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11/07/2024 | FRANCE | N°22-22.488

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation de section, 11 juillet 2024, 22-22.488


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 juillet 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 440 FS-B

Pourvoi n° Y 22-22.488




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024

La société Tarsaguet, société civile immobilière, don

t le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-22.488 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2022 par la cour d'appel d'Agen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant ...

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 juillet 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 440 FS-B

Pourvoi n° Y 22-22.488




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024

La société Tarsaguet, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-22.488 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2022 par la cour d'appel d'Agen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) Occitanie, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société civile immobilière Tarsaguet, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Occitanie, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mme Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 7 septembre 2022) et les productions, après avoir reçu notification de trois projets de vente au profit de la société civile immobilière Tarsaguet (la SCI) de parcelles, anciennement à usage de gravière, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Gascogne Haut Languedoc, aux droits de laquelle est venue la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Occitanie (la SAFER), a, les 26 janvier et 9 juin 2017, notifié sa décision de préempter l'ensemble des parcelles.

2. La SCI a assigné la SAFER en annulation des décisions de préemption.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation des décisions de préemption, alors « qu'à peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objectifs définis à l'article L. 143-2 du code rural ; qu'il résulte de l'article L. 143-2, 8°, du code rural que la préemption doit avoir pour objet la réalisation d'un projet de protection de l'environnement par la mise en œuvre de pratiques agricoles adaptées, dans le cadre de stratégies définies par l'État, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes publiques en application du code rural ou du code de l'environnement ; qu'en refusant d'annuler la décision de préemption fondée sur l'article L. 143-2, 8°, quand cette décision qui vise une fonction hydrologique et écologique ne fait état d'aucune mise en œuvre de « pratiques agricoles », la cour d'appel a violé les articles L. 143-3 et L. 143-2, 8°, du code rural. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 143-2, 8°, du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, l'exercice du droit de préemption institué au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peut avoir pour objet la protection de l'environnement, principalement par la mise en œuvre de pratiques agricoles adaptées, dans le cadre de stratégies définies par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes publiques en application de ce code ou du code de l'environnement.

6. Il en résulte que, si la mise en oeuvre de pratiques agricoles adaptées constitue le moyen privilégié pour atteindre l'objectif environnemental poursuivi par l'exercice du droit de préemption, ce texte ne rend pas impératif l'usage de ce moyen.

7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

8. La SCI fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'à peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objectifs définis à l'article L. 143-2 du code rural ; qu'en cas d'exercice du droit de préemption ayant pour objet la réalisation d'un projet de protection de l'environnement par la mise en œuvre de pratiques agricoles adaptées, dans le cadre de stratégies définies par l'État, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes publiques en application du code rural ou du code de l'environnement, il appartient à la SAFER de mentionner dans sa décision de préemption, des indications concrètes constitutives d'un projet spécifique et concret susceptible de répondre aux objectifs à atteindre ; qu'en refusant d'annuler les décisions de préemption de la SAFER prises sur le fondement de l'article L. 143-2, 8°, du code rural, quand ces décisions se bornent à motiver la préemption par des considérations d'ordre général et hypothétiques exposées au conditionnel, et ne comportent aucune indication concrète constitutive du descriptif d'un projet spécifique et concret susceptible de répondre aux objectifs à atteindre, la cour d'appel a violé les articles L. 143-3 et L. 143-2, 8° du code rural ;

3°/ qu'à peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objectifs définis à l'article L. 143-2 du code rural ; qu'en cas d'exercice du droit de préemption ayant pour objet la réalisation d'un projet de protection de l'environnement par la mise en œuvre de pratiques agricoles adaptées, dans le cadre de stratégies définies par l'État, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes publiques en application du code rural ou du code de l'environnement, il appartient à la SAFER de mentionner dans sa décision de préemption, un projet répondant à des stratégies définies par l'État, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes publiques ; qu'en refusant d'annuler les décisions de préemption qui visent un objectif hydrologique de pompage de l'Adour et un objectif écologique, quand il résulte de la lettre de la DREAL du 19 janvier 2017 visée par l'arrêt attaqué, que celle-ci avait subordonné son avis favorable à la préemption du site par la SAFER au regard de ces objectifs, à la réalisation d'une étude prouvant l'efficacité du projet de pompage, d'une étude sur l'impact du pompage sur la faune, la flore et les habitats naturels situés sur le site et sur le captage AEP de Goux en amont immédiat, et sur la compatibilité de cette activité et avec les aménagements réalisés dans le cadre de la remise en état du site visant le risque d'inondation, la stabilité des berges, la création et l'entretien d'habitats naturels, ce dont il résulte que la SAFER ne pouvait justifier à la date de la décision de préemption, d'aucun projet de protection de l'environnement dans le cadre de stratégies définies par l'État, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes publiques, la cour d'appel a violé les articles L. 143-3 et L. 143-2, 8°, du code rural. »

Réponse de la Cour

9. En premier lieu, la cour d'appel a constaté que les décisions de préemption, expressément fondées sur l'article L. 143-2, 8°, du code rural et de la pêche maritime, décrivaient les biens préemptés, constitués en majeure partie d'excavations en nature de lacs, et mentionnaient que la SAFER avait été sollicitée par un établissement public interdépartemental désireux de poursuivre sur ce site sa politique d'intérêt général dans le cadre d'une gestion intégrée pour y développer sa fonction hydrologique au moyen d'un soutien d'étiage de l'Adour et sa fonction écologique par l'aménagement d'une zone de réserve et de quiétude, ainsi que par une association d'irrigants désireux eux aussi de réalimenter l'Adour en période d'étiage. Elle a ajouté que ces décisions précisaient que cette ressource en eau permettrait de sécuriser le débit de la rivière pour des usages non seulement agricoles mais aussi pour d'autres acteurs économiques locaux.

10. Elle a pu retenir qu'il s'agissait, non de motifs types, mais de motifs expliquant l'exercice du droit de préemption par des données concrètes et objectives relatives aux propriétés dont la cession est envisagée.

11. En deuxième lieu, elle a constaté que, par courrier du 19 janvier 2017, la directrice régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement avait, compte tenu des enjeux liés à la biodiversité et aux milieux naturels, émis un avis favorable à la préemption, sous réserve de mettre en place un cahier des charges environnemental à respecter par le futur acquéreur et de réaliser des études complémentaires sur les projets de pompage de la gravière pour réalimenter l'Adour à l'étiage.

12. En troisième lieu, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, il n'était plus nécessaire que le droit de préemption exercé sur le fondement de l'article L. 143-2, 8°, du code rural et de la pêche maritime vise la réalisation d'un projet écologique spécifique approuvé par l'Etat ou les collectivités locales et leurs établissements publics.

13. Ayant enfin relevé qu'une convention de concours technique avait été signée le 3 octobre 2009 entre l'Institution Adour, établissement public territorial de bassin, et la SAFER pour permettre l'échange d'informations sur les ventes immobilières projetées ou en cours, et que l'Institution Adour avait établi une étude détaillée sur le projet de réhabilitation du site, elle a pu en déduire que le droit de préemption, visant un but de protection de l'environnement par prise en compte des nécessités d'irrigation des terres agricoles du fait de la baisse de niveau de l'Adour et, par conséquent, avec intégration d'un but agricole, avait été exercé conformément à la stratégie mise en oeuvre par l'Institution Adour.

14. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de rejeter la demande en annulation des décisions de préemption de la SCI, peu important qu'un projet concret n'ait pas encore été établi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière Tarsaguet aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Tarsaguet et la condamne à payer à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Occitanie la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 22-22.488
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation de section, 11 jui. 2024, pourvoi n°22-22.488, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22.22.488
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