N° F 24-86.167 F-D
N° 00212
SL2
22 JANVIER 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 JANVIER 2025
L'association [1], agissant en qualité d'administrateur ad hoc de la mineure [D] [T], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 22 octobre 2024, qui a renvoyé X se disant M. [R] [E] devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'agressions sexuelles aggravées.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'association [1], agissant en qualité d'administrateur ad hoc de [D] [T], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [R] [E] a été mis en examen pour viols, commis entre le 1er janvier et le 12 mai 2023, sur [D] [T], mineure de 15 ans, et placé en détention provisoire.
3. Par ordonnance du 19 août 2024, le juge d'instruction, après un non-lieu partiel, a requalifié les faits en agression sexuelle commise sur mineure de 15 ans et renvoyé M. [E] de ce chef devant le tribunal correctionnel.
4. La partie civile a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que les faits poursuivis pour avoir été commis entre le 1er janvier et le 12 mai 2023 sous la qualification de viol doivent s'analyser en délit d'agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans et a ordonné la requalification des faits en ce sens ainsi que le renvoi de M. [E] devant le tribunal correctionnel du chef d'agression sexuelle aggravée, alors « que tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ; qu'ayant retenu qu'il existait des charges suffisantes que le mis en examen ait commis des agressions sexuelles entre le 1er janvier et le 12 mai 2023 au regard des déclarations de l'enfant qui a précisé qu'il avait eu un comportement identique à celui constaté le 12 mai 2023, sans rechercher s'il ne résultait pas de ce que, dans ces mêmes déclarations, l'enfant faisait état d'un acte bucco-génital, des charges suffisantes d'avoir commis un crime de viol, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision au regard de l'article 222-23 du code pénal dans sa version issue de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 et des articles 181 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 222-23, alinéa 1er, du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, et 181-1 du code de procédure pénale :
6. Aux termes du premier de ces textes, tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.
7. Selon le second, s'il existe à l'issue de l'information des charges suffisantes contre la personne d'avoir commis un crime puni de vingt ans de réclusion criminelle, elle est mise en accusation par le juge d'instruction devant la cour criminelle départementale.
8. Pour qualifier les faits d'agression sexuelle et renvoyer M. [E] devant le tribunal correctionnel, l'arrêt attaqué énonce qu'il ne résulte du dossier aucun élément permettant d'établir une pénétration sexuelle de quelque nature qu'elle soit, ni tentative de pénétration.
9. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des propres constatations des juges qu'ils ont retenu, entre le 1er janvier et le 11 mai 2023, l'existence de charges suffisantes d'avoir commis un acte bucco-génital par violence, contrainte, menace ou surprise sur [D] [T], la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés.
10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 22 octobre 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt-cinq.