La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°23-10.013

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation de section, 11 juillet 2024, 23-10.013


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 juillet 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 418 FS-B

Pourvoi n° J 23-10.013




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024

1°/ Mme [J] [V], domiciliée [Adresse 5],r>
2°/ M. [W] [M], domicilié [Adresse 7],

3°/ M. [S] [H], domicilié [Adresse 9],

ont formé le pourvoi n° J 23-10.013 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d...

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 juillet 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 418 FS-B

Pourvoi n° J 23-10.013




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024

1°/ Mme [J] [V], domiciliée [Adresse 5],

2°/ M. [W] [M], domicilié [Adresse 7],

3°/ M. [S] [H], domicilié [Adresse 9],

ont formé le pourvoi n° J 23-10.013 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [K] [V],

2°/ à Mme [A] [I], épouse [V],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

3°/ à la société Christyan, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société Sogeterriers, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

5°/ à la société Castain Real Estate Worldwide, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],

6°/ à la société Sylphaline B, société civile immobilière,

7°/ à la société Castain, société civile immobilière,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],

8°/ à M. [X] [V], domicilié [Adresse 6],

9°/ à Mme [A] [V], domiciliée [Adresse 4],

10°/ à Mme [L] [V], domiciliée EHPAD [10], [Adresse 8],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, huit moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [J] [V] et de MM. [M] et [H], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [V] et des sociétés Christyan, Sylphaline B et Castain, de la SAS Hannotin Avocats, avocat des sociétés Sogeterriers et Castain Real Estate Worldwide, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 octobre 2022), à la fin de l'année 2017, la société civile immobilière Sogeterriers (la SCI Sogeterriers) avait pour associés, titulaires de parts en pleine propriété ou en nue-propriété, M. [K] [V], Mmes [J] et [A] [V], les sociétés civiles immobilières Castain Real Estate Worldwide, Sylphaline B, Christyan et Castain. L'usufruit des parts sociales démembrées était détenu par MM. [X] [Z], [M] et [H], Mmes [L] [V] et [A] [I] épouse [V] et la SCI Castain.

2. Lors d'une assemblée générale du 6 décembre 2017, les associés de la SCI Sogeterriers ont décidé de distribuer 2 000 000 euros de dividendes à ses deux gérants, les SCI Sylphaline B et Castain.

3. Lors d'une assemblée générale du 23 janvier 2018, ils ont décidé de l'augmentation du capital de la société, qui s'est traduite par la création de 72 800 parts sociales lors de l'assemblée générale mixte du 21 mars 2018.

4. Invoquant des abus de majorité et défauts de pouvoirs, Mme [J] [V] a assigné la SCI Sogeterriers, ses associés et les usufruitiers de parts sociales, en annulation de l'assemblée générale du 23 janvier 2018, de la première résolution de l'assemblée générale du 21 mars 2018, de la deuxième résolution de l'assemblée générale du 6 décembre 2017, ainsi que de toutes les délibérations et consultations écrites postérieures, en ce qu'elles ont été adoptées avec les majorités issues de l'augmentation de capital contestée.

5. MM. [X] [V], [M] et [H], ainsi que Mme [L] [V], se sont associés à ses demandes. MM. [M] et [H] ont également demandé l'annulation de la deuxième résolution de l'assemblée générale des associés de la SCI Sogeterriers du 20 mars 2019, portant sur la modification des statuts relatifs aux modalités des décisions collectives, à l'année sociale, à l'affectation et à la répartition des résultats.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, pris en leurs deuxième à quatrième branches, et sur les quatrième, cinquième et septième moyens

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.




Sur les premier et deuxième moyens, pris en leur première branche, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

7. Par leur premier moyen, pris en sa première branche, Mme [J] [V] et MM. [M] et [H] font grief à l'arrêt de déclarer Mme [J] [V] irrecevable à agir en annulation de l'assemblée générale extraordinaire du 23 janvier 2018 pour défaut d'intérêt à agir, alors « que la nullité pour abus de majorité n'a pas pour objet la défense des seuls intérêts des actionnaires minoritaires mais également celle de la société ; qu'en conséquence, cette nullité ne peut être confirmée ; qu'en retenant pourtant que les décisions prises le 20 mars 2019 constitueraient une « exécution volontaire » de l'assemblée du 23 janvier 2018 « valant confirmation », la privant d'intérêt à agir en nullité de cette dernière, quand, à supposer même que Mme [V] ait exécuté volontairement l'assemblée du 23 janvier 2018, cette circonstance ne pouvait confirmer la nullité prise de l'abus de majorité, la cour d'appel a violé les articles 1832 et 1844-10 du code civil. »

8. Par leur deuxième moyen, pris en sa première branche, Mme [J] [V] et MM. [M] et [H] font grief à l'arrêt de déclarer Mme [J] [V] irrecevable à agir en annulation de la première résolution de l'assemblée générale mixte du 21 mars 2018 pour défaut d'intérêt à agir, alors « que la nullité pour abus de majorité n'a pas pour objet la défense des seuls intérêts des actionnaires minoritaires mais également celle de la société ; qu'en conséquence, cette nullité ne peut être confirmée ; qu'en retenant pourtant que les décisions prises le 20 mars 2019 constitueraient une « exécution volontaire » de l'assemblée du 21 mars 2018 « valant confirmation », la privant d'intérêt à agir en nullité de cette dernière, quand, à supposer même que Mme [V] ait exécuté volontairement l'assemblée du 23 janvier 2018, cette circonstance ne pouvait confirmer la nullité prise de l'abus de majorité, la cour d'appel a violé les articles 1832 et 1844-10 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. La nullité d'une délibération d'assemblée générale pour abus de majorité, qui constitue une nullité relative pouvant être demandée tant par les associés minoritaires que par les représentants légaux de la société, peut être couverte par la confirmation.

10. Les griefs, qui postulent le contraire, doivent être rejetés.




Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. Mme [J] [V] et MM. [M] et [H] font grief à l'arrêt de déclarer Mme [J] [V] irrecevable à agir en annulation de toutes les assemblées et/ou consultations écrites postérieures qui ont été votées avec les majorités nouvelles issues de l'augmentation du capital, alors « que pour rejeter la demande en nullité des assemblées subséquentes, dont les délibérations avaient été adoptées selon les majorités nouvellement issues de l'augmentation de capital votée le 23 janvier 2018 et mise en œuvre le 21 mars 2018, la cour d'appel s'est bornée à retenir que « dès lors que Mme [V] est déclarée irrecevable à contester les décisions relatives à l'augmentation de capital, cette demande ne peut qu'être jugée irrecevable » ; que la cassation à intervenir sur les deux premiers moyens, en ce qu'elle reposera sur le constat que Mme [V] était recevable à agir en nullité des délibérations des 23 janvier et 21 mars 2018 emportera la censure du chef de l'arrêt relatif à l'irrecevabilité à agir en nullité des délibérations subséquentes, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. Les premier et deuxième moyens étant rejetés, le grief, tiré d'une cassation par voie de conséquence, est devenu sans portée.

Mais sur le sixième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. Mme [J] [V] et MM. [M] et [H] font grief à l'arrêt de déclarer MM. [M] et [H], en leur qualité d'usufruitiers, irrecevables à solliciter l'annulation de l'assemblée générale du 23 janvier 2018 décidant de l'augmentation de capital de la SCI Sogeterriers, de la première résolution de l'assemblée générale du 21 mars 2018 portant le nombre de parts sociales à 93 000 du fait de cette augmentation et de toutes les décisions et ou consultations écrites postérieures votées avec les majorités nouvelles issues de l'augmentation de capital, alors « que nonobstant toute stipulation statutaire contraire, l'usufruitier de parts sociales, s'il n'a pas la qualité d'associé, peut agir en nullité de toute délibération susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance ; qu'en l'espèce, pour dire MM. [H] et [M], en qualité d'usufruitiers de parts sociales de la SCI Sogeterriers, irrecevables, la cour d'appel a fait application de l'article 19 VIII des statuts qui « énonce clairement que les usufruitiers sont irrecevables à contester toute décision collective quelle que soit sa forme, à la seule exception des décisions collectives portant sur l'affectation des résultats » ; qu'en statuant ainsi, quand la stipulation statutaire, en ce qu'elle avait pour objet de limiter le droit des usufruitiers d'agir en nullité d'une délibération sociale susceptible de porter atteinte à leur droit de jouissance, était illicite, la cour d'appel a violé l'article 578 du code civil, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

14. Les défendeurs au pourvoi contestent la recevabilité du moyen, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, MM. [M] et [H] n'ayant pas conclu à l'illicéité de l'article 19 VIII des statuts dans leurs conclusions d'appel, à l'appui de leur demande de nullité de l'assemblée générale du 23 janvier 2018 et de la première résolution de l'assemblée générale du 21 mars 2018.

15. Toutefois, le moyen est de pur droit, dès lors qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.

16. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 578 du code civil, 31 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

17. Aux termes du premier de ces textes, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.

18. Aux termes du deuxième, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

19. Il résulte du troisième que toute personne a droit à un recours effectif au juge.


20. Si les statuts peuvent réserver le droit de vote aux associés sur les questions autres que celles relatives à l'affectation des bénéfices (Com., 31 mars 2004, pourvoi n° 03-16.694, Bull. civ. IV, n° 70), ils ne peuvent, en revanche, priver l'usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

21. Pour déclarer irrecevable l'action de MM. [M] et [H], l'arrêt retient que l'article 19 VIII des statuts énonçait que les usufruitiers étaient irrecevables à contester toute décision collective quelque soit sa forme, à la seule exception des décisions collectives portant sur l'affectation des résultats et que, les demandes d'annulation de la deuxième résolution de l'assemblée générale mixte du 6 décembre 2017 et des décisions relatives à l'augmentation de capital ne portant pas sur l'affectation des résultats, elles ne pouvaient être contestées par les usufruitiers, sans qu'il y ait lieu de rechercher si celles-ci étaient susceptibles d'avoir une incidence indirecte sur leur droit de jouissance.

22. En statuant ainsi, en se fondant sur une clause statutaire de nature à priver l'usufruitier de son droit de contester des délibérations susceptibles de porter une atteinte directe à son droit de jouissance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le huitième moyen

Enoncé du moyen

23. Mme [J] [V] et MM. [M] et [H] font grief à l'arrêt de déclarer sans objet la demande de communication de pièces sous astreinte formée par Mme [J] [V], alors « que, pour déclarer sans objet la demande de communication de pièces, l'arrêt s'est borné à considérer qu' « ainsi que l'a énoncé le juge de la mise en état l'ensemble des demandes étant déclarée irrecevables et le tribunal étant dessaisi, la demande de communication de pièces est sans objet » ; que la censure à intervenir sur l'un quelconque des sept moyens précédents emportera donc par voie de conséquence la censure du chef attaqué, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

24. La cassation prononcée sur le sixième moyen ne profitant qu'à MM. [M] et [H], en leur qualité d'usufruitiers de parts sociales, elle est sans effet sur l'irrecevabilité de la demande de communication de pièces formée par Mme [J] [V].

25. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du sixième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare MM. [M] et [H], en leur qualité d'usufruitiers, irrecevables à solliciter l'annulation de l'assemblée générale du 23 janvier 2018 décidant de l'augmentation de capital de la société civile immobilière Sogeterriers, de la première résolution de l'assemblée générale du 21 mars 2018 portant le nombre de parts sociales à 93 000 du fait de cette augmentation et de toutes les décisions et/ou consultations écrites postérieures votées avec les majorités nouvelles issues de l'augmentation de capital, l'arrêt rendu le 20 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les sociétés civiles immobilières Castain, Christyan, Sylphaline B, Sogeterriers et Castain Real Estate Worldwide, MM. [K] et [X] [V], Mmes [A] [I] épouse [V], [L], [A] et [J] [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés civiles immobilières Castain, Christyan, Sylphaline B, Sogeterriers et Castain Real Estate Worldwide, M. [K] [V], Mme [A] [I] épouse [V] à payer à MM. [M] et [H] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-10.013
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence 8C


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation de section, 11 jui. 2024, pourvoi n°23-10.013, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:23.10.013
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award