que tout jugement ou arrêt doit comporter des motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à leur absence ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la société [5] à la diffusion d'un communiqué par voie de presse faisant état de sa condamnation à une amende de 200 000 euros, après avoir pourtant énoncé qu'il convenait de fixer cette amende à la somme de 150 000 euros, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale:
32. Il résulte de ce texte que doivent être déclarés nuls les jugements ou arrêts dont le dispositif contient des décisions contradictoires.
33. L'arrêt attaqué confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société [5] à la diffusion d'un communiqué par voie de presse faisant état de sa condamnation à une amende de 200 000 euros, après avoir pourtant énoncé qu'il convenait de fixer cette amende à la somme de 150 000 euros.
34. En l'état de ces énonciations, contradictoires, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
35. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef.
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour la société [6]
Enoncé du moyen
36. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la CPAM, a déclaré les sociétés [5] et [6] entièrement responsables du préjudice subi par la CPAM et les a condamnées in solidum à lui payer les sommes de 401 350, 23 euros représentant le montant de ses débours avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir, à chacune la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et a déclaré recevable la constitution de partie civile de Mme [U] en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure [S] [P], de M. [W] [P], de Mme [L], de M. [Y] [P] en son nom personnel et ès qualités de représentant légal de sa fille mineure [G] [P], de M. [T] [P], de Mme [K] [P], de M. [C] [P] et de Mme [X], a déclaré les sociétés [5] et [6] entièrement responsables du préjudice subi par la CPAM et les a condamnées à payer in solidum à Mme [U] en son nom personnel la somme de 416 336, 99 euros au titre de la perte de revenus et 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme [U] en qualité de représentante de sa fille mineure [S] [P] la somme de 57 799, 20 euros au titre de la perte de revenus et de 25 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [W] [P] la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme [L] la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [Y] [P] en son nom personnel la somme de 9 680 euros au titre des frais d'obsèques et celle de 10 000 euros au titre du préjudice d'affection et ès qualités de représentant légal de sa fille mineure [G] [P] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [T] [P] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme [K] [P] la somme de 8 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. [C] [P] les sommes de 2 000 euros au titre des frais d'obsèques et de 8 000 euros au titre du préjudice d'affection et à Mme [X] la somme de 2 000 euros au titre du préjudice d'affection, alors :
« 3°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant, pour condamner la société [6] in solidum avec la société [5] à payer respectivement à M. [Y] [P] et à M. [C] [P] les sommes de 9680,66 euros et 2.000 euros au titre des frais d'obsèques, que sont produites deux factures de ces sommes qui ont été réglées par les intéressés (arrêt p. 16) sans répondre aux conclusions d'appel de l'exposant explicitant pour quelles raisons les frais d'obsèques s'élevaient en réalité à la somme de 4.494,66 euros (conclusions d'appel p. 10), la cour d'appel n'a justifié sa décision au regard des articles 2, 3 du code de procédure pénale, 1240 du code civil, 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
37. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
38. Pour condamner la société [6] in solidum avec la société [5] à payer respectivement à MM. [Y] et [C] [P] les sommes de 9 680, 66 euros et 2 000 euros au titre des frais d'obsèques, l'arrêt attaqué énonce que deux factures, produites par les parties civiles et établies par une entreprise de pompes funèbres les 18 février 2016 et 22 septembre 2017, font figurer des montants de 5 450, 66 euros et 6 230 euros.
39. Les juges ajoutent que si ces deux factures mentionnent qu'elles ont été établies à la demande de Mme [L], il ne saurait être contesté que de telles sommes ont été déboursées par les parties civiles, M. [Y] [P] indiquant avoir réglé la somme de 9 680, 66 euros et M. [C] [P] celle de 2 000 euros.
40. En se déterminant ainsi, alors que la société [6] soutenait que ces deux factures faisaient double emploi, l'une datant de plus d'un an après le décès et l'autre concernant un caveau à trois places, dont le prix total devait être divisé par trois, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
41. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
42. La cassation sera limitée aux peines complémentaires de confiscation et de publication ainsi qu'à la condamnation in solidum des deux sociétés au titre des frais d'obsèques. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bourges, en date du 8 décembre 2022, mais en ses seules dispositions ayant condamné solidairement les sociétés [6] et [5] aux frais d'obsèques pour un montant de 11 680, 66 euros, ordonné la confiscation des scellés et condamné la société [5] à la diffusion d'un communiqué, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bourges et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt-cinq.