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23/10/2024 | FRANCE | N°12400583

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 octobre 2024, 12400583


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


IJ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 23 octobre 2024








Cassation partielle




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 583 F-B


Pourvoi n° H 22-16.171








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
______________

___________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2024


Mme [J] [B], domiciliée [Adresse 5], tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de [R] [W], veuve [E], a formé le pourvoi n° H 22...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

IJ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 octobre 2024

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 583 F-B

Pourvoi n° H 22-16.171

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2024

Mme [J] [B], domiciliée [Adresse 5], tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de [R] [W], veuve [E], a formé le pourvoi n° H 22-16.171 contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MSH (société civile), dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Hiscox insurance company limited, dont le siège est [Adresse 2] (Royaume-Uni), société de droit anglais, dont la succursale française est située [Adresse 3],

3°/ à la société MAIF, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de Mme [B], de Me Brouchot, avocat de la société MSH, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MAIF, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Hiscox insurance company limited, et l'avis de M Sassout, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2021), [R] [E], décédée le 10 mars 2014, était locataire d'un appartement appartenant à la société MSH.

2. Sa fille, Mme [B], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière et de représentante de l'indivision successorale, a assigné la société MSH, ainsi que les compagnies d'assurance Hiscox et Filia Maif, en réparation du trouble de jouissance et du préjudice moral subis tant par elle-même que par [R] [E], à la suite de divers dégâts des eaux survenus dans le bien donné à bail courant 2012 et 2013.

3. Un jugement a mis hors de cause la compagnie Filia Maif et a reçu l'intervention volontaire de la société Maif.

4. En appel, Mme [B], en sa qualité d'héritière, a limité le montant de sa demande au quart de la créance indemnitaire correspondant à sa part dans la succession.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [B] fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ce qu'elle agit en tant qu'héritière de [R] [E], alors « que tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations ; que pour déclarer irrecevable l'action engagée par Mme [J] [B] en qualité d'héritière de Mme [R] [E], l'arrêt attaqué relève que la créance dont l'appelante demande le paiement portant sur un droit indivis à être indemnisé, constitue un tout qui n'est pas divisible" et que par ailleurs, l'action porte sur une inexécution contractuelle qui constitue une faute ouvrant droit à une indemnisation qui n'est pas non plus divisible et doit profiter à l'ensemble de l'indivision qu'elle est de nature à accroître tant que le partage n'a pas eu lieu" ; qu'en relevant d'office, pour déclarer l'action irrecevable, un moyen tiré de l'indivisibilité de l'indemnisation demandée, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

6. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

7. Pour déclarer irrecevable l'action engagée par Mme [B] en sa qualité d'héritière de [R] [E], l'arrêt retient que cette action porte sur l'inexécution d'une obligation contractuelle ouvrant un droit indivis à indemnisation qu'il n'est possible d'apprécier que pour le tout et qui doit profiter à l'ensemble de l'indivision successorale qu'elle a vocation à accroître tant que le partage n'a pas eu lieu.

8. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, réunies

Enoncé du moyen

Mme [B] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'en raison de la nature pécuniaire de son objet, une créance indemnitaire est par essence divisible ; que pour déclarer irrecevable l'action engagée par Mme [J] [B] en sa qualité d'héritière de sa mère, l'arrêt attaqué retient que la créance dont elle demandait le paiement portant sur un droit indivis à être indemnisé constitue un tout qui n'est pas divisible et que l'appréciation de la responsabilité au regard des dommages subis ne peut se faire que pour ce tout" ; qu'en statuant ainsi, quand la créance d'indemnisation litigieuse, fondée sur une inexécution contractuelle, constituait une créance monétaire de plein droit divisible, la cour d'appel a violé l'article 1220 ancien, devenu l'article 1309 du code civil ;

3°/ en tout état de cause, que chaque cohéritier a le pouvoir d'accomplir seul, avant partage, les actes d'administration de la créance et d'agir en recouvrement dans la limite de sa part ; que pour déclarer irrecevable l'action engagée par Mme [J] [B] en sa qualité d'héritière de sa mère, l'arrêt retient que l'action porte sur une inexécution contractuelle qui constitue une faute ouvrant droit à une indemnisation qui n'est pas non plus divisible et doit profiter à l'ensemble de l'indivision qu'elle est de nature à accroître tant que le partage n'a pas eu lieu" et que ces considérations de fait et de droit ne permettent pas à l'appelante d'agir seule pour demander à la SCI MSH de lui payer sa part de dommages intérêts au titre d'un préjudice qu'il convient d'évaluer pour la globalité de l'indivision sur la totalité qui n'est ni liquidée, ni partagée depuis le décès de la défunte le 10 mars 2014" ; qu'en statuant ainsi, quand Mme [J] [B] avait avant le partage le pouvoir d'agir seule en recouvrement de la créance indemnitaire de sa défunte mère dans la limite de sa part, la cour d'appel a violé l'article 1220 ancien, devenu l'article 1309 du code civil, ensemble 883 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1217 et 1220 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Aux termes du premier de ces textes, l'obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.

10. Il en résulte que la créance de dommages et intérêts réparant le préjudice causé par l'inexécution d'une obligation contractuelle est divisible quand bien même l'obligation inexécutée ne l'était pas.

11. Le second dispose :

« L'obligation qui est susceptible de division, doit être exécutée entre le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible. La divisibilité n'a d'application qu'à l'égard de leurs héritiers, qui ne peuvent demander la dette ou qui ne sont tenus de la payer que pour les parts dont ils sont saisis ou dont ils sont tenus comme représentant le créancier ou le débiteur. »

12. Il s'en déduit que chaque héritier peut demander au débiteur le règlement de sa part d'une créance indemnitaire du défunt.

13. Pour déclarer irrecevable l'action engagée par Mme [B] en sa qualité d'héritière de [R] [E], l'arrêt retient que cette action porte sur l'inexécution d'une obligation contractuelle ouvrant un droit indivis à indemnisation qu'il n'est possible d'apprécier que pour le tout et qui doit profiter à l'ensemble de l'indivision successorale qu'elle a vocation à accroître tant que le partage n'a pas eu lieu. Il en déduit que Mme [B] ne peut agir seule pour demander à la société MSH de lui payer sa part de cette créance.

14. En statuant ainsi, alors que le droit à indemnisation de la défunte avait vocation à se convertir en dommages et intérêts de sorte que tout héritier pouvait réclamer individuellement le règlement de sa part de cette créance à la société bailleresse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Mise hors de cause

15. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, les sociétés Maif et Hiscox Insurance Company, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable Mme [J] [B] en ce qu'elle agit en tant qu'héritière de [R] [E], l'arrêt rendu le 16 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Met hors de cause les sociétés Maif et Hiscox Insurance Company ;

Condamne la société MSH aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MSH à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400583
Date de la décision : 23/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Obligation indivisible - Inexécution - Créance de dommages-intérêts réparant le préjudice causé par l'inexécution - Divisibilité - Effet

SUCCESSION - Actif - Eléments - Créances du défunt - Créance de réparation du préjudice causé par l'inexécution d'une obligation contractuelle - Action en réparation exercée par un cohéritier - Réparation à concurrence de la quote-part de l'héritier dans la succession

Il résulte de l'article 1217 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que la créance de dommages-intérêts réparant le préjudice causé par l'inexécution d'une obligation contractuelle est divisible quand bien même l'obligation inexécutée ne l'était pas. Il résulte de l'article 1220 du code civil, dans cette même rédaction, que chaque héritier peut demander au débiteur le règlement de sa part d'une créance indemnitaire du défunt. Doit donc être cassé l'arrêt qui déclare irrecevable la demande en réparation de préjudices subis par le défunt en raison de l'inexécution d'une obligation contractuelle, formée par un héritier à concurrence de sa seule quote-part dans la succession


Références :

Articles 1217 et 1220 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 23 oct. 2024, pourvoi n°12400583


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune
Avocat(s) : SCP Fabiani - Pinatel, Me Brouchot, SARL Le Prado - Gilbert, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400583
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