La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°21-23.372

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation de section, 11 juillet 2024, 21-23.372


CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 juillet 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 441 FS-B

Pourvoi n° P 21-23.372




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024

Mme [W] [R], épouse [H], domiciliée [Adresse 2], a formÃ

© le pourvoi n° P 21-23.372 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [A], domicili...

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 juillet 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 441 FS-B

Pourvoi n° P 21-23.372




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024

Mme [W] [R], épouse [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-23.372 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [A], domicilié [Adresse 5],

2°/ à M. [O] [A], domicilié [Adresse 4],

3°/ à M. [X] [R], domicilié [Adresse 1],

4°/ à Mme [Y] [R], épouse [C], domiciliée [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [W] [R], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de MM. [L] et [O] [A], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de président, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mme Pic, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 1er septembre 2021), M. [L] [A], locataire d'un domaine agricole appartenant à [D] [R], a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux le 16 novembre 2010, afin d'être autorisé à céder le bail à son fils, M. [O] [A].

2. Le 9 février 2011, le bailleur a délivré au preneur un congé pour atteinte de l'âge de la retraite à effet au 1er octobre 2012, terme de la seconde période triennale suivant le précédent renouvellement qui avait pris effet le 1er octobre 1996.

3. Le preneur a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de ce congé et en sursis à statuer a été ordonné dans l'attente de la décision à intervenir sur l'autorisation de cession.

4. Puis M. [L] [A] a été autorisé à céder son bail par un arrêt du 19 novembre 2014 désormais définitif et cette cession est intervenue par acte authentique du 13 décembre 2016, notifié le 13 janvier 2017 à Mmes [W] et [Y] [R] et à M. [X] [R], venus aux droits de [D] [R].

5. L'instance en nullité du congé du 9 février 2011 ayant été reprise, Mme [W] [R] a, à titre reconventionnel, sollicité sa validation et l'expulsion de M. [L] [A].

6. Elle a parallèlement saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de l'acte de cession du 13 décembre 2016, en résiliation du bail rural et en expulsion de M. [O] [A].

7. Les instances ont été jointes en cause d'appel.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. Mme [W] [R] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en contestation de la cession du bail, en résiliation du bail et en expulsion, alors :

« 1°/ que l'action engagée par un indivisaire qui tend à l'expulsion d'un occupant sans droit ni titre constitue une mesure nécessaire à la conservation des droits des coïndivisaires et entre dans la catégorie des actes que tout indivisaire peut accomplir seul ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevables les demandes de contestation de la cession du bail, en résiliation du bail et en expulsion formulées par Mme [R], qu'une telle action constituait un acte d'administration et que cette dernière devait justifier des deux tiers des droits indivis, ce qui ne résultait d'aucune des pièces versées aux débats, la cour d'appel a violé les articles 815-2 et 815-3 du code civil ;

2°/ qu'en se fondant, pour juger que la demande de Mme [W] [R] en contestation de la cession du bail, en résiliation du bail et en expulsion ne constituait pas une mesure conservatoire, sur la circonstance inopérante que les autres coindivisaires avaient entendu ne pas s'associer à la procédure de Mme [W] [R], la cour d'appel a violé l'article 815-2 du code civil ;

3°/ qu'en se fondant encore sur la nature même de la contestation, laquelle portait sur la cession du bail, ainsi que sur le contexte de l'affaire, la cession du bail ayant été judiciairement validée, pour juger que la demande de Mme [W] [R] en contestation de la cession du bail, en résiliation du bail et en expulsion ne constituait pas une mesure conservatoire, après avoir pourtant constaté que cette demande tendait à l'expulsion de tout occupant sans droit ni titre, ce dont il résultait qu'elle avait pour objet la conservation des droits des coïndivisaires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 815-2 du code civil. »


Réponse de la Cour

10. La cour d'appel a rappelé, à bon droit, que l'article 815-2 du code civil permet à tout indivisaire d'agir seul et de prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même en l'absence d'urgence, et qu'une mesure d'expulsion d'un occupant sans droit ni titre peut constituer une telle mesure.

11. Puis elle a constaté que, si les demandes de Mme [W] [R] tendaient à pareille expulsion, leur objet premier était de contester la cession du bail et d'obtenir sa résiliation.

12. Abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches, elle en a exactement déduit que ces demandes n'étaient pas conservatoires au sens de l'article 815-2 du code civil.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

14. Mme [W] [R] fait grief à l'arrêt d'annuler le congé délivré par [D] [R] à M. [L] [A] le 9 février 2011 et de rejeter ses demandes tendant à l'expulsion de tout occupant du chef du second, alors « que la cession, judiciairement autorisée, d'un contrat de bail rural, par le preneur à l'un de ses descendants, n'est opposable au bailleur qu'à la date de signature de l'acte de cession ; qu'en énonçant, pour juger que le congé délivré par [D] [R] à M. [L] [A] le 9 février 2011 à effet au 1er octobre 2012 était nul et de nul effet, que le congé avait été délivré postérieurement à la cession du bail par M. [L] [A] à son fils M. [O] [A], laquelle avait pris effet rétroactivement le 16 novembre 2010, date à laquelle M. [L] [A] avait formé une demande d'autorisation de cession du bail, la cour d'appel a violé les articles 1216 et 1323 du code civil, ensemble les articles L. 411-35 et L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour
15. Selon l'article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur qui entend refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite ou limiter son renouvellement à l'expiration de la période triennale au cours de laquelle le preneur atteindra cet âge doit prévenir celui-ci de son intention de refuser le renouvellement du bail ou d'y mettre fin par acte extrajudiciaire signifié au moins dix-huit mois à l'avance. Le preneur évincé en raison de son âge peut céder son bail à son conjoint, ou au partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, participant à l'exploitation ou à l'un de ses descendants ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipé, dans les conditions prévues à l'article L. 411-35. Le bénéficiaire de la cession a droit au renouvellement de son bail.

16. Selon l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, à défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire des baux ruraux.

17. Même autorisée en justice, elle ne produit effet à l'égard du bailleur que si, conformément à l'article 1216 du code civil, il est partie à l'acte de cession, si l'acte lui est notifié ou s'il en prend acte (3e Civ., 11 janvier 2024, pourvoi n° 22-15.661, publié).

18. Il en résulte que lorsque le preneur destinataire d'un congé fondé sur l'âge obtient l'autorisation de céder son bail, la cession, rendue opposable au bailleur dans les conditions de l'article 1216 du code civil, prive d'effet ce congé.

19. Ayant constaté que la cession du bail avait été notifiée au bailleur après avoir été judiciairement autorisée, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que le congé pour âge délivré le 9 février 2011 devait être annulé.
20. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [W] [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] [R] et la condamne à payer à MM. [L] et [O] [A] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 21-23.372
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation de section, 11 jui. 2024, pourvoi n°21-23.372, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:21.23.372
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award