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10/07/2024 | FRANCE | N°22-17.669

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 10 juillet 2024, 22-17.669


COMM.

MB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 juillet 2024




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 431 F-B

Pourvoi n° K 22-17.669




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 JUILLET 2024

La société Société des pétrol

es et carburants Landais (Sopecal), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1], a formé le pourvoi n° K 22-17.669 contre l'arrêt rendu le 15 févrie...

COMM.

MB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 juillet 2024




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 431 F-B

Pourvoi n° K 22-17.669




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 JUILLET 2024

La société Société des pétroles et carburants Landais (Sopecal), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1], a formé le pourvoi n° K 22-17.669 contre l'arrêt rendu le 15 février 2022 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant à la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Société des pétroles et carburants Landais, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction régionale des douanes et droits indirects de Bayonne, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 15 février 2022), la société Société des pétroles et carburants landais (la société Sopecal), qui commercialise des hydrocarbures, est soumise à ce titre au prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes (la TGAP sur les carburants) prévue à l'article 266 quindecies du code des douanes.

2. A la suite d'un contrôle, l'administration des douanes a relevé à l'encontre de la société Sopecal un défaut de déclaration et de paiement de la TGAP sur les carburants pour la période du 1er janvier 2010 au 18 octobre 2010.

3. Le 17 décembre 2013, l'administration des douanes a émis contre la société Sopecal un avis de mise en recouvrement (AMR) de la somme de 2 798 456 euros.

4. Sa réclamation ayant été rejetée le 11 juillet 2016, la société Sopecal a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR et de la décision de rejet et en décharge de la taxe mise en recouvrement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

6. La société Sopecal fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, alors :

« 2°/ que l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE relative au régime général d'accise du 16 décembre 2008 s'oppose au maintien d'une "taxe indirecte à finalité spécifique" comme celle de l'article 266 quindecies du code des douanes, dont les caractéristiques sont incompatibles avec l'économie générale des règles des droits d'accise ; que la répercussion de la taxe sur le consommateur final est un élément fondamental du régime juridique de l'accise, qu'une taxe indirecte supplémentaire nationale doit nécessairement respecter ; qu'en jugeant au contraire que la répercussion sur le consommateur n'était qu'une faculté pour les Etats membres, de sorte que la méconnaissance de cette condition serait inopérante pour apprécier la conformité de la taxe indirecte supplémentaire au droit de l'Union européenne, la cour d'appel a violé l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE ;

3°/ que l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE relative au régime général d'accise du 16 décembre 2008 s'oppose au maintien d'une "taxe indirecte à finalité spécifique" comme celle de l'article 266 quindecies du code des douanes, dont les caractéristiques sont incompatibles avec l'économie générale des règles des droits d'accise, en ce que sa base d'imposition, fixée par référence au 1° du 2 de l'article 298 du code général des impôts français, est celle utilisée pour calculer la TVA due en cas de mise à la consommation des carburants, à savoir une valeur moyenne fixée forfaitairement pour chaque quadrimestre par décision du directeur général des douanes sur la base du prix CAF moyen des produits importés, ou faisant l'objet d'une acquisition intracommunautaire, majoré du montant des droits de douane applicables aux produits de l'espèce en régime de droit commun en tarif minimum et des taxes et redevances perçues lors de la mise à la consommation, à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée, étant précisé que cette valeur forfaitaire est révisable dans le cas où les prix CAF des produits pétroliers accusent une variation en plus ou en moins, égale ou supérieure à 10 % par rapport au prix ayant servi de base au calcul de cette valeur ; qu'en condamnant la société Sopecal à régler le montant de cette taxe, dont le calcul de la base d'imposition n'est pas conforme à l'économie générale de la directive 2008/118/CE relative au régime général d'accise, la cour d'appel a encore méconnu ce texte. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (la directive 2008/118), les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaires applicables à l'accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt, ces règles n'incluant pas les dispositions relatives aux exonérations.

8. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé que l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12/CEE du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (la directive 92/12) permet aux États membres d'introduire ou de maintenir une imposition indirecte autre que l'accise instituée par cette directive si, d'une part, cette imposition poursuit une finalité spécifique et si, d'autre part, elle respecte les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la TVA pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt et que ces deux conditions, qui visent à éviter les impositions indirectes supplémentaires entravant indûment les échanges, revêtent, ainsi qu'il ressort du libellé même de ladite disposition, un caractère cumulatif (arrêts du 27 février 2014, Transportes Jordi Besora, C-82/12, points 21 et 22, et du 25 juillet 2018, Messer France, C-103/17, points 35 et 36).

9. S'agissant de la seconde condition, la Cour de justice a jugé que l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12 ne requiert pas des États membres le respect de toutes les règles relatives aux accises ou à la TVA en matière de détermination de la base imposable, de calcul, d'exigibilité et de contrôle de l'impôt et qu'il suffit que les impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques soient conformes, sur ces points, à l'économie générale de l'une ou de l'autre de ces techniques d'imposition, telles qu'elles sont organisées par la réglementation de l'Union (arrêts du 24 février 2000, Commission/France, C-434/97, point 27, du 9 mars 2000, EKW et Wein & Co, C-437/97, point 47, et du 25 juillet 2018, Messer France, C-103/17, point 48).

10. Il ressort en outre de son arrêt du 5 mars 2015 Statoil Fuel & Retail (C-553/13, point 34) que, la teneur des dispositions de l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 2008/118 et de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12 n'étant, en substance, pas différente, la jurisprudence de la Cour relative à cette dernière disposition demeure applicable en ce qui concerne l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 2008/118.

11. D'une part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que, selon l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 2008/118, les seules conditions à respecter par les impositions indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise sont de poursuivre une ou plusieurs finalités spécifiques et d'être conformes à l'économie générale des accises ou de la TVA en matière de détermination de la base imposable, de calcul, d'exigibilité et de contrôle de l'impôt telles qu'organisées par la réglementation de l'Union.

12. Après avoir retenu que la TGAP sur les carburants prévue à l'article 266 quindecies du code des douanes est une taxe indirecte supplémentaire sur les carburants à finalité spécifique au sens de l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 2008/118, l'arrêt énonce exactement que ce dernier texte n'impose pas aux Etats membres de répercuter une telle taxe sur le consommateur final, cette répercussion n'étant qu'une possibilité.

13. D'autre part, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que le prix CAF servant à déterminer l'assiette de la TGAP sur les carburants n'est pas le prix réel des marchandises mais une moyenne par unité de volume applicable sur l'ensemble du quadrimestre, que le taux de la TGAP sur les carburants est aussi calculé en fonction des volumes de biocarburant incorporés dans l'essence ou le gazole mis à la consommation, de sorte que cette taxe n'est pas exclusivement calculée par rapport à la valeur du produit, mais tient aussi compte de sa qualité, et que la TGAP sur les carburants est exigible au moment de la mise à la consommation des produits, quand bien même le paiement n'intervient que le 10 avril de l'année suivante.

14. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que la TGAP sur les carburants respectait les règles de taxation applicables aux accises et remplissait ainsi la seconde condition posée à l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 2008/118.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

16. Et, en l'absence de doute raisonnable, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles suggérées par la société Sopecal.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Société des pétroles et carburants Landais aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Société des pétroles et carburants Landais et la condamne à payer à la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 3] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 22-17.669
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que, selon l'article 1er, § 2, de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, les seules conditions à respecter par les impositions indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise sont de poursuivre une ou plusieurs finalités spécifiques et d'être conformes à l'économie générale des accises ou de la TVA en matière de détermination de la base imposable, de calcul, d'exigibilité et de contrôle de l'impôt telles qu'organisées par la réglementation de l'Union européenne

douanes.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau 01


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 10 jui. 2024, pourvoi n°22-17.669, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22.17.669
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