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15/01/2025 | FRANCE | N°23-83.512

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 15 janvier 2025, 23-83.512


N° Z 23-83.512 F-D

N° 00033


MAS2
15 JANVIER 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 JANVIER 2025



M. [J] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 31 mai 2023, qui, pour abus de confiance, fau

x et usage, blanchiment, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle et de gérer, de...

N° Z 23-83.512 F-D

N° 00033


MAS2
15 JANVIER 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 JANVIER 2025



M. [J] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 31 mai 2023, qui, pour abus de confiance, faux et usage, blanchiment, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle et de gérer, des confiscations et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [J] [U], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, Mme Sommier, greffier de chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre présent au prononcé,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 29 janvier 2009, l'[18] ([18]) a porté à la connaissance des services de police des anomalies comptables pouvant impliquer son directeur financier en la personne de M. [J] [U].

3. L'enquête a notamment révélé l'existence de paiements par des sociétés civiles immobilières de la [13] de factures de travaux réalisés sur des biens immobiliers appartenant à une SCI gérée par M. [U] .

4. A l'issue de l'information, M. [U] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, par ordonnance du magistrat instructeur en date du 31 janvier 2018, du chef d'abus de confiance pour avoir fait procéder sur les fonds de diverses sociétés civiles immobilières dont il était le représentant légal, au paiement, de première part, de travaux réalisés dans un appartement et deux maisons situés à [Localité 11] et à [Localité 3] pour des montants respectifs de 28 867 euros et 1 196 927 euros, ainsi que de prestations fictives pour 306 653 euros au profit de la société [2], de deuxième part, de prestations à la société [5] et à la société [16] incluant une rétrocession d'honoraires de montants respectifs de 121 296 euros et 26 192 euros au bénéfice de la société [2], de troisième part, de prestations injustifiées de la part des sociétés [2], [10] et [9], pour des montants respectifs de 9 283 euros, 63 746 euros et 2 949 euros, enfin, de travaux sur un immeuble situé à [Localité 8] pour un montant total de 250 616 euros.

5. Il a également été renvoyé pour avoir falsifié des factures afin de permettre leur enregistrement dans la comptabilité desdites sociétés et dans celle de la [13], et apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un délit, en plaçant des sommes provenant des abus de confiance dans la SCI [15] afin de réaliser des travaux et de percevoir des revenus locatifs.

6. Par jugement du 25 mars 2021, le tribunal correctionnel a relaxé M. [U] des faits d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, l'a déclaré coupable de faux, abus de confiance et blanchiment et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, a ordonné l'affectation des sommes versées au titre du cautionnement et renvoyé l'affaire sur intérêts civils à l'audience du 10 juin 2021.

7. M. [U] a relevé appel de ce jugement ainsi que le procureur de la République.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième et sixième moyens

8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le huitième moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [U] coupable des faits de blanchiment s'agissant des revenus locatifs, alors « que le délit de blanchiment suppose soit le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect soit le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ; qu'en se bornant à retenir que le prévenu avait bénéficié des revenus locatifs générés par les biens immobiliers ayant fait l'objet des travaux financés par les fonds détournés, sans constater une justification mensongère d'un bien ou d'un revenu ni une opération de placement, de de dissimulation ou de conversion, la cour d'appel a violé les articles 324-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

10. Pour déclarer M. [U] coupable de blanchiment du produit de l'abus de confiance, l'arrêt attaqué décrit la démarche spéculative poursuivie par M. [U] qui l'a conduit à acquérir un ensemble immobilier à [Localité 3] et à financer des travaux avec les fonds détournés de la SCI de la [13], afin de le diviser et de l'aménager en logements destinés à la location et précise que le prévenu a ainsi obtenu 27 526 euros de revenus locatifs pour l'année 2009.

11. En l'état de ces énonciations, dont il résulte que les revenus locatifs tirés de l'immeuble, rendus possibles par l'amélioration de celui-ci à l'aide des fonds détournés par le délit d'abus de confiance reproché à M. [U], constituent le produit indirect de ce délit, la cour d'appel a justifié sa décision.

12. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.

Mais sur les quatrième et cinquième moyens

Enoncé des moyens

13. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [U] coupable des faits d'abus de confiance s'agissant de la somme de 121 296 euros versée à la société [2] par la société [5] suite à l'encaissement par celle-ci des honoraires versés par la SCI [17], alors :

« 1°/ que le délit d'abus de confiance suppose qu'un bien ait été détourné au préjudice d'autrui ; que la cour d'appel relève que la société [5] a présenté à la SCI [Adresse 1] une facture d'honoraires d'un montant de 229 966,88 euros pour l'achat d'un immeuble à [Localité 7], que cette facture a été réglée par la SCI [Adresse 1] et qu'ensuite la société [5] a versé à la société [2] la somme totale de 121 296,45 euros ; qu'en se bornant à relever que monsieur [U] aurait profité de cette opération immobilière pour percevoir, par l'intermédiaire de sa société [2], une « retrocommission » injustifiée de la part de la société [5], sans constater que le montant des honoraires facturés par la société [5] à la SCI [Adresse 1] était en tout ou partie dépourvu de contrepartie, ni que le taux de rémunération de 8,70 % n'était pas justifié, et en omettant en conséquence d'établir que le montant des fonds reçus en pleine propriété par la société [5] et reversés ensuite à la société [2] avaient été prélevés sur les fonds de la SCI [Adresse 1] dont le prévenu avait la charge, la cour d'appel a violé les articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que le délit d'abus de confiance suppose qu'un bien ait été détourné au préjudice d'autrui ; que la cour d'appel ajoute que cette « retrocommission » a été créditée sur le compte de la société du prévenu qu'il gérait en sous-main et en violation de son devoir de loyauté vis-à-vis de la mutuelle ; qu'en statuant par un tel motif inopérant à caractériser le détournement d'un bien au préjudice de la SCI [Adresse 1], la cour d'appel a violé les articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

14. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [U] coupable des faits d'abus de confiance s'agissant de la somme de 26 192 euros versée à la société [2] par la société [16] suite à l'encaissement par cette dernière des honoraires versés par la SCI [12], alors :

« 1°/ que le délit d'abus de confiance suppose qu'un bien ait été détourné au préjudice d'autrui ; que la cour d'appel relève que la société [16] a présenté à la société [12] une facture d'honoraires de 358 800 euros pour l'achat d'un bien immobilier à [Localité 14], que cette facture a été réglée par la société [12] et qu'ensuite la société [16] a versé à la société [2] la somme de 26 192 euros ; qu'en se bornant à relever que monsieur [U] aurait profité de cette opération immobilière pour percevoir, par l'intermédiaire de sa société [2], une « retrocommission » injustifiée de la part de la société [16], sans constater que le montant des honoraires facturés par la société [16] à la SCI [12] était en tout ou partie dépourvu de contrepartie et sans établir que le montant des fonds reçus en pleine propriété par la société [16] et reversés ensuite à la société [2] avaient été prélevés sur les fonds de la SCI [12] dont le prévenu avait la charge, la cour d'appel a violé les articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que le délit d'abus de confiance suppose qu'un bien ait été détourné au préjudice d'autrui ; que la cour d'appel ajoute que cette « retrocommission » a été créditée sur le compte de la société du prévenu qu'il gérait en sous-main et en violation de son devoir de loyauté vis-à-vis de la mutuelle ; qu'en statuant par un tel motif inopérant à caractériser le détournement d'un bien au préjudice de la SCI [12], la cour d'appel a violé les articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

15. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

16. Selon le premier de ces textes, l'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé.

17. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

18. Pour déclarer M. [U] coupable d'abus de confiance, l'arrêt attaqué énonce, d'une part, que la SCI [Adresse 1] a réglé la facture d'honoraires d'un montant de 229 966,88 euros émise par la société [5] au titre d'un mandat de recherches la liant à l'[18] et que la société [5] a ensuite versé à la société [2] la somme totale de 121 296,45 euros, d'autre part, que la société [16] a présenté à la SCI [12] une note d'honoraires d'un montant de 358 800 euros réglée par cette dernière qui, six mois plus tard, a versé une somme de 26 192 euros à la société [2].

19. Les juges constatent que le dirigeant de la société [5], contestant l'existence de toute prestation de la part de la société [2], a précisé que la somme de 121 296,45 euros devait correspondre à la rémunération de l'apporteur d'affaire, la société [6], dont l'activité a été reprise au décès de son dirigeant, cousin du prévenu, par la société [4] devenue [2].

20. Ils retiennent que l'évolution des déclarations de M. [U], lequel a donné cette explication après avoir soutenu que la somme correspondait à la rétribution de prestations d'ingénierie financière ou d'études de marché faites par la société [2] au bénéfice d'Avenir finance, ne plaide pas en faveur de sa bonne foi, aucune pièce de la procédure ne venant établir la reprise par la société [2] de la société [6].

21. Ils considèrent également que si l'intervention de la société [16] dans le cadre de l'achat de la SCI [12] d'un bien immobilier apparaît établie par les éléments du dossier et donc de nature à justifier le versement de 358 800 euros d'honoraires, rien ne justifie le versement en cascade de la somme de 26 192 euros par la société [16] à la société [2].

22. Ils en déduisent que M. [U] a profité de ces opérations immobilières pour détourner les fonds de la mutuelle par la voie de rétrocommisions qui n'étaient pas justifiées et qui ont crédité le compte de sa propre société [2], qu'il gérait en sous main, en violation de son devoir de loyauté vis à vis de son employeur.

23. En l'état de ces énonciations, dont il ne résulte aucun usage abusif des fonds des SCI [Adresse 1] et [12] imputable à M. [U], directeur financier de la [13], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

24. Dès lors, l'arrêt encourt la cassation de ce chef.

Et sur le septième moyen

Enoncé du moyen

25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [U] coupable
des faits de faux et usage de faux, alors :

« 1°/ que les juges correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de monsieur [U] du chef d'usage de faux lorsque la prévention visait uniquement des faits de faux, la cour d'appel a excédé sa saisine et méconnu l'article 388 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en confirmant la décision déférée en ce qu'elle a déclaré monsieur [U] coupable des faits de faux et usage de faux lorsque les premiers juges avaient déclaré le prévenu coupable uniquement des faits de faux, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs quant au point de savoir si le prévenu a été déclaré coupable des faits d'usage de faux et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 388 du code de procédure pénale :

26. Selon ce texte, le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence soit par la comparution volontaire des parties, soit par la citation, soit par la convocation par procès-verbal, soit par la comparution immédiate, soit enfin par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction.

27. M. [U] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir altéré frauduleusement la vérité contenue dans des factures afin de permettre leur enregistrement dans la comptabilité des sociétés civiles dont il était le représentant légal et dans la comptabilité de la [13]. Il a été condamné de ce chef par les premiers juges dans les termes de la prévention, tandis que la cour d'appel confirme le jugement correctionnel en ce qu'il aurait déclaré M. [U] coupable de faux et d'usage de faux.

28. En statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite et a méconnu les dispositions du texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.

29. Dès lors, l'arrêt encourt la cassation également de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

30. La cassation sera limitée aux dispositions concernant M. [U] relatives à la déclaration de culpabilité des chefs d'usage de faux et d'abus de confiance pour le paiement de rétrocommissions de la part des sociétés [5] et [16]. Les autres dispositions seront donc maintenues.

31. En raison de la cassation prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner les neuvième à treizième moyens proposés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 31 mai 2023, mais en ses seules dispositions concernant M. [U] relatives à la déclaration de culpabilité des chefs d'usage de faux et d'abus de confiance au titre du paiement des rétrocommissions des sociétés [5] et [16], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et Mme Boudalia, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-83.512
Date de la décision : 15/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 15 jan. 2025, pourvoi n°23-83.512


Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.83.512
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