N° Q 23-85.458 F-D
N° 00789
ODVS
18 JUIN 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 JUIN 2024
M. [P] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 14 septembre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de falsification de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole, tromperie sur une marchandise en bande organisée, blanchiment, escroquerie aggravée en bande organisée, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 14 janvier 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [P] [I], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 29 juin 2022, M. [P] [I] a été mis en examen des chefs susvisés.
3. Le 22 décembre 2022, son conseil a déposé une requête en annulation de pièces de la procédure, dont certaines mesures de géolocalisation.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième et cinquième moyens
4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit la requête recevable et au fond, constaté que la procédure est régulière, et rejeté les demandes de nullités présentées par M. [I], alors :
« 1°/ que, premièrement, au cours de l'enquête préliminaire, l'opération de géolocalisation doit être autorisée par écrit par le procureur de la République ; qu'en constatant que « L'autorisation écrite du procureur de la République ne figure pas en procédure, en contradiction avec les dispositions précitées », sans en tirer les conséquences quant à la demande de nullité des dites opérations, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et dès lors a méconnu les articles 6 §1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 9 du Code civil, les articles préliminaire, articles 230-32, 230-33, 230-34 et 230-35 du Code de procédure pénale, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale ;
2°/ que, deuxièmement, l'autorisation écrite d'une mesure de géolocalisation doit être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que cette opération est nécessaire ; que l''absence d'une telle motivation, qui interdit tout contrôle réel et effectif de la mesure, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée ; qu'en rejetant la demande de nullité des opérations de géolocalisation aux motifs que « cette mesure de géolocalisation n'a apporté aucune contribution à la recherche de la manifestation de la vérité » quand elle constatait l'absence d'autorisation écrite ne permettant pas de s'assurer de la motivation spéciale de celle-ci, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et partant a a méconnu les articles 6 §1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 9 du Code civil, les articles préliminaire, articles 230-32, 230-33, 230-34 et 230-35, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 230-32 et 230-33 du code de procédure pénale :
6. Il se déduit de ces textes que les opérations de géolocalisation en temps réel, réalisées dans le cadre fixé par ces articles, doivent être autorisées par écrit par le magistrat compétent, avant la mise en place du dispositif.
7. Pour écarter le grief de nullité d'une telle mesure visant la ligne téléphonique [XXXXXXXX01] qui était attribuée à M. [I], l'arrêt attaqué relève que l'autorisation écrite du procureur de la République ne figure pas en procédure, en contradiction avec les dispositions précitées.
8. Les juges ajoutent que cette mesure de géolocalisation n'a apporté aucune contribution à la recherche de la manifestation de la vérité en ce qu'elle n'a été ni exploitée en procédure, ni renouvelée, de sorte que le grief constitué par l'entrave à sa vie privée, invoqué par M. [I], n'apparaît pas démontré.
9. Ils en déduisent que l'absence d'autorisation ne peut conduire à la nullité de la mesure de géolocalisation.
10. En l'état de ces motifs, dont il se déduit que la mise en oeuvre de la mesure de géolocalisation n'a pas été autorisée au préalable par une décision écrite et motivée du magistrat saisi, et alors qu'il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que cette mesure a fait l'objet de procès-verbaux d'exploitation, cotés D304 à D310, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la géolocalisation de la ligne téléphonique [XXXXXXXX01] attribuée à M. [I] réalisée entre le 31 janvier et le 15 février 2022. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 14 septembre 2023, mais en ses seules dispositions relatives à la géolocalisation de la ligne téléphonique [XXXXXXXX01] attribuée à M. [P] [I] réalisée entre le 31 janvier et le 15 février 2022, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille vingt-quatre.