N° R 24-83.370 F-B
N° 00043
ODVS
21 JANVIER 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 JANVIER 2025
MM. [P] [R], [O] [S], [N] [S] et [T] [M] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, en date du 15 mai 2024, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs notamment d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 9 août 2024, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [P] [R], [O] [S], [N] [S], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [T] [M], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés entre les 9 et 12 mai 2023, MM. [P] [R], [O] [S], [N] [S] et [T] [M] ont, entre les 3 et 9 novembre 2023, déposé des requêtes aux fins d'annulation d'actes et de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le second moyen proposé pour M. [M]
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche en ce qu'elle critique le renouvellement de la mesure de géolocalisation du véhicule immatriculé [Immatriculation 1], et le quatrième moyen, proposés pour M. [O] [S]
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche en ce qu'elle critique le renouvellement de la mesure de géolocalisation du véhicule immatriculé [Immatriculation 1], proposé pour M. [N] [S]
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche en ce qu'elle critique le renouvellement de la mesure de géolocalisation du véhicule immatriculé [Immatriculation 1], et pris en ses deux branches en ce qu'elles critiquent la mise en place de dispositifs d'interception et de géolocalisation d'une ligne téléphonique ainsi que le renouvellement de ces mesures, et le second moyen, proposés pour M. [R]
3. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur les premiers moyens proposés pour MM. [O] et [N] [S]
Enoncé des moyens
4. Le premier moyen proposé pour M. [O] [S] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens d'annulation d'actes d'instruction présentés par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure pour le surplus, alors :
« 1°/ d'une part qu'il ne peut être recouru à un dispositif de géolocalisation ou d'interception téléphonique que sur autorisation écrite et motivée de l'autorité judiciaire ; que cette autorisation doit viser les éléments précis et circonstanciés de la procédure qui justifient que les résultats escomptés ne pouvaient être obtenus par un moyen moins coercitif, de sorte que les mesures envisagées sont bien nécessaires et proportionnées au but poursuivi ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que les autorisations de géolocalisation du véhicule BMW immatriculé [Immatriculation 1] et d'interception et de géolocalisation de la ligne téléphonique 06.95.08.09.93, utilisés par l'exposant, n'étaient pas régulièrement motivées, dès lors que celles-ci ne faisaient aucune référence à la nécessité et à la proportionnalité de ces mesures spécifiques, particulièrement attentatoires à la vie privée, ni à l'impossibilité d'obtenir les résultats escomptés par un moyen moins attentatoire à la vie privée, et se bornaient à affirmer que les mesures litigieuses étaient utiles ou nécessaires à la manifestation de la vérité ; qu'en retenant, pour dire ces autorisations régulières, que le juge d'instruction avait régulièrement motivé ses décisions en « usant du pouvoir d'appréciation qu'il tient de l'article 81 du code de procédure pénale de procéder conformément à la loi à tous les actes utiles à la manifestation de la vérité », quand ce pouvoir ne permet pas au juge de se soustraire aux exigences conventionnelles et légales tirées de la nécessité de ne pas porter une atteinte injustifiée à la vie privée, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 230-32 et 230-33, 100 et 100-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part qu'il en va d'autant plus ainsi que ne motive pas sa décision au regard des éléments précis et circonstanciés de la procédure le juge d'instruction qui, pour justifier que les mesures qu'il autorise sont nécessaires et proportionnées, se fonde essentiellement sur des renseignements anonymes non-corroborés par d'autres éléments de la procédure et dès lors dépourvus de toute valeur probante ; qu'au cas d'espèce, pour motiver les autorisations de mise en place des dispositifs litigieux, le juge d'instruction s'est fondé sur « plusieurs renseignements », émanant de « plusieurs sources différentes » non-identifiées ; qu'une telle motivation ne saurait répondre aux exigences précitées ; qu'en affirmant néanmoins que « c'est par une décision parfaitement motivée, s‘appuyant sur des éléments d'enquête et sur des renseignements dont l'utilisation n'est pas prohibée par la loi puisque susceptibles de servir de socle à une enquête préliminaire, que le juge d'instruction a, par une décision permettant d'en apprécier la proportionnalité, autorisé l'écoute et la géolocalisation critiquée », la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 230-32 et 230-33, 100 et 100-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ enfin que l'inexistence ou l'irrégularité des motifs par lesquels le juge justifie la nécessité et la proportionnalité des mesures attentatoires à la vie privée qu'il autorise fait grief à tout personne qui a été concernée par le dispositif ainsi autorisé ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que les dispositifs mis en uvre sur la base des autorisations susvisées dont il critiquait la motivation le concernaient directement, puisqu'ils avaient conduit les enquêteurs à prendre connaissance de ses déplacements et de ses conversations téléphoniques ; qu'une telle atteinte à la vie privée caractérisait un grief qui devait entraîner l'annulation de ces mesures ; qu'en retenant néanmoins, pour affirmer que l'exposant ne démontrait pas avoir subi un grief résultant des irrégularités susvisées, que « l'encadrement par la loi du recours à un moyen de géolocalisation répond à la nécessité, au regard de l'article 8 alinéa 2 de la CEDH de prévoir les contours de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constitue la mise en place d'un tel procédé comme l'invoque le requérant » et qu' « il appartient au requérant en conséquence de la nature de l'intérêt protégé de démontrer l'effectivité de l'atteinte à sa vie privée or ce dernier n'allègue ni ne démontre qu'il a été porté atteinte au respect de son droit à la vie privée », cependant qu'ils relevaient eux-mêmes qu' « il est constant qu'[O] [S] était l'utilisateur habituel du véhicule géolocalisé et que cette géolocalisation a permis de relever à son encontre des éléments d'implication dans le cadre d'un trafic de stupéfiant » et qu' « il est constant qu'[O] [S] était l'utilisateur de la ligne téléphonique écoutée et géolocalisé et que cette mesure a permis de relever à son encontre des éléments d'implication dans le cadre d'un trafic de stupéfiant », la Chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 171 et 802, 230-32 et 230-33, 100 et 100-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
5. Le premier moyen proposé pour M. [N] [S] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens d'annulation d'actes d'instruction présentés par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure pour le surplus, alors :
« 1°/ d'une part qu'il ne peut être recouru à un dispositif de géolocalisation ou d'interception téléphonique que sur autorisation écrite et motivée de l'autorité judiciaire ; que cette autorisation doit viser les éléments précis et circonstanciés de la procédure qui justifient que les résultats escomptés ne pouvaient être obtenus par un moyen moins coercitif, de sorte que les mesures envisagées sont bien nécessaires et proportionnées au but poursuivi ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que les autorisations d'interception et de géolocalisation de la ligne téléphonique 07.68.29.15.53, utilisée par l'exposant, n'étaient pas régulièrement motivées, dès lors que celles-ci ne faisaient aucune référence à la nécessité et à la proportionnalité de ces mesures spécifiques, particulièrement attentatoires à la vie privée, ni à l'impossibilité d'obtenir les résultats escomptés par un moyen moins attentatoire à la vie privée, et se bornaient à affirmer que les mesures litigieuses étaient utiles ou nécessaires à la manifestation de la vérité ; qu'en retenant, pour dire ces autorisations régulières, que le juge d'instruction avait régulièrement motivé ses décisions en « usant du pouvoir d'appréciation qu'il tient de l'article 81 du code de procédure pénale de procéder conformément à la loi à tous les actes utiles à la manifestation de la vérité », quand ce pouvoir ne permet pas au juge de se soustraire aux exigences conventionnelles et légales tirées de la nécessité de ne pas porter une atteinte injustifiée à la vie privée, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 230-32 et 230-33, 100 et 100-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part qu'il en va d'autant plus ainsi que ne motive pas sa décision au regard des éléments précis et circonstanciés de la procédure le juge d'instruction qui, pour justifier que les mesures qu'il autorise sont nécessaires et proportionnées, se fonde essentiellement sur des renseignements anonymes non-corroborés par d'autres éléments de la procédure et dès lors dépourvus de toute valeur probante ; qu'au cas d'espèce, pour motiver les autorisations de mise en place des dispositifs litigieux, le juge d'instruction s'est fondé sur « plusieurs renseignements », émanant de « plusieurs sources différentes » non-identifiées ; qu'une telle motivation ne saurait répondre aux exigences précitées ; qu'en affirmant néanmoins que « c'est par une décision parfaitement motivée, s‘appuyant sur des éléments d'enquête et sur des renseignements dont l'utilisation n'est pas prohibée par la loi puisque susceptibles de servir de socle à une enquête préliminaire, que le juge d'instruction a, par une décision permettant d'en apprécier la proportionnalité, autorisé l'écoute et la géolocalisation critiquée », la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 230-32 et 230-33, 100 et 100-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ enfin que l'inexistence ou l'irrégularité des motifs par lesquels le juge justifie la nécessité et la proportionnalité des mesures attentatoires à la vie privée qu'il autorise fait grief à tout personne qui a été concernée par le dispositif ainsi autorisé ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que les dispositifs mis en uvre sur la base des autorisations susvisées dont il critiquait la motivation le concernaient directement, puisqu'ils avaient conduit les enquêteurs à prendre connaissance de ses déplacements et de ses conversations téléphoniques ; qu'une telle atteinte à la vie privée caractérisait un grief qui devait entraîner l'annulation de ces mesures ; qu'en retenant néanmoins, pour affirmer que l'exposant ne démontrait pas avoir subi un grief résultant des irrégularités susvisées, que « l'encadrement par la loi du recours à un moyen de géolocalisation répond à la nécessité, au regard de l'article 8 alinéa 2 de la CEDH de prévoir les contours de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constitue la mise en place d'un tel procédé comme l'invoque le requérant » et qu' « il appartient au requérant en conséquence de la nature de l'intérêt protégé de démontrer l'effectivité de l'atteinte à sa vie privée or [N] [S] ne démontre pas qu'il a été porté atteinte à son droit à la vie privée», cependant qu'ils relevaient eux-mêmes qu' « il est constant que [N] [S] était l'utilisateur de la ligne téléphonique écoutée et géolocalisé et que cette mesure a permis de relever à son encontre des éléments d'implication dans le cadre d'un trafic de stupéfiant », la Chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 171 et 802, 230-32 et 230-33, 100 et 100-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Les moyens sont réunis.
7. Pour rejeter les moyens pris de l'insuffisance des motifs des ordonnances prescrivant et autorisant diverses mesures d'interception téléphonique et de géolocalisation, l'arrêt attaqué énonce que le juge d'instruction, par une motivation permettant de mesurer l'ampleur du trafic et la dangerosité de ses participants, a décrit la progression et l'enchaînement des investigations permettant de comprendre comment l'enquête, ouverte à l'origine pour extorsion de fonds, a fait apparaître un contexte de trafic de produits stupéfiants et comment, après la mise en cause notamment d'une personne au domicile de laquelle ont été découverts des produits stupéfiants, des espèces et des armes, elle est remontée jusqu'à M. [O] [S], susceptible de prendre part à ce trafic et au blanchiment de son produit.
8. Les juges ajoutent que le magistrat instructeur a également fait mention de renseignements obtenus par les enquêteurs, désignant M. [O] [S] comme pouvant se trouver à la tête d'un important réseau de revente de résine de cannabis, ces renseignements faisant sens avec les éléments déjà obtenus.
9. Ils constatent encore que les intéressés n'allèguent ni ne démontrent en quoi il aurait été porté atteinte à leur vie privée.
10. C'est à tort que la chambre de l'instruction s'est déterminée notamment par le fait que les requérants n'alléguaient ni ne démontraient en quoi une éventuelle motivation insuffisante des décisions prescrivant et autorisant les mesures critiquées aurait pu porter atteinte à leurs intérêts.
11. En effet, l'absence de motivation régulière, en ce qu'elle interdit tout contrôle réel et effectif des mesures mises en oeuvre, fait nécessairement grief aux intérêts des personnes concernées.
12. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure, en ce que la chambre de l'instruction a aussi constaté, à juste titre, que le juge d'instruction, par une motivation concrète se rapportant aux circonstances de l'affaire, et précisant la finalité poursuivie par les diverses mesures, avait justifié la nécessité et la proportionnalité de celles-ci, les mêmes motifs induisant qu'il ne pouvait recourir à des moyens moins attentatoires à la vie privée pour parvenir à cette finalité.
13. En outre, elle a relevé que les renseignements obtenus par les enquêteurs se trouvaient corroborés par les éléments de l'enquête initiale laissant entrevoir un trafic de stupéfiants d'ampleur auquel M. [O] [S] paraissait lié.
14. Les moyens doivent, dès lors, être écartés.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche en ce qu'elle critique l'absence de contrôle juridictionnel lors de la mise en place de mesures de géolocalisation et d'interception téléphonique, proposé pour M. [O] [S]
Sur le second moyen, pris en sa première branche en ce qu'elle critique l'absence de contrôle juridictionnel lors de la mise en place de mesures de géolocalisation et d'interception téléphonique, proposé pour M. [N] [S]
Sur le premier moyen, pris en sa première branche en ce qu'elle critique l'absence de contrôle juridictionnel lors de la mise en place d'une mesure de géolocalisation, proposé pour M. [R]
Enoncé des moyens
15. Le deuxième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [O] [S] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens d'annulation d'actes d'instruction présentés par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure pour le surplus « alors d'une part que la nécessité et la proportionnalité d'une technique d'enquête par nature attentatoire à la vie privée doit s'apprécier au jour où elle est mise en uvre ; que si le juge d'instruction peut autoriser une telle mesure pendant une durée qui ne commencera à courir qu'au jour de sa mise en uvre effective, encore doit-il, pour garantir l'effectivité de son contrôle, s'assurer de la persistance de la nécessité et de la proportionnalité de cette mesure au jour de cette mise en uvre ; que lorsqu'une opération de géolocalisation ou d'interception téléphonique a été délivrée dans de telles conditions, il appartient aux enquêteurs de recueillir l'avis préalable, serait-il même oral, de ce magistrat, et de justifier de l'accomplissement de cette formalité en procédure ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure, d'une part que le juge d'instruction a autorisé, le 8 février 2022, la mise en place d'un dispositif de géolocalisation qui n'a finalement été mis en place que le 8 avril 2022, soit deux mois plus tard, et d'autre part qu'il a autorisé, le 7 octobre 2021, la mise en place d'un dispositif d'interception et de géolocalisation de ligne téléphonique qui n'a toutefois été effectivement installé que le 10 octobre 2021 ; que la défense était fondée à faire valoir qu'à défaut de contrôle juridictionnel concomitant à leur mise en place, ces mesures ne pouvaient excéder une durée maximale légale qui courait à compter des décisions par lesquelles le juge les avait autorisées ; qu'en refusant purement et simplement de s'assurer que le délai de mise en place des autorisations délivrées par le juge d'instruction était compatible avec la durée pour laquelle il avait autorisé ces opérations, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 100-2, 230-33, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
16. Le second moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [O] [S], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens d'annulation d'actes d'instruction présentés par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure pour le surplus « alors d'une part que la nécessité et la proportionnalité d'une technique d'enquête par nature attentatoire à la vie privée doit s'apprécier au jour où elle est mise en uvre ; que si le juge d'instruction peut autoriser une telle mesure pendant une durée qui ne commencera à courir qu'au jour de sa mise en uvre effective, encore doit-il, pour garantir l'effectivité de son contrôle, s'assurer de la persistance de la nécessité et de la proportionnalité de cette mesure au jour de cette mise en uvre ; que lorsqu'une opération de géolocalisation ou d'interception téléphonique a été délivrée dans de telles conditions, il appartient aux enquêteurs de recueillir l'avis préalable, serait-il même oral, de ce magistrat, et de justifier de l'accomplissement de cette formalité en procédure ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure, d'une part que le juge d'instruction a autorisé, le 8 février 2022, la mise en place d'un dispositif de géolocalisation qui n'a finalement été mis en place que le 8 avril 2022, soit deux mois plus tard, et d'autre part qu'il a autorisé, le 7 octobre 2021, la mise en place d'un dispositif d'interception et de géolocalisation de ligne téléphonique qui n'a toutefois été effectivement installé que le 10 octobre 2021 ; que la défense était fondée à faire valoir qu'à défaut de contrôle juridictionnel concomitant à leur mise en place, ces mesures ne pouvaient excéder une durée maximale légale qui courait à compter des décisions par lesquelles le juge les avait autorisées ; qu'en refusant purement et simplement de s'assurer que le délai de mise en place des autorisations délivrées par le juge d'instruction était compatible avec la durée pour laquelle il avait autorisé ces opérations, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 100-2, 230-33, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
17. Le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [R], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens d'annulation d'actes d'instruction présentés par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure pour le surplus : « alors d'une part que la nécessité et la proportionnalité d'une technique d'enquête par nature attentatoire à la vie privée doit s'apprécier au jour où elle est mise en uvre ; que si le juge d'instruction peut autoriser une telle mesure pendant une durée qui ne commencera à courir qu'au jour de sa mise en uvre effective, encore doit-il, pour garantir l'effectivité de son contrôle, s'assurer de la persistance de la nécessité et de la proportionnalité de cette mesure au jour de cette mise en uvre ; que lorsqu'une opération de géolocalisation ou d'interception téléphonique a été délivrée dans de telles conditions, il appartient aux enquêteurs de recueillir l'avis préalable, serait-il même oral, de ce magistrat, et de justifier de l'accomplissement de cette formalité en procédure ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure, d'une part que le juge d'instruction a autorisé, le 8 février 2022, la mise en place d'un dispositif de géolocalisation qui n'a finalement été mis en place que le 8 avril 2022, soit deux mois plus tard, et d'autre part qu'il a autorisé, le 7 octobre 2021, la mise en place d'un dispositif d'interception et de géolocalisation de ligne téléphonique qui n'a toutefois été effectivement installé que le 10 octobre 2021 ; que la défense était fondée à faire valoir qu'à défaut de contrôle juridictionnel concomitant à leur mise en place, ces mesures ne pouvaient excéder une durée maximale légale qui courait à compter des décisions par lesquelles le juge les avait autorisées ; qu'en refusant purement et simplement de s'assurer que le délai de mise en place des autorisations délivrées par le juge d'instruction était compatible avec la durée pour laquelle il avait autorisé ces opérations, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 100-2, 230-33, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
18. Les moyens sont réunis.
19. L'arrêt attaqué ne contient pas de motifs sur l'insuffisance du contrôle qui aurait été exercé par le juge d'instruction en particulier lors de la mise en place des dispositifs techniques quelques temps après la délivrance de ses autorisations.
20. Il apparaît que ce grief, commun aux trois moyens, n'a pas été soulevé devant la chambre de l'instruction.
21. Mélangé de fait et de droit, il doit être déclaré irrecevable.
Sur le troisième moyen proposé pour M. [O] [S]
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens d'annulation d'actes d'instruction présentés par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure pour le surplus, alors « que seuls peuvent utiliser un logiciel de rapprochement judiciaire, soit les enquêteurs spécialement et individuellement habilités à cette fin, soit les tiers requis à cette fin et disposant eux-mêmes d'une telle habilitation ; que lorsqu'il existe en procédure un doute quant à l'utilisation par les enquêteurs d'un tel logiciel de rapprochement judiciaire, les juges et doivent vérifier, au besoin en ordonnant un supplément d'information, si un tel logiciel a été utilisé et, le cas échéant, si l'enquêteur qui a procédé à cette utilisation était régulièrement habilité à cette fin ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que, même en l'absence d'une telle mention, la présentation du procès-verbal d'exploitation de la facturation détaillée de la ligne téléphonique utilisée par l'exposant et le contenu même de cet acte laissaient transparaître sans aucun doute possible qu'il avait été recouru à un logiciel de rapprochement judiciaire, comme cela avait d'ailleurs été le cas pour l'ensemble des autres exploitations de fadets figurant au dossier ; qu'en postulant purement et simplement, sans ordonner aucune vérification sur ce point, qu'à défaut de mention explicite en ce sens, les enquêteurs devaient être regardés comme n'ayant pas utilisé un logiciel de rapprochement judiciaire, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 230-25 et R. 40-39, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
23. Pour rejeter le moyen de nullité du procès-verbal d'exploitation de la facturation détaillée de la ligne téléphonique utilisée par le requérant, l'arrêt attaqué énonce que, s'il est exact que trois autres procès-verbaux font mention de l'utilisation du logiciel de rapprochement judiciaire dit application de traitement des relations transactionnelles (ATRT) lors de l'exploitation des lignes téléphoniques d'autres personnes, il ne saurait être déduit de la similitude de présentation et de détails dans l'analyse que, lors de l'exploitation de celle du requérant, l'officier de police judiciaire aurait utilisé, sans en faire mention, ce logiciel, alors même que, auteur de deux des trois procès-verbaux de comparaison, il en a fait mention.
24. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision de ne pas ordonner un supplément d'information, dont l'opportunité relève de sa seule appréciation souveraine.
25. Le moyen doit, dès lors, encore être écarté.
Mais sur le premier moyen proposé pour M. [M]
Et sur le deuxième moyen, en ce qu'il critique le renouvellement des mesures d'interception et de géolocalisation d'une ligne téléphonique, proposé pour M. [O] [S]
Et sur le second moyen, en ce qu'il critique le renouvellement des mesures d'interception et de géolocalisation d'une ligne téléphonique, proposé pour M. [N] [S]
Enoncé des moyens
26. Le premier moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité du maintien de l'interception et de la géolocalisation de la ligne téléphonique 06.61.97.50.17 appartenant à M. [M] au-delà du 7 février 2023 ainsi que de tous les actes subséquents, alors « que lorsque le magistrat autorise une mesure intrusive dans la vie privée résultant d'une technique spéciale d'enquête « à compter de ce jour » c'est-à-dire du jour de sa décision, pour une durée limitée, il n'entend pas prolonger au-delà de cette durée l'autorisation en cause et considère nécessairement qu'après l'expiration de ce délai, le caractère nécessaire et proportionné de la mesure devra à nouveau être évalué par lui ; en considérant que la durée de la mesure ne court que du jour où elle a été effectivement mise en place par l'officier de police judiciaire, date que ne connaît pas le magistrat prescripteur, et que par conséquent le renouvellement peut être effectué à compter de l'expiration du délai initialement prévu, mais calculé à partir de la mise en place effective de la mesure, la chambre de l'instruction a privé le magistrat prescripteur de tout pouvoir de contrôle et violé les articles 8 de la Cour européenne des droits de l'homme, 100-1, 100-2, 230-32 et suivants du code de procédure pénale. »
27. Le deuxième moyen proposé pour M. [O] [S] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens d'annulation d'actes d'instruction présentés par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure pour le surplus, alors :
« 1°/ d'une part que la nécessité et la proportionnalité d'une technique d'enquête par nature attentatoire à la vie privée doit s'apprécier au jour où elle est mise en uvre ; que si le juge d'instruction peut autoriser une telle mesure pendant une durée qui ne commencera à courir qu'au jour de sa mise en uvre effective, encore doit-il, pour garantir l'effectivité de son contrôle, s'assurer de la persistance de la nécessité et de la proportionnalité de cette mesure au jour de cette mise en uvre ; que lorsqu'une opération de géolocalisation ou d'interception téléphonique a été délivrée dans de telles conditions, il appartient aux enquêteurs de recueillir l'avis préalable, serait-il même oral, de ce magistrat, et de justifier de l'accomplissement de cette formalité en procédure ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure, d'une part que le juge d'instruction a autorisé, le 8 février 2022, la mise en place d'un dispositif de géolocalisation qui n'a finalement été mis en place que le 8 avril 2022, soit deux mois plus tard, et d'autre part qu'il a autorisé, le 7 octobre 2021, la mise en place d'un dispositif d'interception et de géolocalisation de ligne téléphonique qui n'a toutefois été effectivement installé que le 10 octobre 2021 ; que la défense était fondée à faire valoir qu'à défaut de contrôle juridictionnel concomitant à leur mise en place, ces mesures ne pouvaient excéder une durée maximale légale qui courait à compter des décisions par lesquelles le juge les avait autorisées ; qu'en refusant purement et simplement de s'assurer que le délai de mise en place des autorisations délivrées par le juge d'instruction était compatible avec la durée pour laquelle il avait autorisé ces opérations, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 100-2, 230-33, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que si par principe la durée pendant laquelle une technique d'enquête attentatoire à la vie privée est autorisée ne court qu'à compter de sa mise en place effective, il en va autrement lorsque le juge précise explicitement dans son autorisation que ce délai court « à compter de ce jour » ; que tel était le cas en l'espèce, de sorte que les mesures de prolongation des dispositifs litigieux, intervenus dans un délai de quatre mois à compter non pas des autorisations du juge, mais de la mise en place effective des techniques autorisées, étaient irrégulières ; qu'en affirmant à l'inverse que « malgré la formule "à compter de ce jour" de la commission rogatoire, l'autorisation [
] n'est entrée en vigueur qu'à compter du moment où le dispositif a été mis en place », la Chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 100-2, 230-33, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
28. Le second moyen proposé pour M. [N] [S] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens d'annulation d'actes d'instruction présentés par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure pour le surplus, alors :
« 1°/ d'une part que la nécessité et la proportionnalité d'une technique d'enquête par nature attentatoire à la vie privée doit s'apprécier au jour où elle est mise en uvre ; que si le juge d'instruction peut autoriser une telle mesure pendant une durée qui ne commencera à courir qu'au jour de sa mise en uvre effective, encore doit-il, pour garantir l'effectivité de son contrôle, s'assurer de la persistance de la nécessité et de la proportionnalité de cette mesure au jour de cette mise en uvre ; que lorsqu'une opération de géolocalisation ou d'interception téléphonique a été délivrée dans de telles conditions, il appartient aux enquêteurs de recueillir l'avis préalable, serait-il même oral, de ce magistrat, et de justifier de l'accomplissement de cette formalité en procédure ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure, d'une part que le juge d'instruction a autorisé, le 8 février 2022, la mise en place d'un dispositif de géolocalisation qui n'a finalement été mis en place que le 8 avril 2022, soit deux mois plus tard, et d'autre part qu'il a autorisé, le 7 octobre 2021, la mise en place d'un dispositif d'interception et de géolocalisation de ligne téléphonique qui n'a toutefois été effectivement installé que le 10 octobre 2021 ; que la défense était fondée à faire valoir qu'à défaut de contrôle juridictionnel concomitant à leur mise en place, ces mesures ne pouvaient excéder une durée maximale légale qui courait à compter des décisions par lesquelles le juge les avait autorisées ; qu'en refusant purement et simplement de s'assurer que le délai de mise en place des autorisations délivrées par le juge d'instruction était compatible avec la durée pour laquelle il avait autorisé ces opérations, la Chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 100-2, 230-33, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que si par principe la durée pendant laquelle une technique d'enquête attentatoire à la vie privée est autorisée ne court qu'à compter de sa mise en place effective, il en va autrement lorsque le juge précise explicitement dans son autorisation que ce délai court « à compter de ce jour » ; que tel était le cas en l'espèce, de sorte que les mesures de prolongation des dispositifs litigieux, intervenus dans un délai de quatre mois à compter non pas des autorisations du juge, mais de la mise en place effective des techniques autorisées, étaient irrégulières ; qu'en affirmant à l'inverse que « malgré la formule "à compter de ce jour" de la commission rogatoire, l'autorisation [
] n'est entrée en vigueur qu'à compter du moment où le dispositif a été mis en place », la Chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 100-2, 230-33, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
29. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 100-2 et 230-33 du code de procédure pénale :
30. Il résulte de ces textes que le renouvellement de la prescription d'une mesure d'interception, enregistrement et transcription des correspondances émises par la voie des communications électroniques et d'une autorisation de mise en place d'un dispositif de géolocalisation en temps réel doit intervenir avant l'expiration de la mesure précédente.
31. La mesure initiale expire à l'issue de la durée qui lui a été fixée, calculée selon les mentions de la décision la prescrivant ou l'autorisant. Dans le silence de la décision, le point de départ de cette durée se situe à la date de la mise en place du dispositif technique nécessaire à la réalisation de la mesure.
32. Pour rejeter les moyens de nullité du renouvellement des mesures d'interception et de géolocalisation mises en oeuvre sur les lignes téléphoniques utilisées par les requérants, l'arrêt attaqué énonce que, malgré la formule « à compter de ce jour » figurant aux commissions rogatoires du 7 octobre 2021, l'autorisation de mise en oeuvre de ces mesures n'est entrée en vigueur qu'à compter du moment où les dispositifs ont été mis en place, le 10 octobre suivant, de sorte que les mesures initiales, d'une durée de quatre mois, ont expiré le 10 février 2022 et que leur renouvellement, le 8 février 2022, est intervenu avant cette échéance.
33. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
34. En effet, en présence de décisions du juge fixant le point de départ de la durée des mesures qu'il prescrivait ou autorisait à la date de ses décisions, elle ne pouvait repousser ce point de départ à la date de pose des dispositifs techniques.
35. Les mesures initiales expirant le 7 février 2022, il s'ensuit que leur prolongation, par décisions du 8 février 2022, était irrégulière.
36. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, en date du 15 mai 2024, mais en ses seules dispositions ayant rejeté les moyens de nullité du renouvellement des mesures d'interception, enregistrement et transcription de correspondances et de géolocalisation en temps réel des lignes téléphoniques attribuées à MM. [M], [O] [S] et [N] [S], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille vingt-cinq.