LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 mai 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 226 F-D
Pourvoi n° M 21-18.678
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 MAI 2024
M. [C] [G], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 21-18.678 contre l'arrêt rendu le 23 avril 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [J] [N] [D] [P], domicilié [Adresse 1],
2°/ à M. [E] [K], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
M. [K] a formé un pouvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de Me Guermonprez, avocat de MM. [G], et [K], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N] [D] [P], après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 23 avril 2021), M. [N] [D] [P] a assigné devant un tribunal de grande instance la SCCV Anjou ll, devenue la société Labourdonnais, ainsi que les deux cautions de cette société, MM. [K] et [G] en paiement d'une certaine somme.
2. M. [N] [D] [B] a relevé appel du jugement ayant prononcé la nullité du prêt.
3. Par un arrêt du 5 avril 2019, la cour d'appel a statué sur la demande formée contre la société Labourdonnais et disjoint l'affaire concernant les deux cautions.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, en ce qu'ils concernent l'action formée contre M. [K]
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui sont irrecevables.
Sur le pourvoi incident
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a lieu de statuer par une décision spécialement motivée ni sur le premier moyen ni sur le second moyen, en ce qu'ils concernent l'action formée contre M. [G], qui sont irrecevables, ni sur le second moyen, en ce qu'il concerne l'action formée contre M. [K], qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal délibéré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après débats à l'audience publique du 10 octobre 2023, où étaient présents : Mme Martinel, président, Mme Jollec, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen et Mme Thomas, greffier de chambre.
Enoncé du moyen
6. M. [G] fait grief à l'arrêt de juger recevable et bien fondée l'action engagée par M. [N] [D] [P] à son encontre et à l'encontre de M. [K] et, en conséquence, de les condamner en leur qualité de caution de la SCCV Labourdonnais au paiement d'une somme de 750 000 euros, alors « qu'en cas de disjonction d'instance les parties peuvent aussi bien déposer des conclusions nouvelles après l'ordonnance de disjonction que conserver l'acquis de leurs conclusions déposées antérieurement à la disjonction alors qu'il n'existait qu'une procédure unique ; que, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour d'appel s'est abstenue soit de viser les dernières conclusions pour M. [G] qui avaient été déposées avant l'ordonnance de disjonction d'instance soit d'exposer succinctement les prétentions les moyens de cette partie ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 367 et 368 du code de procédure civile, ainsi que les articles 455 et 954 du même code, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. M. [N] [D] [P] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que M. [G] n'a ni qualité ni intérêt à faire grief à l'arrêt d'avoir jugé recevable et bien fondée son action engagée à l'encontre de M. [K] et d'avoir condamné ce dernier, en qualité de caution, à lui payer la somme de 750 000 euros.
8. Une partie n'est pas, en effet, recevable à critiquer un chef de dispositif relatif à la recevabilité d'une action d'une autre partie et à la condamnation de cette dernière.
9. Il en résulte que le moyen est partiellement recevable s'agissant de la recevabilité de l'action engagée par M. [N] [D] [P] à l'encontre de M. [G] et de la condamnation de ce dernier, en qualité de caution, à lui payer la somme de 750 000 euros, et irrecevable s'agissant de la recevabilité de l'action engagée par M. [N] [D] [P] à l'encontre de M. [K] et à la condamnation de ce dernier.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 367 et 455 du code de procédure civile :
10. En cas de disjonction, la partie, qui ne dépose pas de dernières conclusions après la disjonction, n'est pas réputée avoir abandonné les prétentions et moyens qu'elle avait antérieurement présentés à l'appui de son appel.
11. Il en résulte que lorsqu'aucune conclusion n'aura été déposée postérieurement à la décision de disjonction, le juge doit viser les conclusions antérieures ou faire un exposé sommaire des prétentions ou des moyens.
12. Pour condamner M. [G] au paiement d'une certaine somme d'argent, l'arrêt se prononce au visa des conclusions de M. [K] et de M. [N] [P].
13. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des productions qu'avant la disjonction, M. [G] avait déposé, le 2 novembre 2017, des conclusions, la cour d'appel, qui n'a pas visé ces dernières conclusions et qui s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle les aurait prises en considération, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement rendu le 21 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Saint-Denis en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la prescription et déclaré l'action de M. [N] [D] [P] recevable à l'encontre de M. [G] et en ce qu'il condamne M. [G] à payer en sa qualité de caution de la SCCV Labourdonnais à M. [N] [D] [P] la somme de 750 000 euros et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ;
Condamne M. [N] [D] [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par MM. [K] et [N] [D] [P] et condamne ce dernier à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.