LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SA9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 janvier 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 18 F-D
Pourvoi n° U 23-23.569
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 JANVIER 2025
La société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 23-23.569 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Charente Maritime, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 2023), le 11 juillet 2018, après avoir indemnisé, lors de la procédure amiable prévue à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, Mme [G] ayant reçu des produits sanguins et été contaminée par le virus de l'hépatite C, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) a émis à l'encontre de la société Allianz IARD, assureur du centre de transfusion sanguine de Dijon (l'assureur), un titre exécutoire n° 2018-727 en remboursement des sommes versées à Mme [G]. Ce titre a été notifié à l'assureur le 21 janvier 2019.
2. Le 5 août 2021, l'assureur a assigné l'ONIAM en annulation de ce titre exécutoire. Ce dernier lui a opposé la forclusion de son action.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'assureur fait grief à l'arrêt d'accueillir la fin de non-recevoir et de déclarer son action forclose à l'égard du titre n° 2018-727, alors « que les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative s'appliquent exclusivement aux recours exercés devant la juridiction administrative et sont inapplicables à l'action dont dispose l'assureur d'une structure reprise par l'EFS pour contester, devant le juge judiciaire, le bien-fondé du titre exécutoire émis à son encontre par l'ONIAM afin de recouvrer les sommes versées aux victimes en application des dispositions des articles L. 1221-14 et L. 1142-15 du code de la santé publique ; qu'en l'absence de texte spécifique, cette action est soumise au seul délai de prescription de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil ; qu'en déclarant forclose l'action intentée par la société Allianz, motifs pris que l'ONIAM était fondée à se prévaloir du délai de recours de deux mois de l'article R. 421-1 du code de justice administrative et que si ce délai n'était pas opposable à la société Allianz compte tenu du caractère erroné des indications figurant sur la notification du titre quant aux conditions dans lesquelles elle pouvait former un recours contentieux, la société Allianz ne pouvait toutefois pas contester le titre au-delà d'un délai raisonnable d'un an courant à compter de cette notification, quand cette action était soumise au seul délai de prescription de cinq ans, la cour d'appel a violé les articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative par fausse application, ensemble l'article 2224 du code civil par refus d'application. »
Réponse de la Cour
4. Pour recouvrer les sommes versées aux victimes en application des articles L. 1142-15, L. 1142-24-7, L. 1142-24-17 ou L. 1221-14 du code de la santé publique, l' ONIAM peut émettre un titre exécutoire à l'encontre des assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang ou encore des assureurs des personnes considérées comme responsables de dommages, de celles-ci ou du Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé, auxquels il s'est substitué (Avis de la Cour de cassation, 28 juin 2023, n° 23-70.003).
5.Ce titre exécutoire émis par l'ONIAM constitue une décision administrative au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.
6. Il s'en déduit que le débiteur, qui entend contester un titre exécutoire émis par l'ONIAM devant le juge judiciaire, doit saisir celui-ci dans le délai de deux mois prévu par ce texte et que le délai édicté par l'article 2224 du code civil n'est pas applicable (Avis de la Cour de cassation, 13 décembre 2023, n° 23-70.013).
7. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que le délai applicable pour contester un titre exécutoire émis par l'ONIAM était celui de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen relevé d'office
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 1142-28 du code de la santé publique, R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative :
10. Selon le premier de ces textes, les demandes d'indemnisation formées devant l'ONIAM en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.
11. Est également soumise à ce délai de prescription l'action exercée par l'ONIAM, subrogé dans les droits des victimes qu'il a indemnisées, sur le fondement de l'article L. 1221-14, contre des assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang.
12. Ainsi qu'énoncé au paragraphe 6, le débiteur qui entend contester un titre exécutoire émis par l'ONIAM devant le juge judiciaire doit saisir celui-ci dans le délai de deux mois prévu par le deuxième de ces textes.
13. Aux termes du troisième de ces textes, les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.
14. En l'absence de notification régulière des voies et délais de recours, le débiteur n'est pas tenu de saisir le juge civil dans le délai d'un an défini par la décision du Conseil d'État du 13 juillet 2016 (n° 387763, publié au Recueil Lebon), les règles de la prescription extinctive suffisant alors à répondre à l'exigence de sécurité juridique (Ass. plén., 8 mars 2024, pourvoi n° 21-12.560, publié).
15. Pour écarter la demande d'annulation du titre exécutoire comme tardive, après avoir constaté que la juridiction désignée n'était pas compétente et que la notification du titre n'avait pas fait courir le délai de recours de deux mois, l'arrêt retient que plus d'un an s'est écoulé entre le jour où l'assureur a eu connaissance du titre exécutoire et le jour où il a agi en annulation de ce titre.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.