N° T 24-84.177 F-D
N° 01304
ODVS
1ER OCTOBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER OCTOBRE 2024
M. [N] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 15 mai 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité de tentative d'assassinat en bande organisée et association de malfaiteurs, a infirmé la décision du juge des libertés et de la détention, refusant la prolongation de sa détention et le plaçant sous contrôle judiciaire, et a ordonné la prolongation de sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Hairon, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N] [G], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Hairon, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [N] [G] a été placé en détention provisoire le 21 avril 2023.
3. Le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de prolongation de la détention provisoire, a ordonné la mise en liberté sous contrôle judiciaire de l'intéressé.
4. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit bien fondé l'appel interjeté, a infirmé l'ordonnance entreprise, a ordonné la prolongation de sa détention provisoire et a dit que le mandat de dépôt reprend ses effets, alors :
« 1°/ que la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ; que les juges doivent caractériser par des motifs précis et circonstanciés les diligences particulières ou les circonstances insurmontables de nature à justifier, au regard des exigences conventionnelles ci-dessus rappelées, le délai raisonnable de la durée de la détention provisoire ; qu'en se bornant, pour juger raisonnable la durée de la détention de [N] [G], à relever que « la durée de détention provisoire, au regard de la nature de l'affaire et des investigations qu'elle a nécessité, n'excède pas un délai raisonnable », la chambre de l'instruction n'a pas caractérisé les diligences particulières ou les circonstances insurmontables de nature à justifier la durée de la détention provisoire et, partant, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la convention européenne des droits de l'Homme et 593 du code de procédure pénale.
2°/ qu'en toute hypothèse, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; qu'en se bornant à relever, pour juger raisonnable la durée de la détention provisoire de M. [G], que « la durée de détention provisoire, au regard de la nature de l'affaire et des investigations qu'elle a nécessité, n'excès pas un délai raisonnable », sans répondre au mémoire déposé devant la Chambre de l'instruction qui faisaient valoir que M. [G] n'avait plus été interrogé depuis sa mise en examen, plus d'un an auparavant, et qu'aucun acte n'avait été coté en procédure depuis plusieurs mois, ce qui avait conduit le juge des libertés et de la détention à juger que « la détention provisoire de la personne mise en examen n'[était] plus nécessaire à la manifestation de la vérité », la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la convention européenne des droits de l'Homme et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 144-1 et 593 du code de procédure pénale :
7. Selon les deux premiers de ces textes, la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité.
8. En vertu du dernier, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour écarter le moyen tiré de la durée déraisonnable de la détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce qu'en l'espèce, au regard de la nature de l'affaire et des investigations qu'elle a nécessitées, cette durée n'excède pas un délai raisonnable.
10. En se déterminant ainsi, sans répondre aux articulations essentielles du mémoire et sans énoncer les éléments de procédure et les investigations menées dans le cadre de l'information en cours de nature à justifier, au regard des exigences ci-dessus rappelées, le caractère raisonnable de la durée de la détention provisoire, contesté devant elle, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 15 mai 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt-quatre.