CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 janvier 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 43 F-D
Pourvoi n° S 23-11.653
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2025
Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4], dont le siège est [Adresse 6], représenté par son syndic, le cabinet Demougin, domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 23-11.653 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2022 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic, le cabinet Foncia Charente-Maritime, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, Ã l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4], de la SCP Doumic-Seiller, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5], après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 11 octobre 2022), les résidences [Adresse 4] et [Adresse 5], toutes deux soumises au statut de la copropriété, ont été édifiées sur deux parcelles contiguës par un même promoteur. Une chaudière desservant les deux résidences a été installée dans le sous-sol de la résidence [Adresse 4].
2. Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4] (le syndicat de la résidence [Adresse 4]) a assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] (le syndicat de la résidence [Adresse 5]) aux fins, notamment, d'être autorisé à découpler le système de production de chauffage et d'eau chaude sanitaire existant entre les deux copropriétés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. Le syndicat de la résidence [Adresse 4] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de découplage du système de chauffage et d'eau chaude sanitaire et de constater que le syndicat de la résidence [Adresse 5] est bénéficiaire d'une servitude lui permettant d'utiliser sa chaufferie, alors « que si un acte constitutif de servitude peut résulter d'une délibération d'assemblée générale de copropriété, c'est à la condition que cette dernière témoigne de la volonté de l'assemblée de grever le fonds de la copropriété d'une charge perpétuelle ; qu'en retenant l'existence d'une servitude d'origine conventionnelle, sur la base de délibérations de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence [Adresse 4] se bornant à faire état d'un système de chauffage commun aux deux résidences et de sa gestion, sans jamais indiquer que cette situation serait perpétuelle, les juges du fond, qui ont statué par des motifs impropres à caractériser la volonté de la résidence [Adresse 4] de grever son fonds d'une charge perpétuelle, ont violé les articles 690, 691 et 1134 devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Le syndicat de la résidence [Adresse 5] conteste la recevabilité du moyen. Il expose que le demandeur au pourvoi s'étant borné à soutenir, dans ses écritures d'appel, qu'une servitude perpétuelle ne pouvait se déduire de la décision de souscrire un contrat d'entretien dont la durée est déterminée, le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable.
5. Cependant, dans ses conclusions d'appel, le syndicat de la résidence [Adresse 4] soutenait qu'aucune assemblée générale n'avait régulièrement voté la constitution d'une servitude d'usage.
6. Le moyen, qui n'est donc pas nouveau, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 690, 691, alinéa 1er, et 1134, devenu 1103, du code civil :
7. Aux termes du premier de ces textes, les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans.
8. Aux termes du deuxième, les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres.
9. Selon le troisième, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
10. Pour retenir l'existence d'une servitude conventionnelle et rejeter la demande de découplage du système de chauffage et d'eau chaude sanitaire, l'arrêt relève, d'une part, que le procès-verbal de l'assemblée générale du 21 août 1989 mentionne que la chaufferie est située dans le local technique de la résidence [Adresse 4] et que son entretien et sa consommation de gaz sont à répartir entre les deux immeubles en proportion des surfaces habitables de chaque immeuble, et, d'autre part, que le procès-verbal de l'assemblée générale du 9 mai 2007 fait état de la chaudière et de la souscription d'un contrat d'entretien communément aux deux résidences.
11. Il en déduit qu'est ainsi caractérisée une « démarche active » du syndicat de la résidence [Adresse 4] d'accorder au syndicat de la résidence [Adresse 5] une servitude d'utilisation de son local de chaufferie.
12. En statuant ainsi, alors que ces deux procès-verbaux se bornaient à préciser l'emplacement de la chaudière et à prévoir une répartition des charges d'entretien et de consommation de gaz entre les deux résidences, ainsi que la souscription commune d'un contrat d'entretien, la cour d'appel, qui n'a pas constaté une volonté claire et non équivoque du syndicat de la résidence [Adresse 4] de créer une servitude d'usage grevant son fonds au profit de celui du syndicat de la résidence [Adresse 5], a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4] de sa demande de découplage du système de chauffage et d'eau chaude sanitaire et constate que le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] bénéficie d'une servitude lui permettant d'utiliser la chaufferie de la résidence [Adresse 4] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] et le condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt-cinq.