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16/01/2025 | FRANCE | N°23-16.122

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 16 janvier 2025, 23-16.122


CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 janvier 2025




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 30 F-D

Pourvoi n° Z 23-16.122




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025

La société Maisons Happy, société par actions simpli

fiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 23-16.122 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), ...

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 janvier 2025




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 30 F-D

Pourvoi n° Z 23-16.122




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025

La société Maisons Happy, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 23-16.122 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [O] [L],

2°/ à Mme [Z] [P],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

3°/ à M. [Y] [W], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Maisons Happy, de Me Isabelle Galy, avocat de M. [L] et de Mme [P], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 4 avril 2023), M. [L] et Mme [P] (les maîtres de l'ouvrage) ont conclu avec la société Maisons Happy (le constructeur) un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) avec fourniture du plan.

2. Par contrat séparé et avenant, ils ont donné mission à M. [W], architecte (l'architecte), de réaliser l'esquisse, l'avant-projet simplifié et le dépôt de la demande du permis de construire.

3. Alors que le terrassement et divers travaux préparatoires avaient commencé, le permis de construire a été annulé par jugement irrévocable d'un tribunal administratif, au motif que l'implantation de la construction ne respectait pas le recul d'au moins 4 mètres par rapport à la limite séparative exigé au plan local d'urbanisme (PLU).

4. Les maîtres de l'ouvrage ont assigné le constructeur en résolution du contrat de construction et indemnisation de leur préjudice. Celui-ci a assigné l'architecte en garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le constructeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution du contrat de construction de maison individuelle, à ses torts, et de le condamner à payer aux maîtres de l'ouvrage une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d'appel a constaté que les conditions suspensives stipulées au contrat conclu avec la société, relatives à l'obtention d'une assurance dommages-ouvrage et d'une garantie de livraison, n'étaient pas réalisées au 22 décembre 2016, ni au demeurant après cette date, ce qui devait entraîner la caducité du contrat, mais que le constructeur, en déclarant l'ouverture du chantier dès le 8 juin 2016 et en faisant commencer les travaux de terrassement alors que les conditions suspensives n'étaient encore ni remplies ni défaillies et que le délai de réalisation allait courir encore pendant plus de six mois, avait implicitement renoncé à se prévaloir de la caducité qui pouvait résulter de leur éventuelle défaillance ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la renonciation de la société au bénéfice des conditions suspensives prévues par le contrat, sans inviter, au préalable, les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

6. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

7. Pour rejeter la demande du constructeur aux fins de voir prononcer la caducité du CCMI résultant de la non-réalisation au plus tard le 22 décembre 2016 de certaines des conditions suspensives, l'arrêt retient que celui-ci, en déclarant l'ouverture du chantier dès le 8 juin précédent et en faisant commencer les travaux de terrassement, alors que les conditions suspensives n'étaient encore ni remplies ni défaillies et que le délai de réalisation allait courir encore pendant plus de six mois, a implicitement renoncé à se prévaloir de la caducité qui pouvait résulter de leur éventuelle défaillance.

8. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de la renonciation à se prévaloir de la non-réalisation des conditions suspensives, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. Le constructeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de garantie formée contre l'architecte, alors « que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'à supposer que, pour rejeter son appel en garantie contre l'architecte, la cour d'appel ait admis le principe de l'action en garantie fondée sur la responsabilité délictuelle de l'architecte à raison de son manquement contractuel à l'égard des maîtres d'ouvrage, en énonçant néanmoins que sa faute n'était pas la cause du préjudice invoqué par le constructeur, qui était constitué des condamnations prononcées contre celui-ci au profit des maîtres d'ouvrage, et qui résultait des fautes qu'il avait lui-même commises en concevant des plans contraires au PLU et en ne remplissant pas son obligation de conseil, « manquements dans la réalisation desquels [n'avait] aucune part l'architecte », quand elle constatait pourtant que l'architecte avait commis une faute en validant les plans non conformes au PLU que lui avait fournis le constructeur et en les produisant devant l'administration au soutien de la demande de permis de construire et que cette faute pouvait être regardée comme étant en partie la cause des préjudices subis par les maîtres d'ouvrage, ce dont il résultait que le manquement de l'architecte était nécessairement en lien de causalité, à tout le moins en partie, avec le dommage souffert par le constructeur, condamné à indemniser les maîtres d'ouvrage de leurs préjudices, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé
l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

10. Le bien-fondé de l'appel en garantie du responsable d'un dommage contre un tiers est subordonné à la seule démonstration que celui-ci ait commis une faute ayant contribué à la réalisation du préjudice de la victime.

11. Pour rejeter le recours du constructeur contre l'architecte, l'arrêt retient que la faute de celui-ci, tenant au fait qu'il a validé les plans non conformes au PLU que lui avait fournis le constructeur et les a produits devant l'administration au soutien de la demande de permis de construire, n'est pas la cause du préjudice invoqué par ce constructeur.

12. Il précise que ce préjudice, constitué de la condamnation de celui-ci envers les maîtres de l'ouvrage, résulte des fautes qu'il a lui-même commises en concevant des plans contraires au PLU et ne remplissant pas son obligation de conseil, manquements dans la réalisation desquels l'architecte, qui était sans lien contractuel avec lui et n'était donc tenu d'aucun devoir de conseil à son égard, n'a aucune part.

13. En statuant ainsi, après avoir retenu que la faute de l'architecte peut être regardée comme étant en partie la cause des préjudices subis par les maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.


Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs du dispositif de l'arrêt confirmant le jugement ayant prononcé la résolution du contrat de construction de maison individuelle aux torts du constructeur et le condamnant à payer aux maîtres de l'ouvrage une certaine somme à titre d'indemnisation de leur préjudice entraîne la cassation des chefs du dispositif confirmant le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles et statuant sur les dépens d'appel, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne M. [L] et Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-16.122
Date de la décision : 16/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon 01


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 16 jan. 2025, pourvoi n°23-16.122


Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.16.122
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