N° C 23-85.217 F-B
N° 00816
AO3
4 SEPTEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 SEPTEMBRE 2024
La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-15, en date du 12 octobre 2021, qui a prononcé sur sa requête en restitution de bien.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [2], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Oriol, greffier de chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre présent au prononcé,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Par ordonnance du 14 janvier 2021 rendue selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, confirmée en appel, le juge délégué a homologué, notamment, la peine de confiscation d'un véhicule Jeep proposée en répression des délits de conduite malgré suspension et de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, en récidive, commis par M. [N] [E], gérant de la société [2].
2. Par requête en date du 8 avril 2021, la société [2] a sollicité de la cour d'appel la restitution du bien confisqué.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en restitution du véhicule de marque JEEP immatriculé [Immatriculation 1] et de sa clé, alors :
« 1°/ que d'une part, la confiscation d'un bien appartenant à un tiers à la procédure suppose la démonstration de la libre disposition par le condamné du bien litigieux ; qu'en se bornant pour rejeter la demande de restitution du véhicule de marque JEEP immatriculé [Immatriculation 1], de la société [2] dont elle constatait qu'elle était propriétaire, à relever l'utilisation, au demeurant ponctuelle, par M. [E] de ce véhicule, sans jamais établir ni la régularité de cette utilisation, ni que cette utilisation n'était pas affectée à une activité professionnelle spécifique, de sorte qu'elle pouvait effectivement être considérée comme libre, ni que ce dernier avait la faculté de disposer du véhicule litigieux, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, 479, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que d'autre part, la confiscation d'un bien appartenant à un tiers à la procédure suppose la démonstration de la mauvaise foi de celui-ci, laquelle réside dans la connaissance qu'il aurait des agissements litigieux en répression desquels la confiscation est envisagée ; qu'en se bornant pour rejeter la demande de restitution du véhicule de marque JEEP immatriculé [Immatriculation 1], de la société [2] dont elle constatait qu'elle était propriétaire, à invoquer le statut de représentant légal de M. [E], lorsqu'elle constatait expressément que celui-ci n'était pas actionnaire de la société [2], de sorte que la mauvaise foi de cette dernière ne pouvait se déduire de cette seule qualité, et en se réfugiant derrière la circonstance que les actionnaires de la société sont les enfants de M. [E], lorsqu'il ne peut aucunement s'en déduire la connaissance de ces derniers des faits de conduite sans permis et de conduite sous l'empire d'un état alcoolique ayant justifié le prononcé de la confiscation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, 479, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
4. Pour rejeter la requête en restitution du véhicule saisi, l'arrêt attaqué, après avoir précisé que ce véhicule a servi à commettre les infractions reprochées, relève que M. [E] a été interpellé à trois autres reprises au volant du véhicule, dont deux fois à 2 heures 48 et 22 heures 45, l'ensemble de ces éléments démontrant qu'il avait bien la libre disposition dudit véhicule.
5. Le juge observe que la bonne foi de la société propriétaire ne peut être retenue puisque M. [E] en est le représentant légal et qu'en s'attribuant l'usage, visiblement permanent, d'un véhicule de sa société, il croyait se mettre à l'abri de la peine complémentaire de confiscation dont il n'ignorait pas le risque compte tenu de ses nombreux antécédents en matière d'infractions routières.
6. Il conclut que le fait que M. [E] n'est pas actionnaire de la société est sans incidence sur l'appréciation de la bonne foi de la société puisqu'il en est bien le gérant et que, de surcroît, les deux associés propriétaires de la société sont ses deux enfants âgés respectivement de 24 et 21 ans.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
8. En effet, elle s'est déterminée par des énonciations dont il résulte que M. [E] ne bénéficiait pas seulement d'un droit d'usage mais était le propriétaire économique réel du véhicule et n'en avait laissé la propriété juridique à la société [2] qu'afin de le faire échapper à la confiscation, ce que celle-ci ne pouvait ignorer.
9. Ainsi, le moyen doit être écarté.
10. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille vingt-quatre.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et Mme Lavaud, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.