SOC. / ELECT
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2024
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 955 FS-B
Pourvoi n° V 24-60.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2024
1°/ La fédération SUD commerces et services - Solidaires, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ M. [M] [S], domicilié [Adresse 3], agissant en qualité de mandataire de la fédération SUD commerces et services - Solidaires,
ont formé le pourvoi n° V 24-60.167 contre le jugement rendu le 6 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Paris (pôle social, contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ à la direction générale du travail, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à l'union syndicale Solidaires, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale du travail, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'union syndicale Solidaires, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 juillet 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Arsac, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 6 mai 2024) et les productions, la fédération SUD commerces et services-Solidaires (la fédération) s'est portée candidate le 2 février 2024 au scrutin en vue de mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des entreprises de moins de onze salariés. Par décision du directeur général du travail du 13 mars 2024, sa candidature a été rejetée. Par la même décision, la candidature de l'union syndicale Solidaires (l'union), à laquelle la fédération est affiliée, a été retenue au niveau national et interprofessionnel.
2. Par déclaration reçue au greffe le 2 avril 2024, la fédération, ainsi que M. [S], agissant en qualité de mandataire de la fédération, ont saisi le tribunal judiciaire de demandes tendant, à titre principal, à ordonner à la direction générale du travail de valider la candidature de la fédération en tant qu'organisation syndicale nationale professionnelle, à titre subsidiaire, à ordonner l'annulation de la candidature de l'union dans les cinquante-neuf branches pour lesquelles la fédération est candidate et à ordonner la validation de la candidature de la fédération dans ces cinquante-neuf branches professionnelles.
Examen des moyens
Sur le premier et le second moyens réunis
Enoncé des moyens
3. Par leur premier moyen, la fédération et M. [S] font grief au jugement de les débouter de leurs demandes, alors :
« 1°/ que si une union de syndicats, à laquelle la loi a reconnu la même capacité civile qu'aux syndicats eux-mêmes, peut présenter une candidature lors des élections professionnelles, c'est à la condition que ses statuts n'en disposent pas autrement ; qu'en l'espèce, si l'article 11 des statuts de l'union Solidaires habilite chaque membre du secrétariat national à procéder à toutes désignations syndicales ainsi qu'à présenter des listes de candidatures aux élections professionnelles, il prévoit également que cette habilitation s'exerce dans le respect des règles de fonctionnement de l'Union définies dans les statuts ; qu'il en résulte, ainsi que le faisaient valoir les exposants dans leurs conclusions déposées et reprises oralement à l'audience, que la présentation d'une liste de candidatures aux élections professionnelles par l'union Solidaires doit s'inscrire dans le respect des stipulations de l'article 4 des statuts de l'union aux termes duquel celle-ci s'interdit d'intervenir, sauf demande expresse des organisations concernées, dans le champ de compétence propre des organisations adhérentes ; que devant le premier juge, il n'était pas discuté que les cinquante-sept branches professionnelles dans lesquelles la fédération Solidaires avait déposé sa candidature à l'élection syndicale TPE 2024 relevaient de son champ de compétence propre, ni allégué, et a fortiori pas établi, que la Fédération Solidaires avait expressément demandé à l'union Solidaires d'intervenir en ses lieu et place dans les branches professionnelles relevant de son champ de compétence propre lors de cette élection ; qu'en retenant néanmoins, pour statuer comme il a fait, que la fédération Solidaires ne démontrait pas en quoi la candidature de l'union Solidaires était contraire aux dispositions de l'article 11 de ses statuts, le tribunal judiciaire a méconnu les dispositions statutaires susvisées et par là-même a violé l'article 1103 du code civil, ensemble les articles L. 2133-3 et L. 2122-10-6 du code du travail ;
2°/ que le droit à un procès équitable interdit de faire peser la charge de la preuve sur la partie qui ne détient pas l'élément de preuve lui permettant d'établir le bien-fondé de sa prétention ; qu'en l'espèce, en application de l'arrêté du 7 décembre 2023 relatif aux modalités de candidature à la mesure en 2024 de l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés, l'inscription par les organisations syndicales candidates à l'édition 2024 du scrutin TPE ainsi que le dépôt des candidatures syndicales s'effectuent exclusivement par voie dématérialisée au moyen d'un site internet dédié, créé par les services centraux du ministère chargé du travail ; que, par suite, seuls les services centraux du ministère chargé du travail sont en possession des éléments et documents permettant d'établir de façon certaine la date à laquelle une organisation syndicale a déposé sa candidature à l'élection TPE 2024 ; que, dès lors, en énonçant, pour statuer comme il a fait, que la fédération Solidaires indique dans ses écritures que l'union Solidaires a manifestement attendu février 2024 pour déposer sa candidature à l'élection syndicale TPE 2024 sans apporter d'élément précis, le juge des élections professionnelles a fait peser sur la fédération Solidaires une preuve impossible à rapporter, méconnaissant ainsi le principe d'égalité des armes énoncé par les dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que lorsque le juge des élections professionnelles s'en remet à une règle chronologique pour départager deux listes de candidatures syndicales concurrentes, seule la liste de candidatures déposée en premier lieu doit être retenue ; qu'en l'espèce, en tranchant le litige au profit de l'union Solidaires après avoir énoncé que la chronologie des candidatures était pertinente pour ce faire, sans qu'il résulte de ses constatations que la candidature de l'union Solidaires à l'élection TPE 2024 était antérieure à celle de la fédération Solidaires, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2122-10-6 du code du travail. »
4. Par leur second moyen, la fédération et M. [S] font grief au jugement de les débouter de leur demande de communication des professions de foi, alors « que la cassation sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de la décision critiqué par le second moyen, en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article L. 2122-10-6 du code du travail, les organisations syndicales de salariés qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance et de transparence financière, légalement constituées depuis au moins deux ans et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel se déclarent candidats auprès des services du ministre chargé du travail dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.
6. Aux termes de l'article R. 2122-35 du code du travail, les syndicats affiliés à une même organisation syndicale au niveau interprofessionnel se déclarent candidats sous le seul nom de cette organisation. Les organisations syndicales autres que celles auxquelles leurs statuts donnent vocation à être présentes au niveau interprofessionnel indiquent la ou les branches dans lesquelles elles se portent candidates compte tenu des salariés qu'elles ont statutairement vocation à représenter.
7. Il en résulte que, s'agissant du scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés, seule la candidature de l'organisation syndicale nationale interprofessionnelle doit être validée, quand bien même elle serait postérieure à la candidature d'une organisation syndicale affiliée dont les statuts ne lui donnent pas vocation à être présente au niveau interprofessionnel, et nonobstant toute stipulation statutaire contraire.
8. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er du code de procédure civile, le jugement se trouve légalement justifié.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-quatre.