LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 septembre 2024
Rejet
M. PONSOT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 476 FS-B
Pourvoi n° P 22-23.054
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
1°/ M. [M] [B], domicilié [Adresse 3],
2°/ la société GPF [B], société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° P 22-23.054 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige les opposant :
1°/ à la société SPFPL, société de pharmaciens d'officine par actions simplifiée financière Wagram, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Boticinal, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [B] et de la société GPF [B], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Boticinal, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, Mme Daubigney, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Graff-Daudret, M. Alt, Mme De Lacaussade, M. Thomas, conseillers, Mmes Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2022), le 18 avril 2016, la société de participations financières de professions libérales Financière Alma (la société FA) et la société Pharmacie Bornand-Rochet, d'une part, la société Corpore+Sano Benelux, d'autre part, ont souscrit à l'émission, respectivement, de 126 089 et 313 583 obligations convertibles en actions (OCA) émises par la société d'exercice libéral par actions simplifiée de pharmaciens d'officine GPF [B] (la société [B]), présidée par M. [B], pharmacien titulaire.
2. Le 29 mars 2017, les sociétés FA et Pharmacie Bornand-Rochet ont cédé leurs 126 089 OCA à la société Corpore + Sano Benelux.
3. Le 13 avril 2017, la société Corpore+Sano Benelux a cédé 126 089 OCA à la société de participations financières de professions libérales de pharmaciens d'officine Financière Wagram (la société Financière Wagram), ayant son siège social en France et venant aux droits de la société FA, et 313 583 OCA à la société Boticinal, venant aux droits de la société Corpore + Sano Benelux.
4. Soutenant que le principe d'indépendance professionnelle du pharmacien titulaire de l'officine avait été méconnu, la société [B] et M. [B] ont assigné les sociétés Financière Wagram et Boticinal en nullité des contrats d'émission d'OCA conclus le 18 avril 2016.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. La société [B] et M. [B] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation des contrats d'émission d'obligations convertibles en actions signés le 18 avril 2016, alors :
« 1° / que dans une société d'exercice libéral de pharmaciens d'officine, plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue par le pharmacien titulaire de l'officine exploitée par cette société ; qu'il résulte de l'article L. 212-1 A du code monétaire et financier que les titres de capital comprennent les titres pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote, tels que des obligations convertibles en actions ; qu'en refusant de prendre en compte les titres de capital détenus par les sociétés Boticinal et Finanière Wagram au moment de contrôler la détention capitalistique de la société [B] au motif que "la circonstance que les titres de capital incluent, au sens de la directive prospectus, les valeurs mobilières donnant le droit d'acquérir des actions à la suite d'une conversion et, au sens du code monétaire et financier, les titres donnant ou pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote, n'implique pas que la détention de ces valeurs mobilières ou titres confère celle d'une fraction du capital à due concurrence" et que "les articles 5 et 6 de la loi du 31 décembre 1990, se réfèrent, non pas à la détention de titres de capital ou de titres donnant ou pouvant donner accès au capital, mais à la détention (effective) du capital, que ne confère pas celle d'OCA non converties" pour en conclure que "les appelants sont mal fondés à assimiler OCA et actions pour l'application de la loi du 31 décembre 1990 et de l'article R 5125-18-1 du code de la santé publique", la cour d'appel a violé les articles 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et R. 5125-18-1 du code de la santé publique ;
2°/ que seules sont autorisées à détenir les titres de capital d'une société d'exercice libéral, les personnes limitativement énumérées à l'article 5-I de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ; qu'il résulte de l'article L. 212-1 A du code monétaire et financier que les titres de capital comprennent les titres pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote, tels que des obligations convertibles en actions ; qu'en l'espèce la société [B] et M. [B] faisaient valoir que la société Corpore+Sano Benelux, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Boticinal, a souscrit à des OCA émises par la société [B] le 18 avril 2016 alors qu'elle n'entrait pas dans la liste des personnes autorisées à détenir des titres de capital d'une société d'exercice libéral et sollicitaient l'annulation de ces émissions ; qu'en rejetant leur demande au motif que "les deux contrats d'émission d'OCA du 18 avril 2016 ne sont pas, en eux-mêmes, porteurs d'une violation des articles 5 et 6 de la loi du 31 décembre 1990 et R. 5125-18-1 du code de la santé publique en ce qu'ils stipulent, en leur article 6, que le droit à conversion des OCA s'exerce de manière facultative pour le porteur et "pour autant que la législation l'autorise à devenir actionnaire de l'émetteur et dans les limites offertes par celle-ci", alors qu'elle avait relevé que "la détention d'une partie du capital par la société Corpore+Sano Benelux contreviendrait à l'interdiction de détention du capital par des personnes non mentionnées par le B de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1990", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a donc violé les articles 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et R. 5125-18-1 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
7. Selon l'article L. 228-91 du code de commerce, les sociétés par actions peuvent émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital.
8. Les OCA émises par une société par actions en application de ce texte sont, jusqu'à leur conversion, des obligations ayant la nature de titre de créance.
9. Il s'ensuit que les OCA émises par une société d'exercice libéral par actions de pharmaciens d'officine ne constituent pas des actions tant qu'elles n'ont pas été converties et n'ont, par conséquent, jusqu'à leur conversion, pas à être prises en compte pour apprécier le respect des conditions de détention du capital de ces sociétés résultant des articles 5, I, et 6 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et de l'article R. 5125-18-1 du code de la santé publique.
10. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
11. Et l'article 2, b), du Règlement (UE) 2017/1129 du 14 juin 2017, dont il est demandé l'interprétation, n'étant pas applicable au litige dès lors que ce règlement concerne le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé et qu'il n'est pas allégué que les titres litigieux aient été offerts au public, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle proposée par la société [B] et M. [B].
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GPF [B] et M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société GPF [B] et M. [B] et les condamne à payer à la société Botinical la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.