SOC. / ELECT
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2024
Cassation
M. SOMMER, président
Arrêt n° 959 FS-B
Pourvoi n° C 24-60.174
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2024
Le Syndicat commerce indépendant démocratique, dont le siège est [Adresse 10], a formé le pourvoi n° C 24-60.174 contre le jugement rendu le 24 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Paris (pôle social, élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à la direction générale du travail, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ à la société CID & associés, dont le siège est [Adresse 11], prise en qualité d'administrateur judiciaire du SCID,
3°/ à la société BTSG2, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de redressement du SCID,
4°/ à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), dont le siège est [Adresse 7],
5°/ à la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), dont le siège est [Adresse 9],
6°/ à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), dont le siège est [Adresse 8],
7°/ à la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), dont le siège est [Adresse 2],
8°/ à la Confédération générale du travail (CGT), dont le siège est [Adresse 5],
9°/ à l'Union des syndicats gilets jaunes, dont le siège est [Adresse 1],
10°/ à l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.
Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des syndicat CFTC, syndicat CGT-FO, syndicat CGT et syndicat UNSA, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 juillet 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 24 mai 2024), a été publiée, le 18 mars 2024, la décision du directeur général du travail du 13 mars 2024, fixant la liste des candidatures des organisations syndicales recevables à participer au scrutin relatif à la mesure de l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés.
2. La candidature du Syndicat commerce indépendant démocratique (SCID) a été retenue parmi les organisations syndicales dont la vocation statutaire revêt un caractère national et professionnel.
3. Par déclaration au greffe enregistrée le 2 avril 2024, les organisations syndicales Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), Confédération générale du travail (CGT), Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) ont demandé au tribunal judiciaire l'annulation de la décision du 13 mars 2024 du directeur général du travail (DGT) retenant la candidature du SCID et de le déclarer irrecevable à se porter candidat.
4. Par déclaration au greffe enregistrée le 2 avril 2024, la Confédération française démocratique du travail (CFDT) a saisi le tribunal judiciaire aux mêmes fins.
5. Les instances ont été jointes.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
6. Les organisations syndicales UNSA, CGT, CGT-FO, CFTC soulèvent l'irrecevabilité du pourvoi au motif que le mémoire ampliatif n'aurait pas été notifié à l'ensemble des défendeurs.
7. Il résulte de l'article 1005 du code de procédure civile que lorsqu'un mémoire est produit par le demandeur, celui-ci doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, en notifier, dans le mois de la déclaration, copie au défendeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
8. En application de l'article 1009 du code de procédure civile, par ordonnance du délégué du premier président de la Cour de cassation, le délai imparti pour le dépôt du mémoire ampliatif a été réduit à huit jours à compter de la notification de l'ordonnance au SCID.
9. Il résulte des accusés de réception produits par le SCID que le mémoire ampliatif a bien été notifié à l'ensemble des parties dans le délai imparti.
10. Le pourvoi est donc recevable.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
11. Le SCID fait grief au jugement de le déclarer irrecevable à se porter candidat au scrutin destiné à la mesure de l'audience électorale des organisations syndicales auprès des entreprises de moins de onze salariés et d'annuler en conséquence la décision du directeur général du travail du 13 mars 2024, alors « que selon l'article L. 2131-2 du code du travail, les syndicats ou associations professionnelles de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale peuvent se constituer librement ; qu'il en résulte que les organisations syndicales doivent déterminer dans leur statut les personnes et les professions dont elles entendent assurer la défense ; qu'en retenant que le SCID représente l'ensemble des salariés de secteurs d'activité différents, sans aucun lien de connexité entre eux et qu'un syndicat qui offre la possibilité de représenter tous les salariés sans exclusive et tous les secteurs d'activité ne peut être qualifié d'organisation syndicale professionnelle et, ne constituant pas une organisation syndicale ne peut être candidat au scrutin permettant de mesurer l'audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés, alors que le SCID n'est pas ouvert à tout salarié quel que soit son type ou sa branche d'activité, le tribunal a violé l'article L. 2131-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2122-10-6 et L. 2131-2 du code du travail :
12. Selon l'article L. 2122-10-6 du code du travail, peuvent être candidates au scrutin permettant de mesurer l'audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés les organisations syndicales de salariés qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance et de transparence financière, légalement constituées depuis au moins deux ans et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel.
13. L'article L. 2131-2 du code du travail dispose que les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale peuvent se constituer librement.
14. La Cour de cassation juge qu'il résulte de la distinction opérée par le code du travail entre les syndicats dits primaires et les unions de syndicats que si les unions de syndicats peuvent être intercatégorielles, les syndicats professionnels primaires doivent respecter dans leurs statuts les prescriptions de l'article L. 2131-2 et ne peuvent dès lors prétendre représenter tous les salariés et tous les secteurs d'activité (Soc., 21 octobre 2020, pourvoi n° 20-18.669, publié au rapport).
15. Elle juge également que l'interprétation des statuts d'une organisation syndicale ne relève pas de l'appréciation souveraine des juges du fond (Soc., 8 octobre 2014, pourvoi n° 14-11.428, 14-11.317, Bull. 2014, V, n° 234 ; Soc., 22 octobre 2014, pourvoi n° 13-60.273 ; Soc., 21 septembre 2016, pourvoi n° 15-13.902 ; Soc., 3 avril 2019, pourvoi n° 18-18.515).
16. Pour dire que le SCID est irrecevable à se porter candidat au scrutin relatif à la mesure de l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés et annuler la décision du 13 mars 2024 ayant retenu sa candidature au niveau national et professionnel, le jugement constate que l'article 1er des statuts du SCID énonce : «
est formé, entre les salariés travaillant dans le commerce, les services, les industries de l'habillement, du cuir et du textile et qui adhèrent aux présents statuts et conformément aux dispositions du code du travail, un syndicat professionnel qui prend le nom de : Syndicat Commerce Indépendant Démocratique (SCID)
». Il retient que les activités de « commerce » et celles des « services » regroupent des secteurs d'activité très différents, qui n'ont pas de lien de connexité entre eux, qu'il n'existe pas non plus de lien de connexité entre les industries de l'habillement, du cuir et du textile et que ces statuts ne visent aucune branche d'activité ou convention collective spécifique et ne permettent pas de caractériser une même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés.
17. Il en déduit que le SCID représente l'ensemble des salariés de secteurs d'activité différents, sans aucun lien de connexité entre eux, ce qui souligne sa vocation interprofessionnelle sans être pour autant une union syndicale.
18. En statuant ainsi, alors qu'il ne ressort pas des statuts du SCID qu'il entend représenter tous les salariés et toutes les activités et que l'objet du syndicat tel que prévu dans ses statuts répond aux exigences de l'article L. 2131-2 du code du travail, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.
Mise hors de cause
19. En application de l'article 625 du code de procédure civile, eu égard au jugement du tribunal judiciaire de Paris du 16 mai 2024 ayant constaté l'exécution du plan de redressement du SCID et mis fin aux fonctions de la société BTSG2 en qualité de commissaire à l'exécution du plan, il y a lieu de mettre hors de cause la société Cid et associés, administrateur judiciaire, et la société BTSG2.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 mai 2024, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ;
Met hors de cause la société Cid et associés et la société BTSG2 ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composé ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-quatre.