LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 septembre 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 446 F-D
Pourvoi n° X 22-19.129
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2024
1°/ M. [U] [Y], domicilié [Adresse 1],
2°/ Mme [R] [P], épouse [Y], domiciliée [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° X 22-19.129 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant à Mme [R] [Y], épouse [V], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [Y], et de Mme [P], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 8 mars 2022), [G] [Y] est décédé le 21 juillet 2008, en laissant pour lui succéder son épouse commune en biens, [I] [J], et leurs deux enfants, Mme [R] [Y], épouse [V] et M. [U] [Y].
2. Les 25 et 31 mai 1989, [G] et [I] [Y] avaient consenti un bail à cheptel et donné en bail à ferme leur exploitation agricole à leur fils.
3. Des difficultés étant survenues lors du règlement de la succession, M. [U] [Y] a assigné ses cohéritiers.
4. [I] [J] est décédée le 16 septembre 2020, en cours de procédure.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. M. [U] [Y] fait grief à l'arrêt de le condamner à rapporter à la succession les sommes de 32 703,95 euros et 27 733,83 euros, alors « que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession ; qu'en condamnant M. [U] [Y] au rapport des fermages et du loyer du bail à cheptel, sans constater que [G] et [I] [Y] s'étaient abstenus d'en réclamer le paiement avec l'intention de gratifier M. [U] [Y], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au titre de l'article 843 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 843, alinéa 1er, du code civil :
7. Il résulte de ce texte que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.
8. Pour condamner M. [U] [Y] à rapporter à « la succession » les sommes de 32 703,95 euros et 27 733,83 euros au titre de donations déguisées, l'arrêt retient qu'il ne justifie pas de l'apurement des fermages au titre du bail rural du 31 mai 1989, pour la période du 1er juin 2011 au 31 juillet 2018, et au titre du bail à cheptel du 25 mai 1989, pour la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2014.
9. En se déterminant ainsi, sans constater l'existence de l'intention libérale des prétendus disposants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation du chef de dispositif condamnant M. [U] [Y] à rapporter à « la succession » les sommes de 32 703,95 euros et 27 733,83 euros correspondant à des donations déguisées, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt ordonnant l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage et rejetant les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [U] [Y] à rapporter à « la succession » les sommes de 32 703,95 euros et 27 733,83 euros correspondant à des donations déguisées, l'arrêt rendu le 8 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Riom, autrement composée ;
Condamne Mme [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.