CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 janvier 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 21 F-D
Pourvoi n° Q 23-10.133
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025
1°/ la société HPA Holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Groupe Garrigae et anciennement domiciliée [Adresse 8],
2°/ la société [E] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de Mme [L] [E], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société JSB, anciennement dénommée [Adresse 7],
ont formé le pourvoi n° Q 23-10.133 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [P] [F],
2°/ à Mme [O] [W], épouse [F],
tous deux domiciliés [Adresse 1] (Irlande),
3°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ à la société Stéphane Grosjean et Frédéric Schuller, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], anciennement société Benedetti Grosjean Gally Dariscon,
5°/ à la société Taurean Properties-Sharkey Mink Limited Trading As Taurean Properties, dont le siège est [Adresse 6] (Irlande),
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés HPA Holding et [E] Yang-Ting, ès qualités, de Me Haas, avocat de M. et Mme [F], après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société [E] Yang-Ting, prise en la personne de Mme [E], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société JSB, anciennement dénommée [Adresse 7], de sa reprise d'instance.
Désistement partiel
2. Il est donné acte aux sociétés HPA Holding, anciennement dénommée Groupe Garrigae, et [E] Yang-Ting, ès qualités, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société civile professionnelle Stéphane Grosjean et Frédéric Schuller, anciennement dénommée Benedetti Grosjean Gally Dariscon, ainsi que la société Taurean Properties-Sharkey Mink Limited Trading As Taurean Properties.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 septembre 2022, rectifié le 20 avril 2023), M. et Mme [F], ressortissants irlandais (les acquéreurs), ont conclu avec la société civile de construction vente [Adresse 7] (le vendeur) un contrat de réservation d'une maison meublée dans une résidence de tourisme en France, acte comportant une promesse de bail commercial au profit de la société Garrigae Hotels And Resorts (le preneur).
4. Par acte authentique du 18 septembre 2008, les parties ont signé la vente en l'état futur d'achèvement de ce bien réservé au prix de 282 256 euros toutes taxes comprises, somme partiellement financée par un prêt souscrit auprès de la Société générale (le prêteur).
5. Par acte du 24 janvier 2012, les acquéreurs ont conclu avec le preneur et le vendeur un avenant au bail mentionnant une substitution de preneur, une réduction des loyers et un abandon de ceux-ci pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2011.
6. Dénonçant une rentabilité décevante de l'opération immobilière présentée à l'origine par la société Taurean Properties, les acquéreurs ont assigné la société Groupe Garrigae, devenue la société HPA Holding, auteur de la plaquette commerciale, le vendeur et le prêteur en annulation de la vente pour dol et en paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et cinquième moyens
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, les deux premiers n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation, le dernier étant irrecevable.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
8. Le vendeur et la société HPA Holding font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer aux acquéreurs la somme de 63 122 euros au titre de la restitution de leur apport personnel, en plus de la somme de 282 256 euros avec intérêts, alors « que la nullité du contrat pour dol ne peut donner lieu au paiement de dommages-intérêts que dans la seule mesure où un préjudice subsiste malgré les restitutions réciproques consécutives à la nullité ; qu'en condamnant, après avoir prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la société [Adresse 7] et M. et Mme [F] pour dol, d'une part, le vendeur à restituer le prix de vente TTC de 282 256 euros aux acquéreurs, d'autre part, les deux sociétés à régler aux acquéreurs la somme de 63 122 euros en restitution de leur apport personnel, nécessairement comprise dans le prix de vente, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. Il résulte de ce texte que, la nullité emportant l'anéantissement rétroactif du contrat et la remise des parties dans l'état antérieur, celle-ci ne peut donner lieu à des dommages-intérêts qu'à raison d'un préjudice subsistant malgré les restitutions réciproques consécutives à la nullité.
10. Pour condamner in solidum le vendeur et la société HPA Holding à verser aux acquéreurs la somme de 63 122 euros, l'arrêt énonce que ce montant correspond à leur apport personnel effectué dans l'opération globale représentant un coût de 304 980 euros et résultant de l'annulation des conventions.
11. En statuant ainsi, après avoir fait droit à la demande de restitution du prix de vente dont elle avait constaté qu'il était de 282 256 euros, ce dont il résultait qu'un éventuel apport personnel des acquéreurs pour financer l'acquisition du bien leur avait été restitué, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. Le vendeur et la société HPA Holding font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer aux acquéreurs la somme de 19 784,86 euros au titre des frais exposés pour la vente et le prêt alors « que les jugements doivent être motivés ; qu'en condamnant in solidum la société [Adresse 7] et la société HPA Holding à régler à M. et Mme [F] la somme de 19 784,86 euros en précisant qu'elle correspondait « à la restitution des frais de la vente et du prêt », sans expliquer en quoi la somme de 7 726,16 euros réclamée « au titre du mobilier », dont il était souligné que M. et Mme [F] étaient encore propriétaires, pouvait être analysée comme correspondant à des frais engagés au titre de la vente et du prêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
13. Selon ce texte, le jugement doit être motivé.
14. L'arrêt condamne le vendeur et la société HPA Holding à payer aux acquéreurs la somme de 19 784,86 euros au titre de la restitution des frais de vente et de prêt, en y incluant celle de 7 726,16 euros réclamée, par ailleurs, au titre du mobilier.
15. En statuant ainsi, sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum les sociétés [Adresse 7] et HPA Holding à payer à M. et Mme [F] la somme de 63 122 euros en restitution de leur apport personnel et celle de 19 784,86 euros au titre de la restitution des frais de vente et du prêt, l'arrêt rendu le 22 septembre 2022, rectifié le 20 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. et Mme [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt-cinq.