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04/12/2024 | FRANCE | N°12400681

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 décembre 2024, 12400681


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


MY1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 4 décembre 2024








Cassation partielle




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 681 F-D


Pourvoi n° K 22-20.222




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________





ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 DÉCEMBRE 2024


Mme [B] [W], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-20.222 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (p...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 décembre 2024

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 681 F-D

Pourvoi n° K 22-20.222

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 DÉCEMBRE 2024

Mme [B] [W], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-20.222 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat (AJE), domicilié [Adresse 5],

2°/ à l'Etablissement français du sang (EFS), dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Vienne, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN), dont le siège est [Adresse 4],

L'Etablissement français du sang a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

défendeurs à la cassation.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, cinq moyens de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de Mme [W], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'établissement Français du sang, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2021), en 1989, Mme [W] a été contaminée par le virus de l'immunodéficience humaine lors d'une transfusion sanguine.

2.A la suite d'un arrêt irrévocable du 13 février 1992 ayant admis la responsabilité du Centre départemental de transfusion sanguine de la Haute-Vienne (le CTS), Mme [W] a perçu différentes sommes en réparation de ses préjudices et après une nouvelle expertise réalisée en 2009, au titre d'une aggravation, plusieurs provisions.

3. Le 12 juin 2014, Mme [W] a assigné l'Etablissement français du sang (l'EFS), venu aux droits du CTS, aux fins d'obtenir une indemnisation complémentaire. Elle a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne, la Mutuelle générale de l'éducation nationale et l'Agent judiciaire de l'Etat (l'AJE).

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens du pourvoi principal

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. Mme [W] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre de l'incidence professionnelle hors retraite, alors « que la victime d'un dommage n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; qu'elle peut solliciter la réparation d'un élément de préjudice non inclus dans une demande antérieure ayant fait l'objet d'une précédente instance ; qu'en refusant d'indemniser l'incidence professionnelle consécutive à la contamination de Mme [W] aux motifs que ce préjudice se rattachait à une période déjà indemnisée et qu'elle n'avait pas effectué de demande de ce chef à l'occasion des précédentes instances l'indemnisant d'autres chefs de préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1351 devenu 1355 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil, et le principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

6. Il résulte de ce texte et de ce principe que, s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime être de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes d'indemnisation fondées sur les mêmes faits.

7. Pour rejeter la demande d'indemnisation de Mme [W] au titre de l'incidence professionnelle hors retraite, l'arrêt retient que ce préjudice se rattache à une période déjà indemnisée et que Mme [W] n'a pas effectué de demande de ce chef à l'occasion des précédentes instances l'indemnisant d'autres chefs de préjudice.

8. En statuant ainsi, alors que Mme [W] n'avait pas demandé l'indemnisation de ce poste de préjudice lors de ces instances, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Et sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

9. L'EFS fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'AJE une certaine somme au titre du capital représentatif de la pension civile d'invalidité servie à Mme [W] à compter du 14 janvier 2013, alors « que le recours du tiers payeur revêt un caractère subrogatoire ; qu'il s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent un préjudice qu'elles ont pris en charge ; qu'ayant rejeté la demande d'indemnisation de Mme [W] au titre de sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 14 janvier 2013 en l'absence de lien de causalité avec sa contamination par le VIH, la cour d'appel, qui a néanmoins condamné l'EFS à rembourser à l'agent judiciaire de l'Etat la pension d'invalidité servie à Mme [W] à compter du 14 janvier 2013, a violé les articles 30 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble l'article 1240 du code civil et le principe de réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 29, 30 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et l'article 825-4 du code général de la fonction publique :

10. Il résulte du premier et du dernier de ces textes que l'Etat qui a versé une rente d'invalidité à un de ses agents dont la maladie ou l'infirmité est imputable à un tiers dispose d'un recours contre la personne tenue à réparation.

11. Il résulte du deuxième et du troisième que ce recours a un caractère subrogatoire et qu'il s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge.

12. Pour condamner l'EFS à payer à l'AJE une certaine somme au titre du capital représentatif de la pension civile d'invalidité servie à Mme [W] à compter du 14 janvier 2013, après avoir rejeté la demande d'indemnisation de Mme [W] au titre de sa mise à la retraite pour invalidité à compter de cette date en l'absence de lien causal avec sa contamination, l'arrêt retient que cette prestation constitue un revenu de substitution à ses salaires jusqu'à sa mise à la retraite.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la prestation servie par l'AJE à compter du 14 juin 2013 ne réparait pas un préjudice en lien causal avec la contamination, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [W] au titre de l'incidence professionnelle hors retraite, en ce qu'il condamne l'Établissement français du sang à payer à l'agent judiciaire de l'État la somme de 151 785,89 euros au titre du capital représentatif de la pension civile d'invalidité servie à Mme [W] à compter du 14 janvier 2013, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne l'Établissement français du sang aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400681
Date de la décision : 04/12/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 décembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 déc. 2024, pourvoi n°12400681


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400681
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