LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1 MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 janvier 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 5F-D
Pourvoi n° M 23-19.583
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 JANVIER 2025
Mme [E] [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-19.583 contre le jugement rendu le 8 juin 2023 par la juridiction de proximité de Fréjus, dans le litige l'opposant à la société Miramar Cruises Si [Adresse 3], dont le siège est ([Adresse 1] (Espagne), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [V], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Miramar Cruises Si [Adresse 3], après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
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la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de proximité de Fréjus, rendu en dernier ressort, 8 juin 2023), Mme [V] a acquis auprès de la société Miramar Cruises Si [Adresse 3] (l'agence de voyages) un voyage à forfait consistant en une croisière au départ de Marseille du 12 au 30 novembre 2019 avec un vol de retour Dubaï-Nice.
2. A la suite d'une escale au retour à [Localité 4] et d'une annulation du vol [Localité 4]-[Localité 5], l'ayant contrainte à une attente de deux jours dans l'aéroport d'[Localité 4], elle a assigné l'agence de voyages en indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. Mme [V] fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors « que l'organisateur ou le détaillant informe le voyageur au moyen d'un formulaire fixé par voie réglementaire, préalablement à la conclusion du contrat, des caractéristiques principales des prestations proposées relatives au transport et au séjour, des coordonnées du détaillant et de l'organisateur, du prix et des modalités de paiement, des conditions d'annulation et de résolution du contrat, des informations sur les assurances ainsi que des conditions de franchissement des frontières et ces informations sont présentées d'une manière claire, compréhensible et apparente ; qu'en s'abstenant de rechercher si la société Miramar Cruises n'avait pas à tout le moins manqué à son obligation d'information précontractuelle en ne faisant pas état de l'existence d'une escale à [Localité 4] lors du vol retour, le tribunal de proximité a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 211-8 du code du tourisme dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 ».
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. L'agence de voyages conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait.
5. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée.
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6. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 211-8 et R. 211-4, 1° b, du code du tourisme :
7. Selon ces textes, l'agence de voyages informe le voyageur par écrit, préalablement à la conclusion du contrat, des moyens, caractéristiques et catégories de transport, des lieux, dates et heures de départ et de retour, de la durée et du lieu des escales et des correspondances.
8. Pour rejeter les demandes d'indemnisation, le jugement retient que Mme [V] ne rapporte pas la preuve que le changement du vol retour soit imputable à une faute de l'agence de voyages.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'agence de voyages avait rempli son obligation d'information précontractuelle en avertissant Mme [V] de l'existence d'une escale à [Localité 4] lors du vol retour, le tribunal de proximité a privé sa décision de base légale.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. Mme [V] fait le même grief au jugement, alors « que l'agence de voyage est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat et ne peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu'en prouvant que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure ; qu'en décidant qu'il appartenait à Mme [V] de rapporter la preuve d'un manquement de la société Miramar Cruises à ses obligations contractuelles lorsqu'il appartenait au contraire à cette société de rapporter la preuve d'une condition exonératoire lui permettant d'échapper à sa responsabilité de plein droit, le tribunal de proximité a violé l'article L. 211-16 du code du tourisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ».
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 211-16 du code du tourisme :
11. Selon ce texte, l'agence de voyage est responsable de plein droit à
l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services et elle ne peut s'exonérer de tout ou partie de sa
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responsabilité qu'en apportant la preuve que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables.
12. Pour rejeter les demandes d'indemnisation, le jugement retient encore que Mme [V] ne justifie pas d'un quelconque manquement de l'agence de voyages à ses obligations dans l'exécution du contrat.
13. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'agence de voyage d'apporter la preuve d'une cause exonératoire de responsabilité, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 juin 2023, entre les parties, par la juridiction de proximité de Fréjus ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant la juridiction de proximité de Cannes ;
Condamne la société Miramar Cruises SI [Adresse 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Miramar Cruises Si [Adresse 3] et la condamne à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.