LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 septembre 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 465 F-D
Pourvoi n° Y 22-20.602
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
Mme [H] [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 22-20.602 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Creatis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à M. [B] [F], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La société Creatis a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tréard, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [D], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Creatis, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Tréard, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 mai 2022) rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 19-22.170), suivant offre acceptée le 14 mars 2012, la société Créatis (la banque) a consenti à Mme [D] et M. [F] (les emprunteurs) un prêt destiné à financer un regroupement de crédits.
2. A la suite de la défaillance des emprunteurs, la banque a prononcé la déchéance du terme, et les a assignés en paiement. Mme [D] a, notamment, demandé l'indemnisation du préjudice subi en raison d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde et la déchéance de son droit aux intérêts. M. [F] n'a pas comparu.
Examen des moyens
Sur les moyens du pourvoi principal
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
4.La société Créatis fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes formées contre M. [F], alors « que la cassation prononcée par l'arrêt du 4 juin 2019 de la décision attaquée "en toutes ses dispositions" investissait la juridiction de renvoi de la connaissance de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit, de sorte qu'en déclarant irrecevables les demandes formées par la banque à l'encontre de M. [F] pour la raison inopérante que la Cour de cassation avait constaté la déchéance du pourvoi de la banque contre M. [F], de sorte que l'arrêt du 4 juin 2019 était devenu définitif à l'égard de ce dernier en ce qu'il avait déclaré forclose l'action en paiement de la banque, la cour d'appel a violé l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
6. Pour déclarer irrecevables les demandes de la banque dirigées contre M. [F], l'arrêt retient que par son arrêt du 8 avril 2021, la Cour de cassation a constaté la déchéance du pourvoi en cassation formé par la banque en ce qu'il était dirigé contre M. [F], de sorte que ses demandes contre M. [F] sont irrecevables puisque l'arrêt du 4 juin 2019, devenu définitif à l'égard de ce dernier, a déclaré forclose l'action en paiement de la banque.
7. En statuant ainsi, alors que la cassation de l'arrêt du 4 juin 2019 avait été prononcée en toutes ses dispositions y compris celles concernant M. [F], la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. La cassation partielle prononcée n'atteint que le chef de dispositif ayant déclaré irrecevables les demandes formées par la banque contre M. [F], lesquelles tendaient à obtenir la condamnation solidaire des emprunteurs sur le fondement du prêt qui leur avait été consenti, sur celui de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel.
11. Conformément à l'article 472 du code de procédure civile « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ».
12. Il ressort des constatations de l'arrêt que M.[F], qui n'a pas constitué avocat, a été régulièrement assigné devant la cour d'appel par remise des actes en l'étude.
13. L'offre de prêt ayant été accordée aux emprunteurs il convient d'assortir la condamnation prononcée contre Mme [D] au bénéfice de la banque portant sur la somme en principal de 45 230,88 euros, arrêtée au 1er juin 2016, assortie des intérêts au taux contractuel de 8,53 % sur la somme de 42 105,72 euros à compter du 8 avril 2016 et au taux légal sur le surplus, d'une obligation solidaire au paiement à la charge de M. [F].
14. Le recours de la banque ayant été accueilli, il y a lieu également de prononcer les condamnations au paiement des dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, « in solidum » à la charge des emprunteurs, la cassation précitée n'emportant pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt afférents à ces condamnations.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par la société Créatis contre M. [F], l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Statuant sur ce point,
Dit que les condamnations de Mme [H] [D] à payer à la société Créatis la somme en principal de 45 230,88 euros, arrêtée au 1er juin 2016, assortie des intérêts au taux contractuel de 8,53 % sur la somme de 42 105,72 euros à compter du 8 avril 2016 et au taux légal sur le surplus, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel sont prononcées solidairement avec M. [B] [F], pour la première, in solidum entre Mme [D] et M. [F] pour les deux autres.
Condamne M. [F] et Mme [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [D] et la condamne, in solidum avec M. [F], à payer à la société Créatis la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.